Les membres du Collège américain des gynécologues obstétriciens (ACOG) ne cachent ni leur désarroi, ni leur colère face à la décision de la Cour suprême des États-Unis d'annuler l'arrêt « Roe vs Wade », qui garantissait le droit à l'avortement dans tout le pays. « C'est un jour très sombre pour les millions de femmes, brutalement et injustement privées d'un accès légal, sûr et basé sur la science à l'avortement », réagit la Dr Iffath Hoskins, présidente de l'ACOG, lors d'une rencontre organisée avec la presse.
« C'est aussi et surtout un jour sombre pour les médecins qui, au lieu de se concentrer sur les soins qu'ils doivent délivrer, doivent s'inquiéter des sanctions légales, civiles et même professionnelles qu'ils risquent en accomplissant leur mission, poursuit-elle. En tant que spécialiste des grossesses à haut risque, je sais qu'il peut y avoir de sévères complications, et notamment d'ordre mental et psychologique, chez les femmes que l'on contraint à porter un enfant. Quelle va être la prochaine étape ? Quels sont les soins qui vont être retirés à nos patientes ? ». La Dr Hoskins promet que son organisation va « mener un combat pour restaurer un accès complet et légal à l'avortement sur la totalité du territoire des États-Unis ».
Une autre conséquence soulignée par la Dr Maureen Phipps directrice de l'ACOG, est celui de l'accroissement de l'inégalité sociale et géographique de l'accès aux soins. « La prise en charge des fausses couches va aussi être considérablement compliquée, indique la Dr Iffath Hoskins. Beaucoup de fausses couches sont incomplètes quand elles se présentent à nous, avec un cœur toujours battant. Les médecins vont désormais aller demander un second avis médical, voire demander un avis légal plutôt que de prendre rapidement une décision d'avortement qui peut préserver la santé de la patiente. » L'ACOG craint aussi un impact à long terme de cette décision sur la mortalité maternelle.« Les conséquences sur l'enseignement vont être graves et durables », ajoute la Dr Maureen Phipps. Environ 44 % des étudiants en médecine suivent leur cursus dans un État qui est susceptible d'interdire l'avortement.
L'espoir dans la FDA
« La vie et la santé des femmes de ce pays sont désormais menacées », avait réagi plus tôt le président des États-Unis Joe Biden dans une longue déclaration télévisuelle au cours de laquelle il a appelé les électeurs à lui confier une majorité lors des prochaines élections de mi-mandat qui se tiendront le 8 novembre prochain, afin de légiférer au niveau fédéral pour le droit à l'avortement.
« D'ici là, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour limiter les conséquences de la décision », de la Cour suprême, a ajouté le président Joe Biden, faisant la promesse que son administration s'assurera du maintien du droit des femmes à se rendre dans un État autorisant l'avortement. Il a également insisté sur le fait que les médecins, y compris ceux exerçant dans les États prohibitionnistes (ou en passe de l'être), doivent pouvoir prescrire des médicaments nécessaires pour pratiquer une IVG médicamenteuse. La disponibilité de ces traitements doit, selon le président, n'être soumis qu'aux règles édictées par l’Agence du médicament, la FDA, et non à la législation de chaque état.
Spécialiste des questions légales et réglementaires auprès de l'ACOG, Molly Megan est particulièrement pessimiste, compte tenu de la portée « la plus large que l'on puisse imaginer » de la décision de la Cour suprême. « L'État fédéral peut désormais mettre fin à l'avortement dans tout le pays », ce qui pourrait advenir la prochaine fois qu'un président conservateur siégera à la Maison Blanche.
En France, un projet d'inscription de l'avortement dans la constitution
« En France, cette terrible nouvelle doit sonner comme une alerte. Il faut une mobilisation politique importante pour que l’avortement soit inscrit dans la loi comme un droit fondamental, réagit Sarah Durocher, coprésidente du Planning familial. Partout dans le monde, en Pologne, en Italie, en Amérique latine, des féministes se mobilisent. Les politiques doivent les écouter. »
Un appel semble-t-il entendu. Le Haut Conseil à l'égalité a réagi immédiatement en publiant le 24 juin une recommandation en ce sens. Et la nouvelle cheffe de file des députés LREM Aurore Bergé, a annoncé samedi une proposition de révision constitutionnelle pour inscrire « le respect de l'IVG » dans notre Loi fondamentale. La Première ministre, suivie par plusieurs membres du gouvernement, et même des leaders de l'opposition ont aussi exprimé le souhait de voir le droit à l'avortement protéger par la constitution. « Il faut inscrire ce droit dans la Constitution », a également réagi sur CNews la Dr Joëlle Belaisch-Allart. présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens (CNGOF).
Le CNGOF a signé un appel émis vendredi par la Fédération internationale de gynécologie et d'obstétrique, dans laquelle il est demandé à toutes les organisations de santé dans le monde à promouvoir une « décriminalisation totale de l'avortement (...) qui doit être traité comme n'importe quel autre soin essentiel ».
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