Quelles alternatives à l'injection d'hémine pour les crises de porphyrie ? Le givosiran, un ARN interférent développé par Alnylam Pharmaceuticals, se présente comme une option intéressante, d'après les résultats d'une étude de phase 3 publiée dans « The New England Journal of Medicine » (1).
Les porphyries sont un groupe de maladies rares voire très rares de la biosynthèse de l'hème, majoritairement héréditaires. Les sous-types de formes hépatiques, dont la plus fréquente est la porphyrie aiguë intermittente, sont caractérisés par la survenue de crises neuroviscérales sévères, se manifestant principalement par des douleurs abdominales intenses souvent accompagnées de nausées, vomissements et constipation. À terme, les patients aux crises fréquentes sont à risque de carcinome hépatocellulaire, d'insuffisance rénale chronique, de neuropathie et d'hypertension.
Un traitement existe, l'hémine par voie intraveineuse pour traiter les crises et les prévenir, mais à terme peuvent survenir des complications thrombotiques et une surcharge en fer. Alors que la maladie est liée à des déficits enzymatiques dans la biosynthèse de l'hème, le givosiran vise à bloquer la synthèse de l'enzyme ALAS1, dont la surrégulation secondaire entraîne l'accumulation de molécules toxiques.
Dans cet essai appelé ENVISION, 94 patients ayant une porphyrie hépatique, dont 89 avec une porphyrie aiguë intermittente, ont été randomisés entre un groupe givosiran et un groupe placebo. L'ARN interférent était administré par voie sous-cutanée une fois par mois à la dose de 2,5 mg/kg pendant six mois.
Une efficacité convaincante
Les investigateurs ont constaté une diminution de 74 % du taux annualisé du critère composite de crises par rapport au placebo. Ce critère principal de jugement comprenait les hospitalisations, les consultations en urgence ou l'administration d'hémine à domicile. Chez les 89 patients ayant une porphyrie aiguë intermittente, le taux annualisé moyen était de 3,2 dans le groupe givosiran et de 12,5 dans le groupe placebo. De plus, le groupe givosiran était amélioré sur des critères secondaires, tels que des taux plus faibles d'ALA urinaire, moins de jours avec recours à l'hémine et de meilleurs scores de douleurs.
L'efficacité semble au rendez-vous, la Food and Drug Adminstration (FDA) et l'Agence européenne du médicament (EMA) ont récemment accordé l'AMM au givosiran, respectivement en novembre 2019 et en mars 2020, y compris pour les adolescents de plus de 12 ans en Europe.
Une extension d'ENVISION en cours
Un suivi à long terme est indispensable, compte tenu de « la durée relativement courte (de l'étude) pour une maladie chronique », souligne dans un éditorial (2) la Dr Gloria Gonzalez-Aseguinolaza de l'université de Navarre à Pampelune (Espagne). « Plus important, la fréquence élevée d'événements secondaires voire sévères dans le groupe givosiran par rapport au placebo est préoccupante », souligne-t-elle.
Outre les réactions au site d'injection, par ailleurs observées avec d'autres ARN interférents, une aggravation de l'insuffisance rénale chronique et des anomalies hépatiques ont été rapportées. L'interprétation de la tolérance est compliquée par le fait que l'insuffisance rénale chronique et l'atteinte hépatique sont fréquentes au cours de la porphyrie aiguë intermittente. « Sera-t-il possible de prédire quels patients avec la maladie auront des événements secondaires sévères et faudra-t-il restreindre le givosiran aux patients sans antécédent rénal ni hépatique », s'interroge la chercheuse spécialiste en thérapie génique et en régulation de l'expression génétique.
Les investigateurs, qui parient sur une efficacité plus large du givosiran, sont en train d'évaluer l'efficacité et la tolérance à long terme dans l'extension en ouvert d'ENVISION dans tous les sous-types de porphyrie hépatique.
(1) M Baldwani et al. N Engl J Med, 2020. DOI:10.1056/NEJMoa1913147
(2) G Gonzalez-Aseguinolaza. N Engl J Med, 2020. DOI10.1056/NEJMe2010986
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