LA PHYSIONOMIE d’identification et de prise en charge des rhumatismes inflammatoires de l’enfant et de l’adolescent s’est radicalement transformée ces dernières années. Cela tient à la conjonction d’un effort conséquent de recherche fondamentale qui a permis de mieux comprendre et mettre à jour les multiples facteurs (génétiques, immunologiques, etc.) impliqués dans cette pathologie, en association à un effort d’amélioration de la communication entre les équipes de recherche à travers le monde.
Bien que ne représentant qu’une faible part de l’activité médicale pédiatrique, la prise en charge des rhumatismes inflammatoires chroniques ne souffre aucune approximation. Ces affections doivent être comprises comme un spectre très étendu et particulièrement polymorphe de désordres pathologiques. Ce polymorphisme fait de ce chapitre pathologique un défi multiple pour le praticien, tant au stade de l’identification clinique qu’à celui des décisions thérapeutiques qui en découlent, et ce d’autant que le pronostic de la maladie peut être, soit bénin, soit aller jusqu’à mettre en cause le pronostic vital.
Une étape cruciale a été franchie dans l’histoire plus que séculaire de cette maladie avec l’adoption par les groupes nord-américains et européens d’une classification unifiée il y a une dizaine d’années. Des terminologies nosologiques multiples s’étaient en effet accumulées tout au long de l’expérience acquise antérieurement, chacune empreinte des particularités régionales imprimées par les équipes de recherche clinique ou fondamentale travaillant dans la zone géographique concernée.
La classification commune adoptée distingue à présent trois grands groupes pathologiques : les arthrites juvéniles, incluant l’arthrite juvénile idiopathique, les maladies auto-inflammatoires et les maladies auto-immunes. Même si cette classification est susceptible d’être à nouveau remaniée, elle n’en demeure pas moins, pour l’instant, un fil conducteur pratique dans un dédale d’affections qui partagent, pour l’essentiel, une étiologie qui n’a pas encore livré tous ses secrets.
Le groupe des arthrites juvéniles.
Il s’agit d’un groupe hétérogène de maladies, avec néanmoins pour dénominateur commun quelques critères diagnostiques tels l’atteinte inflammatoire d’une articulation survenant pour la première fois avant l’âge de seize ans ou des symptômes persistant six semaines ou plus.
L’arthrite juvénile idiopathique est un peu le prototype de ce groupe. Elle représente un diagnostic d’élimination. Le diagnostic en est, en effet, porté sur un faisceau d’arguments car il n’existe aucun signe pathognomonique clinique ou paraclinique de la maladie. L’incidence annuelle des arthrites juvéniles idiopathiques est de l’ordre de 20/100000 enfants blancs, ce qui est confirmé par un nombre cumulé de cas en France d’environ 2000. Les oligoarthrites représentent la forme la plus fréquemment retrouvée dans nos contrées. L’histoire évolutive à l’âge adulte n’est pas totalement clarifiée dans la mesure où le recul concernant l’utilisation de cette classification est encore relativement court. Les chances de rémission sont d’autant meilleures que peu d’articulations sont atteintes, et que le facteur rhumatoïde n’est pas retrouvé.
D’autres formes réclament une mention spéciale dans ce groupe des arthrites juvéniles.
– Les formes systémiques, pour lesquelles il existerait, selon certains, des arguments pour transférer ces atteintes du groupe des arthrites juvéniles vers celui des arthrites auto-inflammatoires. Ces formes systémiques se particularisent par, en plus des critères précédemment évoqués, un état fébrile prolongé ou de profil particulier, une éruption cutanée, des adénopathies, une hépato- ou une splénomégalie, un épanchement séreux. Le profil biologique s’y trouve particulièrement perturbé anémie, hyperleucocytose, élévation majeure de la vitesse de sédimentation. Exceptionnellement dans ces formes, peut se développer « un syndrome d’activation macrophagique », qui peut s’avérer redoutable par syndrome hémorragique si les cellules hématopoïétiques se trouvent phagocytées.
– Le groupe des arthrites juvéniles polyarticulaires, au sein duquel on distingue les formes polyarticulaires avec présence de facteur rhumatoïde et les formes polyarticulaires sans présence de facteur rhumatoïde, qui se caractérisent par des profils de présentation cliniques ,biologiques et évolutifs distincts.
– Le groupe des arthrites juvéniles oligoarticulaires qui se définissent par l’atteinte d’une à quatre articulations durant les six premiers mois. On a identifié parmi elles plusieurs gènes de susceptibilité (HLA-A2, HLA-DR8, etc..).
– Les spondyloarthropathies, groupe élargi au rhumatisme psoriasique, aux ostéites non microbiennes multifocales, dont le SAPHO (synovite, acné, pustules, hyperostose, ostéite), aux arthrites des maladies inflammatoires de l’intestin (maladie de Crohn, rectocolite hemorragique).
Le groupe des maladies auto-inflammatoires.
