LES CHIFFRES sont éloquents : 75 % des femmes de moins de 35 ans utilisent la pilule comme moyen de contraception ; elles ne sont qu’1/3 ensuite, la majorité d’entre elles préférant le dispositif intra-utérin (DIU). « Il y a actuellement un modèle de contraception tout au long de la vie : le préservatif, utilisé presque toujours lors du premier rapport, la pilule, puis, pour les femmes de plus de 35 ans, ou qui ont 2 enfants, le dispositif intra-utérin », résume le Pr Francis Puech, le président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). « Depuis la légalisation de la contraception, une norme contraceptive s’est imposée », constate également la chercheuse Nathalie Bajos, directrice de l’équipe Genre, Santé sexuelle et reproductive de l’INSERM.
Exit donc les autres méthodes. En 2007, 44 % des femmes seulement affirmaient connaître l’implant ou l’anneau vaginal, selon une enquête INPES-BVA. Et seulement 1 à 2 % avaient recours à des moyens de contraception alternatifs à la pilule ou au DIU. Dommageable, lorsqu’on sait, selon les chiffres de la cohorte COCON, que 30 % des grossesses non prévues concernent des femmes sous contraception médicalisée qui ont connu des problèmes d’observance (avec la pilule surtout).
Pourquoi une telle méconnaissance ? Selon Nathalie Bajos, les médecins ont une grande responsabilité dans cet état de fait, étant donné que la contraception est aujourd’hui hypermédicalisée. C’est en effet lors de la discussion avec le professionnel de santé que la femme choisit sa méthode. Or toutes ne sont pas systématiquement proposées. « Certaines jeunes femmes qui souhaitent un DIU se voient opposer un refus. L’argument principal du médecin est la douleur qui peut être ressentie lors de la pause. Mais c’est un faux raisonnement, car une nullipare peut prendre un antalgique avant. Vient ensuite le risque de stérilité, comme si la fertilité future était la chose la plus importante, or, il est quasi nul ». Dans ses recommandations de 2004, la Haute Autorité de santé (HAS) précise que « les dispositifs intra-utérins ne sont pas uniquement destinés aux multipares. Il s’agit d’une méthode contraceptive de première intention (...) Aucun risque de stérilité tubaire n’a été démontré, y compris chez les nullipares ».
« C’est vrai que ces recommandations ne sont pas toujours suivies par les professionnels. Il faut faire des injections de rappel auprès du grand public et des médecins qui ne renouvellent pas forcément leurs connaissances », reconnaît Francis Puech. Et les résistances de demeurer concernant les méthodes récentes, comme l’anneau vaginal ou la cape cervicale.
Les inégalités dans les remboursements participent également au fléchage des choix. « Le non-remboursement, c’est inacceptable ! L’État devrait comprendre que, eu égard au coût des IVG, il est plus intéressant de mieux rembourser la contraception », se scandalise le Pr Israël Nisand.
Tabou sur la contraception permanente
Elle devrait être proposée aux femmes et aux couples, mais est généralement peu évoquée par les médecins : la contraception permanente concerne seulement 2 à 3 % des Françaises, contre 19 % des femmes dans le monde, et 1 500 hommes par an, contre 25 000 en Hollande. Elle est l’exemple même des mécanismes psychologiques profonds qui restreignent des choix à l’origine personnels. « La raison invoquée par les médecins est la crainte que les femmes, ayant changé de vie de couple, demandent une ligature des trompes, mais il se cache bien sûr derrière cet argument des raisons philosophiques », souligne Francis Puech. Nathalie Bajos incrimine directement la « culture nataliste de la IIIe République : On tolère qu’une femme de 45 ans avec 3 enfants souhaite la contraception définitive, mais on n’accepte pas qu’une jeune fille ne veuille pas d’enfant car la figure de la femme comme mère domine encore. »
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024