« On accueille des gens de plus en plus dépendants, avec de plus en plus de pathologies, avec de moins en moins de personnel, cela ne fonctionne plus ». Auditionné ce mercredi par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale dans le cadre des suites de l'affaire Orpea, le Dr Pascal Meyvaert, vice-président de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad (FFAMCO), n'a pas mâché ses mots. Celui qui est aussi président du Syndicat des médecins coordonnateurs d'Ehpad et autres structures, généralistes ou gériatres (SMCG, affilié à la CSMF) a martelé qu’il fallait « davantage de ressources humaines à tous les échelons », regrettant au passage l'« Ehpad bashing, encore et toujours » alors que le personnel soignant est lui-même « en grande souffrance, épuisé et démissionnaire ». Selon le médecin coordonnateur dans le Bas-Rhin, le manque de personnel soignant – infirmières, aides-soignants, médecins – n’est plus seulement « chronique », il est devenu « suraigu » depuis deux ans de crise sanitaire. Le constat est « effroyable », a-t-il résumé en soulignant que cette carence ne concernait pas seulement le privé commercial mais l'ensemble du secteur.
À ses côtés, la Dr Odile Reynaud‑Levy, vice‑présidente de l’association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (Mcoor), a immédiatement pointé le taux d’encadrement soignant « très insuffisant » dans les Ehpad pour les personnes âgées dépendantes. Selon la dernière enquête de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) et un récent rapport de KMPG, ce taux d'encadrement soignant est de « 0,53 ETP » (équivalent temps plein) par résident, alors que la Défenseuse des droits et le rapport Jeandel/Guérin recommandent respectivement 0,8 ETP et 0,61 ETP.
Soins et coordination, deux missions différentes !
Dans ce contexte, les questions du rôle, des missions ou du temps de présence dans les Ehpad des médecins coordonnateurs (MC) ont été abordées. Pour le Dr Meyvaert, il faut « distinguer les deux missions » : le soin des résidents et la coordination, indispensable. Or, « si le soin prend une place de plus en plus importante chez le médecin coordonnateur », la fonction de coordination médicale risque « de se perdre », a-t-il poursuivi. Et d’ajouter : « Augmenter le temps de présence du MC, très bien, mais encore faut-il en avoir », dans un contexte où un nombre croissant d'entre eux « jettent l’éponge ». Il considère toutefois qu’il est préférable « d’avoir un médecin coordonnateur avec un temps restreint dans un Ehpad que de ne pas en avoir du tout ». La situation actuelle serait autour de « 30 % d’Ehpad » sans aucun médecin coordonnateur.
Faut-il demander aux gériatres hospitaliers d’intervenir dans les Ehpad pour pallier le manque de médecins coordonnateurs ? Pour le Dr Meyvaert, ce n'est pas une bonne piste, dès lors que « les postes dans les services hospitaliers ne sont déjà pas pourvus ». Il ne voit donc pas comment ces PH pourraient prêter main-forte aux Ehpad. Par ailleurs, il n’est pas certain que les médecins hospitaliers soient très demandeurs car « ils ont plutôt envie d’évoluer dans leur carrière hospitalière, et ne pas aller s’enfermer dans un Ehpad où les perspectives d’évolution sont quasiment nulles ».
Les MG et les IPA à la rescousse ?
Dès lors, le renfort pourrait-il venir de généralistes libéraux, que cela soit pour le soin ou la coordination ? À l’évidence oui, pour le Dr Meyvaert, avec des généralistes « formés à la prise en charge de la personne âgée ». La députée Monique Iborra, spécialiste du secteur, rappelle toutefois que, dans les déserts médicaux, « les MG sont surtout présents pour leur clientèle, il est donc très difficile pour eux de venir dans les Ehpad ». Et d’ajouter que « ces généralistes peu nombreux arrivent dans les Ehpad souvent en urgence, et peu pour un suivi régulier ».
La députée Annie Chapelier (Agir Ensemble, Gard) veut savoir si des infirmières en pratique avancée (IPA) pouvaient participer à une amélioration de la prise en charge dans les Ehpad. « Nous soutenons absolument la formation d’IPA de gériatrie, qui plus est spécialisés dans le domaine du médico-social », a répondu la Dr Odile Reynaud-Levy. Selon elle, ces infirmières seraient même « un atout supplémentaire », les IPA permettant de « faciliter le lien au sein de l'Ehpad entre les soignants et les médecins traitants, mais aussi avec la population qui est encore à domicile ».
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