Il englobe des maladies différentes les unes des autres. La plus connue est la fièvre méditerranéenne familiale ou maladie périodique, avec son cortège de fièvre, douleurs abdominales pseudo-chirurgicales résolutives. D’autres entités réclament également d’être identifiées : la fièvre récurrente avec déficit en mévalonate kinase (ou syndrome d’hyper-IgD), le syndrome chronique infantile neurologique cutané articulaire (CINCA), les pathologies héréditaires auto-inflammatoires associées à la cryopirine, le syndrome PAPA (arthrite à pyogène, pyodermite gangreneuse, acné, arthrite familiale récurrente).
Le groupe des maladies auto-immunes.
Il rassemble les manifestations articulaires de trois grandes maladies auto-immunes : le lupus érythémateux, les dermatomyosites juvéniles, les sclérodermies.
Les manifestations cliniques et biologiques de chacune de ces entités sont bien répertoriées et ne seront pas détaillées.
Des répercussions multiformes sur l’appareil locomoteur.
L’impact des rhumatismes inflammatoires pédiatriques sur l’appareil locomoteur ne se limite pas à des lésions articulaires. Certes, ces dernières sont au premier plan, mais il faut également y ajouter des perturbations de croissances et un appauvrissement ostéopénique du tissus osseux.
Les lésions articulaires au départ procèdent d’une synovite qui distend, et donc déstabilise, la
jonction interunitaire et qui, par la suite, détruit les surfaces articulaires proprement dites.
Le résultat d’un tel processus pathologique étalé dans le temps est, soit une déformation articulaire, soit une ankylose, soit une attitude vicieuse avec des rétractions des groupes musculo-tendineux de voisinage. Il importera de ne pas se laisser s’installer de telles déformations en combinant des mobilisations régulières et des attelles de maintien en position de fonction. La distribution de ces atteintes articulaires se fait soit sur le squelette périphérique avec les déformation qu’on peut imaginer (poignet, genou…) ou au niveau axial avec des atteintes rachidiennes, dont la plus redoutable est l’instabilité du rachis cervical C1-C2 du fait de son risque neurologique.
La perturbation de croissance squelettique fait partie intégrante du tableau de ces rhumatismes inflammatoires pédiatriques, soit directement par lésion des zones de croissance métaphysaires à proximité des arthrites prolongées, soit indirectement du fait des actions thérapeutiques entreprises (au premier rang desquelles la corticothérapie).
L’ostéoporose est un autre type de dommage collatéral de ces affections, du fait de la baisse d’activité physique des sujets atteints ou, là encore, en raison de certains traitements, en particulier la corticothérapie. Une prévention active sera donc nécessaire.
Un diagnostic parfois hésitant.
Au stade de début, le manque de spécificité d’une inflammation articulaire ne permet pas toujours de la resituer dans son cadre. Il faudra attendre parfois l’apparition de manifestations plus évocatrices (rash cutané, atteinte oculaire…) pour s’orienter dans la bonne direction.
Le piège à éviter est de ne pas confondre une arthrite infectieuse avec cette arthrite non identifiée.
Bien entendu, les examen biologiques, voire certains examens complémentaires, tels que l’IRM, viendront confirmer une impression avant que l’évolution ne fasse du tableau clinique un tableau complet plus évident.
Un traitement vigilent.
Si les grands axes thérapeutiques classiques sont bien identifiés : accompagnement physiothérapique, médicaments de contrôle du processus inflammatoire, soutien psychologique, etc., le polymorphisme de cette affection fait de chaque situation pathologique une individualité. Il importe de concevoir le traitement des rhumatismes inflammatoires de l’enfant comme un traitement multidisciplinaire et multimodal. L’objectif poursuivi est d’aboutir à un contrôle complet des phénomènes inflammatoires.
Les sous-types de cette affection rhumatismale étant chacun particulier, les traitements vont varier selon l’entité concernée, mais, dans l’ensemble, on peut tracer les grandes lignes de cette stratégie thérapeutique.
Il existe tout d’abord une première ligne de traitement : il s’agit soit des anti-inflammatoires non stéroïdiens, bien tolérés dans cette population, éventuellement accompagnés de traitements corticoïdes intra-articulaires. La deuxième ligne d’attaque thérapeutique englobe à côté des corticoïdes, les traitements visant à modifier le cours à long terme de la maladie, tel le méthotrexate.
En troisième ligne se trouvent des médicaments mis au point ces dix dernières années, constituant ce qu’il est convenu d’appeler la biothérapie. Ces médicaments sont utilisés quand les alternatives de première et deuxième ligne ne sont pas parvenus à contrôler la maladie.
Ces médicaments agissent en bloquant, pour certains d’entre eux, les cytokines pro-inflammatoires. Il s’agit de molécules complexes pour certaines incluant des anticorps monoclonaux. Une des familles de ces composés cible une cytokine particulièrement nocive le TNF alpha. Trois anti-TNF alpha sont efficacement utilisés depuis une dizaine d’années : l’étanercept, l’infliximab, l’adalimubab. Un autre groupe agit en bloquant une autre cytokine pro-inflammatoire, l’IL-1. Certains antagonistes de l’IL-1 sont déjà utilisés dans certaines formes systémiques d’arthrite juvénile infantile, d’autre sont en cours de développement.
D’après la conférence SOFCOT 2010 du Pr Thierry Odent (hôpital Necker-Enfants Malades).
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