Une équipe multi-institutionnelle de chercheurs américains étudiant la structure tridimensionnelle de la chromatine dans le noyau cellulaire a réussi, pour la première fois, à provoquer des réorganisations de cette structure grâce à la modification d’un très petit nombre de paires de bases d’ADN.
Le groupe de chercheurs, qui représentent le Baylor College of Medicine, les universités de Stanford et Rice et le Broad Institute de Harvard et du MIT, forme une équipe pluridisciplinaire comportant notamment des biochimistes et des mathématiciens. En 2009, une première étude de la chromatine dans le noyau, à l’échelle de la mégabase (un million de paires de bases d’ADN) les avait conduits à postuler que celle-ci avait une organisation très compacte et ordonnée selon une architecture de type « globule fractal » (voir « le Quotidien » n° 8634 du 13 octobre 2009, p. 14). L’an dernier, un examen à une échelle plus fine, de l’ordre de la kilobase, a conduit à une révision de cette conformation.
10 000 boucles d’ADN
Si elle apparaît toujours compacte et ordonnée sans enchevêtrement, ni nœud, cette organisation est attribuée désormais à la présence de 10 000 boucles d’ADN. Aux deux extrémités de chaque boucle, une même séquence de 20 nucléotides, un motif qui constitue le site de fixation du répresseur transcriptionnel CTCF, a été identifiée.
Dans une nouvelle étude publiée dans les « Proceedings of the National Academy of Sciences », cette semaine, l’équipe dirigée par Erez Liebermann Aiden a montré qu’en modifiant la séquence de fixation du CTCF, il est possible de détruire, créer ou déplacer des boucles, et par là même, de changer la configuration du génome dans le noyau.
Les chercheurs ont également déduit de leurs expériences un processus de formation des boucles. Ils décrivent un mécanisme d’extrusion contrôlé par un complexe de protéines organisées en deux sous-unités. Ces protéines sont le CTCF et des protéines qui constituent la cohésine. Le complexe d’extrusion forme sur l’ADN un double anneau en forme de 8 dont chaque ouverture permet le glissement sur le brin d’ADN dans une direction opposée, et donc la création d’une boucle, dont la longueur est limitée par la rencontre entre le complexe et deux séquences convergentes de fixation de la protéine CTCF.
Une seule lettre d’ADN non codant
Grâce à l’utilisation de modèles mathématiques et de calcul à haute performance, les scientifiques ont constaté que la connaissance du site de fixation de CTCF sur l’ADN était suffisante pour prédire comment des parties entières du génome se replient. « Par une modification aussi minime que celle d’une seule "lettre" d’ADN non codant, nous pouvons changer le repliement de millions de "lettres" dans le génome », indique Erez Liebermann Aiden au « Quotidien ».
À long terme, ce travail pourrait conduire à une meilleure compréhension de certaines maladies génétiques. Suhas Rao, l’un des principaux auteurs de l’étude, explique en effet au « Quotidien » : « Il y a de nombreuses maladies dans lesquelles la configuration du génome est impliquée. Par exemple, dans les syndromes de Beckwith-Wiedemann et de Silver-Russell, il a été noté que des mutations causales perturbent souvent un ancrage de boucle porteur d’un site de fixation de CTCF, ce qui suggère que le repliement du génome est lié d’une façon mécanique à la pathogénicité. » En tout état de cause, ces résultats constituent une nouvelle étape dans la compréhension de la structure dynamique du génome. Un phénomène dont l’importance biologique apparaît de plus en plus évidente et qui vient de conduire les instituts nationaux de la santé des États-Unis à lancer un programme d’une durée de dix ans, intitulé le Nucléome 4D.
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