C’EST, EN PRINCIPE, l’année prochaine que les parlementaires procéderont à la révision des lois de bioéthique de 1994 et 2004 : un rendez-vous très attendu. Parmi toutes les questions qui seront alors au centre du débat, l’une concernera le diagnostic pré-implantatoire (DPI). « La loi actuelle est très bonne et je ne pense pas que cela soit nécessaire de la modifier. L’encadrement légal de la pratique du DPI, tel qu’il existe aujourd’hui dans notre pays, permet d’éviter les dérives », souligne le Pr Israël Nisand, chef du département de gynécologie-obstétrique du CHU de Strasbourg.
Le DPI repose, au départ, sur l’utilisation d’une fécondation in-vitro (FIV). Un diagnostic biologique est ensuite réalisé sur les embryons ainsi obtenus pour rechercher l’anomalie génétique redoutée par le couple demandeur. Au final, seuls les embryons dépourvus de l’anomalie sont transférés dans l’utérus de la femme. Le DPI a été autorisé en France par les lois de bioéthique de 1994, qui ont fermement encadré sa pratique. Il ne peut être mis en uvre que dans trois centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN), agréés par l’Agence de la biomédecine à Paris-Clamart, Strasbourg et Montpellier. Le code de la santé publique autorise le DPI à « titre exceptionnel » lorsque le couple, « du fait de sa situation familiale, a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ».
Lors de cette révision des lois de bioéthique, le débat devrait d’abord porter sur l’opportunité d’avoir recours au DPI de façon plus large qu’aujourd’hui, notamment pour rechercher des prédispositions à certaines formes héréditaires de cancer. Une perspective qui, selon certains observateurs, pourrait favoriser l’eugénisme. « La loi actuelle permet d’éviter les dérives en autorisant le DPI mais uniquement pour certaines formes de cancer d’une particulière gravité », explique le Pr Nisand, en citant l’exemple du syndrome de Li-Fraumeni. « Il s’agit de cancers familiaux parfois multiples liés à des mutations constitutionnelles du gène suppresseur de tumeur TP53 localisé sur le chromosome 17p13, survenant chez l’enfant et le jeune adulte, héritées le plus souvent de l’un des parents. Il s’agit avant tout de sarcomes des tissus mous, d’ostéosarcomes, de tumeurs cérébrales, de cortico-surrénalomes et de cancers du sein. Ces cancers entrent pleinement dans le cadre d’une affection de particulière gravité. Le recours au DPI est donc légitime. En revanche, quand les cancers ont une transmission génétique rare, touchent des adultes de 40 à 50 ans et peuvent être traités, il est évident qu’il ne faut pas faire de DPI », estime le Pr Nisand.
Il cite en référence le rapport remis en 2008 à l’Agence de la biomédecine par le Dr Dominique Stoppa-Lyonnet, généticienne à l’Institut Curie. « Ce rapport classe les cancers en quatre catégories. Il y a d’abord les catégories 1 et 2 pour lesquels on peut avoir recours au DPI si la famille le souhaite. Dans la catégorie 4, on trouve les cancers pour lesquels le DPI est exclu. Enfin, la catégorie 3 regroupe les cancers pour lesquels il peut y avoir un débat et pour lesquels on peut être amené à autoriser un DPI si la famille est durement éprouvée par la pathologie ».
Ce débat sur l’extension porte notamment sur certaines formes héréditaires du cancer du sein pour lesquelles le DPI a pu être autorisé au Royaume-Uni. « Le BRCA 1 entre précisément dans cette catégorie 3. Normalement, on ne fait pas de DPI pour ce cancer. Mais on peut être confronté à certaines situations très particulières touchant des familles très éprouvées. C’est le cas par exemple quand la demande vient d’un couple où la femme a déjà eu un cancer du sein et a perdu sa mère et sa grand-mère à cause de la maladie. On est alors dans une présentation familiale d’une particulière gravité et on peut autoriser un DPI à titre exceptionnel », explique le Pr Nisand.
L’an prochain, les parlementaires devront aussi se prononcer sur l’opportunité de dresser une liste de ces affections d’une particulière gravité pouvant donner lieu à un DPI. En 1994, après de longs débats, ils avaient décidé de ne pas faire de liste, laissant les centres pluridisciplinaires juger au cas par cas de la gravité et l’incurabilité de telle ou telle pathologie. « C’est une bonne approche. Faire une liste ne serait pas raisonnable, estime le Pr Nisand. Pour une même affection, comme pour le BRCA 1, on peut estimer, dans certains cas, qu’elle est d’une particulière gravité et, dans d’autres, que ce n’est pas le cas. Il y a des affections ayant des pénétrances variables et qui ne sont pas vécues de la même manière par les familles ».
Le Pr Nisand ajoute que, durant toute sa carrière, il n’a jamais reçu de demandes « folles ou totalement injustifiées » pour un DPI. « Les familles ne font pas n’importe quoi. Pour le DPI, il n’ y a pas de demandes « exotiques » comme cela peut être le cas pour le diagnostic prénatal (DPN). En termes de nombre, le DPI, c’est une centaine d’interventions par an alors que le DPN, c’est 10 000 malformations, dont 6 000 donne lieu à un avortement. C’est le DPN qui pose un problème dans notre pays, pas le DPI ».
D’après un entretien avec le Pr Israël Nisand, chef du département de gynécologie-obstétrique du CHRU de Strasbourg
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