La génétique peut poser parfois autant de questions qu'elle n'apporte de réponses. C'est le cas d'une étude publiée dans « The New England Journal of Medicine » sur les mutations présentes dans l'endométriose profonde.
L'équipe américano-canadienne dirigée par le Dr Shih de l'hôpital Johns Hopkins à Baltimore montre dans une petite étude (n = 27+12 patientes) qu'il existe des mutations liées au cancer (dites « driver » ou « pilotes ») dans cette maladie infiltrante considérée comme bénigne.
Même si l'endométriose est relativement fréquente (6 à 10 % des femmes en âge de procréer seraient concernées), la physiopathologie de cette maladie très hétérogène (péritonéale superficielle, ovarienne, profonde) reste encore bien méconnue.
Le poids de la génétique est bien établi, comptant pour 50 % du risque, l'autre moitié étant associée à des facteurs environnementaux ou autres. Cette découverte pose la question du rôle de ces mutations particulières dans la pathologie, en dehors de tout processus de transformation.
Des mutations oncogènes sans cancer
Les chercheurs montrent qu'il existe des mutations somatiques dans 80 % (19/24) des cas d'endométriose profonde sans cancer associé, mais surtout qu'un quart de ces lésions infiltrantes (10/39) seraient porteuses de mutations oncogènes « driver » ou « pilote ». Ces mutations touchent les gènes ARID1A, PIK3CA, KRAS ou PPP2R1A. Seul le compartiment épithélial est touché par ces mutations, le stroma restant indemne.
Certes, il est connu que des lésions d'endométriose ovarienne sont les précurseurs directs de certaines néoplasies ovariennes (cancer de l'ovaire à cellules claires, cancer de l'ovaire endométrioïde) et que des mutations oncogènes ont été associées à cette transformation tumorale. Mais ce phénomène de transformation est rare, de l'ordre de 1 %.
Là, il s'agit bien de toute autre chose. L'endométriose profonde sans cancer peut être associée à des mutations oncogènes. L'association n'est pas complètement surprenante, car l'endométriose partage des caractéristiques communes avec le cancer, dont le pouvoir invasif local et la résistance à l'apoptose.
Une clef pour comprendre la variabilité
Pour les chercheurs, « ces mutations pourraient être une caractéristique intrinsèque de l'endométriose », suggérant de plus que ces mutations, fréquentes, ne sont pas suffisantes à elles seules pour entraîner la transformation de l'endométriose (1 % des cas). Dans le même temps, ces mutations n'apparaissent pas non plus nécessaires au développement de l'endométriose profonde. D'ailleurs, l'étude révèle qu'il existe des lignées cellulaires différentes chez une même patiente.
Ces mutations oncogènes spécifiques contribuent-elles à la sévérité et à la progression de la maladie ? Quant aux mutations somatiques, sont-elles retrouvées dans d'autres types de lésions endométriales ? Si oui, le spectre des mutations est-il le même quel que soit le type de lésions ou existe-t-il des cadres différents, suggérant une explication aux différentes présentations ? Ce sont autant de questions, pour l'instant sans réponse, qui sont posées dans un éditorial par un généticien australien, Grant Montgomery, et une gynécologue américaine, Linda Giudice.
Pour ces spécialistes, ces nouveaux résultats sont autant de clefs pour mieux comprendre l'hétérogénéité de la maladie (type de lésions, évolution, symptômes). « Est-ce qu’il existe une seule maladie ou bien différents sous-types ayant des causes différentes ? », écrivent-ils.
Et de conclure : « Les réponses aux questions de longue date concernant la variabilité de présentation de la maladie ainsi qu'une meilleure compréhension des gènes altérés par des changements somatiques peuvent aussi apporter de nouvelles connaissances dans la pathogénie et l'hétérogénéité de la maladie pour mieux informer sur le diagnostic, la pratique clinique et les options thérapeutiques, d'une façon similaire à l'amélioration des traitements dans certains sous-types spécifiques de cancer. »
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