Environ 9 personnes atteintes de lupus érythémateux systémique (LES) sur 10 sont des femmes. Un tel biais de genre est fréquent dans les maladies auto-immunes (MAI), et des chercheurs français ont découvert que l’échappement à l’inactivation de l’X du gène TLR7 pourrait contribuer à la plus grande susceptibilité des femmes et des hommes Klinefelter (47, XXY) possèdant 2 chromosomes X.
« Il existe un biais de sexe majeur dans certaines MAI comme le LES ou la maladie de Sjögren », explique au « Quotidien » Jean-Charles Guéry, directeur de recherche à l’INSERM et auteur principal de l’étude. Nous cherchons à identifier les mécanismes sous-jacents responsables de ce biais de sexe dans les MAI, et à identifier les facteurs biologiques dépendant du sexe susceptibles d’influencer ces MAI. »
Le rôle des hormones sexuelles, comme les oestrogènes, sur les cellules immunitaires avait déjà été mis en évidence, mais certaines données cliniques montraient que d’autres éléments pouvaient intervenir. Si le biais lié au sexe est très amplifié dans le LES après la puberté, il existe déjà avant (on le remarque aux États-Unis, où les formes pédiatriques sont plus fréquentes qu’en France). « On avait aussi noté que les hommes atteints du syndrome de Klinefelter, qui ont deux chromosomes X en plus d’un chromosome Y, présentent la même susceptibilité que les femmes à développer un LES ou une maladie de Sjögren », indique Jean-Charles Guéry.
Par ailleurs, le rôle important des récepteurs toll like 7 (TLR7) dans le LES avait été prouvé dans des modèles expérimentaux chez la souris. Quoique n’excluant pas le rôle des hormones, l’hypothèse d’une surexpression de TLR7 pouvait expliquer la forte proportion de patients atteints du syndrome de Klinefelter qui développaient un LES.
Échappement à l’inactivation du X
Or, le gène TLR7 se trouve sur le chromosome X. Les chercheurs ont comparé des cellules immunitaires (en l’occurrence des lymphocytes B, des monocytes et des cellules dendritiques) de femmes (non touchées par le LES) et d’hommes Klinefelter. « Nous nous attendions à ce que, par le mécanisme d’inactivation du X (un mécanisme de contrôle épigénétique existant chez les mammifères, qui inactive de façon aléatoire l’un des deux gènes portés par les deux chromosomes X), les cellules expriment l’un ou l’autre des gènes TLR7, mais elles exprimaient en fait les deux », précise Jean-Charles Guéry. Cette expression biallélique, qui existe dans 30 % des cellules immunitaires étudiées, se retrouvait aussi bien chez les femmes que chez les hommes Klinefelter. « L’hypothèse de la relation entre l’expression biallélique d'un gène lié à l’X comme TLR7 et la plus grande susceptibilité au LES avait déjà été formulée mais nous en apportons ici la démonstration », ajoute le chercheur. Cette surexpression de TLR7 est associée à une meilleure réponse fonctionnelle des lymphocytes B qui produisent les immunoglobulines, ce qui pourrait contribuer à la production d’autoanticorps spécifiques des ribonucléoprotéines dans le LES.
Un outil de pronostic du LES
Bloquer TLR7 pourrait constituer une piste thérapeutique, non seulement dans le LES mais aussi dans la maladie de Sjögren ou d’autres MAI impliquant TLR7. « L'importance de TLR7 n’est pas une nouveauté en soi, mais cette étude renforce la notion de son rôle-clé dans le LES », insiste Jean-Charles Guéry. « Nous sommes en train d’évaluer chez les femmes atteintes de LES si le niveau d’échappement à l’inactivation de l'X est le même que chez les femmes non atteintes. Ce paramètre permettrait de stratifier l’évolution de la maladie et donc de savoir quelles patientes requièrent une surveillance renforcée. »
* TLR7 escapes X chromosome inactivation in immune cells, Souyris M, Cenac C, Azar P, Daviaud D, Canivet A, Grunenwald S, Pienkowski C, Chaumeil J, Mejia JE, and Guéry JC. TLR7 escapes from X chromosome inactivation in immune cells. Science Immunology 2018 Jan 26;3(19). pii: eaap8855. doi: 10.1126/sciimmunol.aap8855.
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