Il aura fallu attendre l’arrivée de ses génériques en 2020 pour que les Françaises puissent utiliser le diénogest. « La France a perdu plus de dix ans en raison du non-remboursement, à l’époque, de Visanne, alors que ce progestatif avait une AMM européenne dans l’endométriose, contrairement à tous ceux utilisés dans notre pays ! », déplore le Pr Hervé Fernandez, gynécologue-obstétricien (hôpital de Bicêtre, Paris).
C’est ainsi que toute l’Europe, sauf la France, s’est mise à utiliser le diénogest en première intention dans l’endométriose. Aujourd’hui, 80 000 Françaises sont traitées chaque mois alors qu’elles n’étaient que 800 en 2020, « preuve que cela correspondait à un besoin », souligne le Pr Fernandez, ajoutant que les restrictions concernant les macroprogestatifs, qui augmentent statistiquement les risques de méningiome, ont aussi joué : « il n’a pas été retrouvé de risque accru de méningiome à ce jour avec le diénogest 2 mg. Il est utilisé en Europe depuis une quinzaine d’années avec des milliers de femmes traitées. Ce bon recul est rassurant ».
Un dossier étayé
Tandis que les autres progestatifs prescrits en France n’ont pas fait l’objet d’études dans l’endométriose, le diénogest a bénéficié d’une multitude d’études montrant son intérêt – efficacité sur les symptômes et notamment la douleur, meilleure qualité de vie –, que ce soit chez les patientes opérées ou non.
« En pratique, sa meilleure indication en première intention est la patiente qui vient pour des douleurs pelviennes chroniques. Un bilan est à refaire à trois et six mois pour voir l’évolution. Dans ces conditions, cette molécule est efficace et l’on dispose désormais de suffisamment de données, notamment chez les femmes de plus de 25 ans. Avant cet âge, on commence plutôt par un œstroprogestatif, le recours au diénogest étant discuté uniquement en cas d’inefficacité sur la douleur », indique le Pr Fernandez.
Sur le plan pratique
Le diénogest présente une spécificité pour les récepteurs à la progestérone. Il a une action locale antiproliférative et anti-inflammatoire sur les lésions endométriosiques et inhibe les sécrétions systémiques des gonadotrophines, tout en permettant la persistance d’une sécrétion endogène d’estradiol. « À la dose de 2 mg ou plus, on observe une inhibition de l’ovulation rapidement réversible à l’arrêt », précise le Pr Fernandez. L’indication contraceptive n’est pas spécifiée (pas d’indice de Pearl calculé) mais ce progestatif l’est bien : « Il faut donc juste expliquer à sa patiente que, même si ce n’est pas indiqué dans la notice, il s’agit bien d’un contraceptif, elle n’a pas d’inquiétude à avoir de ce côté », note le Pr Fernandez.
Le diénogest a une demi-vie courte, de l’ordre de 15 heures : pour éviter l’apparition de spottings, il doit donc être pris à des horaires réguliers (pas plus de deux heures d’écart d’un jour à l’autre - il n’y a donc pas lieu de se préoccuper du changement d’heure à l’automne).
Le profil de tolérance est bon : avec un recul de 65 semaines, les principaux effets secondaires rapportés sont des céphalées, une tension mammaire, de l’acné et un effet dépressif pour moins de 10 % des patientes. Les études ont d’ailleurs montré que prendre le diénogest un ou deux ans, voire plus, ne causait pas de difficultés. Souvent, une sédation des douleurs est encore observée plusieurs mois après l’arrêt du traitement.
Situations particulières
Chez les femmes qui ont une endométriose pour laquelle elles ont bénéficié d’une intervention chirurgicale, surtout si elles n’ont pas de désir de grossesse, poursuivre le diénogest après l’intervention permet de limiter le risque de récidive. « L’alternative est de les mettre en ménopause artificielle par les agonistes de la GnRH et une add-back thérapie : les effets sont les mêmes qu’avec le diénogest mais la prise en charge plus complexe », explique le Pr Fernandez.
Pour les patientes qui souhaitent une FIV, il est possible de les laisser sous diénogest et même de débuter le déclenchement du protocole de stimulation, « ce qui leur évite de souffrir entre-temps », indique le gynécologue.
À noter enfin que le diénogest est aussi intéressant en cas d’adénomyose (touchant essentiellement des femmes autour de la quarantaine) ; en effet, une surproduction d’œstrogènes de l’endomètre est en cause.
Entretien avec le Pr Hervé Fernandez, gynécologue-obstétricien (hôpital de Bicêtre, AP-HP), ancien président de la société de chirurgie gynécologique et pelvienne
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