La pyramide des âges est formelle : les patients âgés vont devenir de plus en plus nombreux, posant des problématiques de plus en plus complexes au système de santé. On peut se désoler de cette situation. Et on peut, au contraire, considérer que la prise en charge des aînés est une aventure exaltante. C’est la manière de voir qu’a choisi d’adopter le Dr Nathalie Jomard : à 35 ans, cette jeune gériatre lyonnaise trouve dans sa spécialité des défis, du travail en équipe, une richesse intellectuelle… Bref, tout ce qu’un jeune médecin peut souhaiter, aux antipodes de clichés sur la supposée tristesse de la spécialité.
« Je pense que la gériatrie est une spécialité assez méconnue, et la preuve, c’est que les étudiants qui viennent en stage en ressortent bien souvent transformés », estime Nathalie. Son histoire personnelle est d’ailleurs une illustration de ce phénomène. « Durant mon externat, j’avais fait un premier stage de médecine dans une spécialité d’organe, et cela ne m’avait pas plu, j’avais l’impression qu’on s’occupait de l’organe en oubliant le patient, on ne s’intéressait pas du tout à l’aspect cognitif, se souvient-elle. Quand en stage de quatrième année je suis arrivée en gériatrie, j’ai beaucoup apprécié le fait qu’on s’intéresse au patient dans sa globalité, et je me suis beaucoup épanouie dans ce stage. »
Entre équipe mobile et hôpital
Dès lors, la voie de la jeune femme était toute tracée : internat de médecine générale au CHU de Lyon, avec pour objectif d’obtenir le Diplôme d’études spécialisées complémentaires (desc) de gériatrie, qu’elle décrochera en 2015. Elle a par la suite exercé pendant six ans en équipe mobile extrahospitalière, une activité qu’elle a « adorée ». « À domicile, on a besoin de l’entière collaboration du patient, on a besoin de prendre du temps pour expliquer ce qu’on va faire, explique-t-elle. On est dans une sorte d’intimité et on se rapproche d’une histoire de vie, ce sont souvent des personnes avec lesquelles on a une belle interaction. »
Mais l’exercice en gériatrie étant d’une grande diversité, la Lyonnaise a, depuis un an, pu changer de cadre professionnel : elle exerce maintenant en court séjour à l’hôpital de Lyon-Sud. « Il s’agit souvent de l’aval des patients âgés qui passent aux urgences, mais nous faisons aussi des séjours post-chirurgie, détaille-t-elle. Et nous travaillons également avec les médecins généralistes, nous avons une ligne directe d’admission avec eux pour les patients qui ont besoin d’une évaluation, par exemple pour des anémies. »
Changement de regard
Reste une question : si la gériatrie est si exaltante, comment se fait-il qu’elle ne suscite pas davantage de vocations, et qu’elle reste parmi les spécialités les moins bien choisies à l’issue des ECN ? Quand on le lui demande, Nathalie commence par faire remarquer que les choses sont en train de changer à ce sujet, et que « cette année, tous les postes ont été pris, ce qui n’avait pas été le cas les années précédentes ». Mais elle reconnaît que la gériatrie a « un challenge à relever » pour faire évoluer le regard porté sur elle par le reste de la médecine. Un challenge dont l’Association des jeunes gériatres (AJG) — elle en a été vice-présidente — a bien saisi la portée : elle lance régulièrement des campagnes de promotion de la gériatrie pour lutter contre les stéréotypes associés à la spécialité.
Il faut dire que le secteur du grand âge a parfois mauvaise presse, notamment dans les Ehpad, qui accueillent des patients de plus en plus dépendants, alors que les moyens dont ils disposent ne sont pas à la hauteur de cette évolution. Même à l’hôpital, Nathalie note que « les ratios de nombre de soignants par patient sont pratiquement les mêmes que dans d’autres services, alors que la charge en soin, notamment en soins de nursing, est beaucoup plus importante ».
Qu’à cela ne tienne, la praticienne est convaincue que la gériatrie est une spécialité d’avenir. « C’est une spécialité qui va être de plus en plus sollicitée, dans laquelle la recherche se développe, et c’est une spécialité jeune », souligne-t-elle. Elle estime d’ailleurs avoir « encore beaucoup de choses à découvrir », et a de nombreuses pistes pour la suite : formation en Ehpad, soins de longue durée, soins palliatifs… « On ne peut pas s’ennuyer en gériatrie », clame-t-elle. Un message on ne peut plus transparent à l’attention des futurs médecins…
Exergue-citation : Quand je suis arrivé en stage de psychiatrie à Saint-Denis, je me suis dit "Waou, voilà une spé’ humaine, où on prend le temps de discuter, où règne l’esprit d’équipe"
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