En 2020, 355 établissements de santé disposaient d’équipes mobiles de gériatrie (EMG) [1]. Majoritairement tournées vers l’appui aux services hospitaliers, 164 d’entre elles déclaraient en 2019 une fonction extra-hospitalière, représentant seulement 15 % de leur activité. Dans la moitié des cas, il s’agit d’un trinôme infirmier-gériatre-secrétaire, rejoints au cas par cas par des travailleurs sociaux et des ergothérapeutes. Leur action est tournée préférentiellement vers le patient âgé fragile, qu’il soit dans une unité d’urgence, de spécialité médicale ou chirurgicale.
Une mobilisation lors de la crise sanitaire
Il existe un « avant » et un « après » la pandémie de Covid-19. « La réponse des EMG au début de l’épidémie fut complète, rapide et opérationnelle, explique la Dr Catherine Fernandez (Strasbourg), présidente du groupe de travail des EMG pour la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG). Durant la première vague du printemps 2020, 30 % des EMG ont totalement cessé leur activité d’évaluation, pour se déployer vers les services de soins et d’hébergement. Elles ont néanmoins maintenu un lien fort avec les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), en créant 63 lignes d’astreinte téléphonique accessibles en moyenne 11 heures par jour et six jours sur sept (conseils de prise en charge médicale, aide à la décision thérapeutique, transmission de recommandations, accompagnement des équipes…) ». Ces données s’appuient sur une enquête menée sur l’activité des EMG au cours de l’année 2020 (2).
Malgré un sentiment parfois mitigé d’avoir été dans certains territoires « une variable d’ajustement », la visibilité des EMG a été renforcée pendant la pandémie. « Cependant, ce redéploiement a montré ses limites et n’a plus été la norme lors de la deuxième vague », poursuit la Dr Fernandez. À l’automne 2020, l’activité est en effet redevenue habituelle pour 43 % des équipes, et 45 lignes d’astreinte téléphonique étaient opérationnelles.
Une forte attente sur les lieux de vie
Avec du recul, une très large majorité des EMG indiquait, dans l’enquête réalisée, qu’il n’aurait pas fallu stopper leur activité d’équipes mobiles. « Il aurait été préférable de continuer à visiter certains patients à domicile et à se rendre précocement en EHPAD, traduit la Dr Fernandez. Cette ambition d’accompagnement s’est reportée sur les lignes d’astreinte téléphonique, mais c’était insuffisant ». De l’avis général des équipes, poursuivre les évaluations aurait été souhaitable tant les situations se sont dégradées à̀ domicile surtout lors du premier confinement (décompensation des situations complexes médico-psychosociales, majoration des troubles psychocomportementaux, retard significatif de prise en charge…). « La conséquence est une évidente perte de chance, ajoute la gériatre. Le redéploiement vers les services de soins et les EHPAD a été vécu comme une solution d’urgence nécessaire, mais inefficace sur le long terme. Cela n’a pas permis d’assumer pleinement le pilotage des filières gériatriques, notamment dans le lien ville-hôpital. Le fonctionnement des équipes n’a pas pu se dérouler de façon optimale ».
À partir de cet épisode pandémique, le ministère de la Santé a estimé que l’appui gériatrique territorial était très intéressant. « La crise sanitaire liée au Covid-19 a montré l’intérêt que constitue l’expertise des EMG, au bénéfice des EHPAD et des autres établissements hébergeant des personnes âgées. Elles ont contribué également au soutien des professionnels intervenant au domicile des sujets âgés », comme le stipulait le ministère de la Santé dans une instruction du 19 novembre 2021, relative au déploiement des interventions des EMG hospitalières sur les lieux de vie des personnes âgées. Cette action a été poursuivie en 2022 et le sera les années suivantes, sous la coordination des Agences régionales de santé (ARS), comme préconisé par le Ségur de la santé, en cohérence avec la réforme Grand âge et la stratégie de transformation du système de santé. En effet, afin de limiter les hospitalisations évitables et en urgence, la mesure 28 du Ségur de la santé recommandait la nécessité « d'une offre de soins ville-hôpital et médico-sociale des personnes âgées ». De plus, elle prévoyait d’accroître l’accès à̀ l’expertise gériatrique hospitalière, à travers le déploiement des interventions des EMG sur le lieu de vie des patients, ainsi que leur intégration aux soins de premier recours, aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et aux dispositifs d’appui à la coordination (DAC). « La plupart des équipes se retrouvent dans les missions ainsi définies. Mais quelle politique publique pour le maintien à domicile des personnes âgées, de plus en plus nombreuses ? », interroge la Dr Fernandez.
(1) Bulletin officiel Santé - Protection sociale - Solidarité n° 2021/24 du 31 décembre 2021
(2) Fernandez C. Enquête nationale d’impact de la COVID-19 sur les Équipes mobiles de gériatrie. Rev Geriatr 2021 Novembre;46(9)
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