Un effort pédagogique doit être fait

Faciliter la vaccination Covid pendant la grossesse

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Publié le 25/06/2021
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Les femmes enceintes sont plus à risque de Covid-19 sévère, et ce d’autant plus qu’elles présentent des facteurs de risque communs à ceux de la population générale. La vaccination devrait être fortement encouragée chez elles.
Les vaccins à ARNm sont autorisés au cours de la grossesse, ils n’ont pas d’effet tératogène ni d’effets secondaires particuliers chez la femme enceinte

Les vaccins à ARNm sont autorisés au cours de la grossesse, ils n’ont pas d’effet tératogène ni d’effets secondaires particuliers chez la femme enceinte
Crédit photo : phanie

Dès le début de l’épidémie de Covid-19, la question de la sévérité de l’infection au cours de la grossesse s’est naturellement posée. Les données sur le risque de fausse couche spontanée sont peu nombreuses, la seule étude cas-témoin qui a porté spécifiquement sur le Covid-19 n’a pas mis en évidence de surrisque, mais il s’agissait d’un petit effectif. « Mais toute infection grave au premier trimestre augmente ce risque », rappelle le Pr Olivier Picone (Colombes).

En revanche, il est aujourd’hui clairement démontré que les femmes enceintes ont un risque accru de Covid-19 sévère. Une vaste méta-analyse, publiée dans le BMJ (1), a conclu à une multiplication du risque, par 2 à 3, de transfert en soins intensifs, de recours à une ventilation invasive ou à une Ecmo en cas d’infection au cours de la grossesse. Plusieurs facteurs ont été associés à ce risque d’évolution plus sévère : âge supérieur à 35 ans, indice de masse corporelle > 30 kg/m2, HTA ou diabète préexistant et prééclampsie. Ainsi, le recoursr à une ventilation invasive est multiplié par 6 en cas d’IMC > 30 et par 63 en cas d’HTA chronique.

Le taux de mortalité associée au Covid 19 en cours de grossesse a été estimé à 0,02 % et le risque de prématurité induite à 18 %.

Un effet incertain sur le placenta

Les conséquences éventuelles du Covid-19 au niveau placentaire restent un sujet d’interrogation. Il est préconisé, notamment par l’ISUOG (International society of ultrasound in obstetrics and gynecology), de réaliser une échographie mensuelle chez une femme enceinte ayant contracté l’infection, afin de vérifier la croissance fœtale.

Peu de cas de transmission materno-fœtale documentée ont été rapportés et il ne semble pas y avoir de risque accru de malformation chez les nouveau-nés infectés.

En cas d’infection au moment de l’accouchement, le personnel doit être rigoureusement protégé. « Si le port du masque pour la mère est conseillé, cette mesure doit être appliquée avec souplesse et ne doit pas être imposée », précise le Pr Picone. La mère ne doit ensuite pas être séparée de l’enfant.

Il faut noter un effet collatéral positif de la pandémie : les mesures de restrictions de visites dans les suites de couches semblent se révéler bénéfiques pour les mères, qui sont, selon les remontées du terrain, moins fatiguées, et cela favorise directement la qualité de l’allaitement.

Une population à privilégier

« Le risque accu de Covid-19 sévère au cours de la grossesse indique bien que les femmes enceintes sont une population à privilégier dans les politiques vaccinales », souligne Pr Picone, avant de rappeler que le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et le Groupe de recherche sur les infections pendant la grossesse (GRIG) se sont positionnés en faveur de la vaccination des femmes enceintes dès le début de la campagne vaccinale (2).

Le principe de précaution a été initialement appliqué par les autorités, par manque de données. Puis, leur vaccination a dans un premier temps été autorisée chez celles présentant les facteurs de risque précités ; elle est désormais recommandée chez toutes les femmes enceintes après le premier trimestre. Certains hôpitaux ont commencé à vacciner et les « vaccinodromes » s’ouvrent aussi aux futures mères, qui bénéficient de files spéciales. « Un effort pédagogique doit être fait, estime le Pr Picone. Seuls les vaccins à ARNm sont autorisés au cours de la grossesse, ils n’ont pas d’effet tératogène, n’ont pas d’effets secondaires particuliers chez la femme enceinte et ils ne peuvent pas entraîner de modifications de l’ADN ». Une étude publiée tout récemment dans le Nejm est tout à fait rassurante (3).

Enfin, comme pour la vaccination antigrippale et anticoquelucheuse, au-delà de la protection conférée à la mère, la vaccination contre le Covid-19 entraîne un transfert d’anticorps à l’enfant et dans le lait maternel, ce qui constitue un facteur de protection des nouveau-nés.

Exergue : Il est conseillé de réaliser une échographie mensuelle chez une femme enceinte ayant contracté l’infection

Entretien avec le Pr Olivier Picone, hôpital Louis-Mourier (Colombes)

(1) BMJ 2020;370:m3320

(2) CNGOF Communiqué du 8 janvier 2021

(3) NEJM 21 avril 2021. doi: 10.1056/NEJMoa2104983

Dr Isabelle Hoppenot

Source : lequotidiendumedecin.fr