La prévalence du tabagisme actif au début de la grossesse est d’environ 30 %, pour environ 15 % en fin de grossesse. « La majorité des femmes fumeuses diminuent leur consommation. Le tabagisme est délétère et elles le savent », souligne le Dr Gilles Grangé (CHU Cochin-Port-Royal, Paris). Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et la Société francophone de tabacologie (SFT) ont émis des recommandations de pratique clinique à ce sujet (1).
Médecins et sages-femmes doivent dépister le tabagisme chez la femme enceinte en posant systématiquement la question : « est-ce que vous fumez ? Combien de cigarettes par jour ? Avez-vous déjà eu des moments de sevrage ? Envisagez-vous d’arrêter ? » En cette période de circulation du Coronavirus, l’utilisation du CO testeur est déconseillée par la SFT, car il passe de mains en mains.
Plutôt que d’insister sur les risques, il est ensuite recommandé de réaliser un conseil minimal afin de favoriser le sevrage, il se formule ainsi : « je vous conseille d’arrêter de fumer ». Commencer la phrase par « je » a une importance particulière dans ce conseil minimal. L’utilisation de supports écrits ou électroniques est recommandée.
Prescription de substituts nicotiniques
« Après avoir fait le conseil minimal lors de la première consultation si, à la suivante, la femme n’a pas arrêté de fumer, il faut alors sans tarder lui proposer une prescription de substituts nicotiniques. Il ne faut pas attendre qu’elle aille d’abord consulter un tabacologue car en pratique, très peu de femmes le font », explique le Dr Grangé. Les différentes formes galéniques peuvent être associées.
« Les patientes sont parfois un peu réticentes pour prendre les substituts nicotiniques à la vue du pictogramme “Femmes enceintes : danger grossesse” sur les boîtes. Celui-ci n’est pas justifié. Le traitement de substitution nicotinique n’a pas montré d’effet néfaste pour la grossesse, contrairement au tabagisme », insiste le spécialiste.
En cas de faux pas ou de reprise tabagique, il est recommandé de poursuivre la substitution nicotinique. Il ne faut donc pas conseiller à une femme enceinte de retirer le patch si elle fume, mais l’encourager à poursuivre son traitement.
Il est recommandé de déconseiller l’initiation ou la poursuite de la cigarette électronique pendant la grossesse car elle contient de nombreux composants (arômes, propylène glycol, glycérol…) dont les effets sur le fœtus ne sont pas encore bien connus. « Mais gardons du bon sens : il est probablement préférable d’être exposé à la cigarette électronique qu’à la fumée de tabac », précise le Dr Grangé.
Toujours encourager l’allaitement
En ce qui concerne l’allaitement, il n’est pas recommandé de faire intervenir le statut tabagique dans le choix du mode d’alimentation du nouveau-né. Une femme fumeuse ne doit pas être découragée à débuter un allaitement et l’utilisation des substituts nicotiniques est possible durant celui-ci.
La reprise du tabac en post-partum est élevé (jusqu’à 80 % à un an) alors que 80 % des femmes pensaient qu’elles avaient pourtant réussi le sevrage définitif ! Il faut anticiper ces risques et encourager les femmes à aller consulter un tabacologue. « La mise en place d’un réseau de prise en charge des femmes enceintes fumeuses semble efficace pour obtenir un sevrage tabagique. Cela a été observé en Angleterre. Il serait donc nécessaire que de tels réseaux de soins se développent en France », propose le Dr Grangé.
exergue : « Je vous conseille d’arrêter de fumer » : un conseil minimal pour débuter
Entretien avec le Dr Gilles Grangé (CHU Cochin-Port-Royal, Paris) (1) CNGOF, SFT. Prise en charge du tabagisme en cours de grossesse
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?