Alors que l'épidémie de Covid-19 s'étend progressivement, les directeurs et soignants des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sont en alerte. Ils redoutent des décès dans les jours et semaines à venir, alors que vingt résidents (sur 163) d'un EHPAD de Cornimont (Vosges) sont déjà morts « en lien possible avec le Covid-19 », ont annoncé ce lundi l'agence régionale de santé (ARS) Grand Est et la préfecture des Vosges. Un EHPAD du Doubs a recensé 15 décès probablement liés au coronavirus, et un autre de l'Hérault, cinq.
Déjà en fin de semaine dernière, l'ensemble du secteur (directeurs d'établissements, médecins coordonnateurs, gériatres, fédérations hospitalières) avait écrit un courrier au ministre de la Santé Olivier Véran pour demander 500 000 masques par jour pour l'ensemble des EHPAD. Dans leur lettre, ils faisaient part de leurs craintes et évoquaient un scénario catastrophe de 100 000 décès liés au Covid-19, « dans l'éventualité d'une généralisation », en raison du nombre élevé de comorbidités chez les résidents et d'un taux de mortalité proche de 15 %. Le ministre de la Santé leur a finalement accordé cinq masques chirurgicaux par lit ou place de résidents par semaine et, à terme, les 500 000 masques par jour, a-t-il promis.
Âgisme
Malgré ces dotations pour respecter les gestes barrière, les établissements pour personnes âgées ne sont « pas prêts », estime le Dr Nathalie Maubourguet, présidente de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en EHPAD. « Il faut à tout prix éviter que le virus rentre dans un établissement car une fois la mèche allumée, la situation va être explosive, estime la généraliste. Or, il faudrait cinq masques par jour et non par semaine, car un résident voit plus d'un soignant par jour ! »
Le médecin coordonnateur redoute 30 à 40 % de décès dans les EHPAD, un taux qui pourrait varier en fonction du niveau de dépendance des personnes âgées. « Dans mon établissement, en Gironde, c'est le calme avant la tempête. Mais la vague va arriver et on s'attend à devoir gérer l'ingérable. »
D'où la nécessité de respecter encore plus les gestes barrières avec le port du masque, prévient le Dr Gaël Durel, président de l'Association nationale des médecins coordonnateurs et du secteur médico-social (MCOOR). Le médecin breton met également en garde ses confrères face à une symptomatologie différente chez les personnes âgées qui peut venir compliquer les choses. « Une étude montre que les personnes âgées infectées n'ont pas forcément de fièvre ou de difficultés respiratoires, mais une diarrhée, une perte d’équilibre ou une modification du comportement », souligne-t-il.
Par ailleurs, « 98 à 99 % des résidents polypathologiques ne survivraient pas à un passage en réanimation », estime-t-il. Il faudra donc mieux se tourner vers les structures de SSR, les hôpitaux de proximité, met en garde le Dr Durel, qui redoute une « perte de chance » pour les patients âgés, peu testés. « Comme beaucoup de patients n'ont pas de fièvre, ils ne sont pas testés, c'est la grande difficulté. Nous sommes les derniers servis, les tests sont centralisés dans les hôpitaux. Mais n'oublions pas les personnes âgées, un pays comme la France ne peut pas faire de l'âgisme », plaide le Dr Durel.
Masques dans la durée
De leur côté, les directeurs d'établissements ont aussi rappelé leur mobilisation. Le SYNERPA (secteur privé) a annoncé qu'il surveillerait « quotidiennement » l’approvisionnement des établissements et services en masques, indispensables au personnel.
Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs de maison de retraite (AD-PA) appelle à la « plus grande vigilance ». « Nous ne sommes pas aujourd'hui dans une situation de pic épidémique dans les établissements. Ce qui permettra de l'éviter, c'est que nous ayons des masques dans la durée et en nombre suffisant. »
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