L’ARRIVÉE d’un nouveau test prénatal de la trisomie 21 réalisé sur un simple prélèvement de sang maternel, déjà autorisé en Suisse, en Allemagne et en Autriche, soulève en France de multiples interrogations. Dans une tribune récente publiée dans « le Quotidien » (du 08/04/2013), le Dr Patrick Leblanc, coordinateur du comité pour sauver la médecine prénatale, s’inquiétait d’un « changement radical et insidieux » de la pratique médicale. Le test fait en France l’objet d’une évaluation à la Haute Autorité de santé (HAS), à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et à l’Agence de la biomédecine.
Au mois de juillet dernier, la Direction générale de la santé (DGS) a saisi le Comité national consultatif d’éthique (CCNE) lui demandant de mener « une réflexion approfondie... sur les problèmes éthiques et les questions que soulève le développement de cette technique de diagnostic prénatal des anomalies génétiques du fœtus ».
Introduction progressive.
Le CCNE a rendu un avis favorable à l’introduction du nouveau test de dépistage de la trisomie 21 réalisé sur sang maternel dès la 11e semaine d’aménorrhée. Le test « ne pose pas de problème éthique, au contraire c’est un progrès, un avantage pour les femmes enceintes », a estimé son président, le Pr Jean-Claude Ameisen. Le comité propose que le test, plus efficace, soit « progressivement introduit comme un élément du dépistage combiné actuel, c’est-à-dire réservé aux femmes reconnues "à risque" puisqu’il ne modifie pas intrinsèquement le fond de la procédure » actuelle. Le CCNE envisage même que ce nouveau test soit proposé en première intention, à l’ensemble des femmes enceintes. Cette extension nécessite d’avoir résolu des problèmes d’ordre technique, organisationnel et financier. Le test commercialisé actuellement par la société allemande LifeCodexx (PrenaTest) coûte 1 250 euros. Une extension à toutes les femmes (800 000 par an) aurait un coût considérable : 1 milliard d’euros contre 30 millions d’euros pour une proposition aux seules femmes à risque (240 000) et 12 millions d’euros pour le dépistage actuel. L’extension nécessiterait par ailleurs de s’assurer des conditions d’un véritable choix des femmes enceintes (qualité de l’information) et aussi d’une égalité d’accès sans conditions de ressources.
Diminuer le nombre de gestes invasifs.
« La trisomie 21 tient une place particulière dans la médecine prénatale puisqu’il s’agit du seul handicap ou maladie génétique pour laquelle un dépistage prénatal est proposé à toutes les femmes enceintes », souligne le CCNE. Proposé à toutes les femmes depuis 2009, le dépistage s’appuie sur une stratégie combinée associant le dosage sanguin maternel de marqueurs sériques et la mesure échographique de la clarté nucale du fœtus, dès le premier trimestre de grossesse. L’interprétation des résultats prend en compte l’âge de la mère. Ils conduisent à l’évaluation d’un risque à partir duquel (1/250) un diagnostic invasif de confirmation est proposé : caryotype fœtal réalisé sur des cellules fœtales prélevées via une choriocentèse ou une amniocentèse. Cet examen concerne environ 3 % des 800 000 femmes enceintes recensées chaque année, soit 24 000 femmes avec un risque de fausse couche de 1/300 à 1/100. « Le dépistage actuel conduit à faire un caryotype chez 24 000 femmes enceintes à risque qui, dans 90 pour cent des cas, s’avère négatif » et entraîne 80 à 240 pertes fœtales induites par les ponctions invasives, explique le Pr Ameisen. Les nouveaux tests réalisés à partir de l’ADN fœtal circulant dans le sang maternel, du fait de leur « excellente sensibilité » (≥ 99 %), permettraient de diminuer le nombre de gestes invasifs à 22 000 femmes enceintes par an. Mais prévient, le CCNE, bien que très faible, le taux de faux positifs « n’est pas nul » (1/500), ce qui oblige à une valider les résultats positifs par un caryotype. Le test fœtal sur sang maternel « n’est pas considéré aujourd’hui comme un examen de diagnostic, c’est-à-dire d’affirmation de la maladie, mais comme un examen de dépistage, c’est-à-dire d’orientation vers un groupe à risque », souligne le CCNE. De plus, dans 5 % des cas, les résultats ne sont pas interprétables pour des raisons techniques.
Quid du séquençage entier du génome fœtal.
Le CCNE est conscient que le fait de rendre plus efficace le dépistage aura pour conséquence de diminuer le nombre de naissances d’enfants porteurs d’une trisomie 21 (certains parlent même de « traque » de la trisomie 21). Pour autant, « il ne s’agit pas d’un objectif affiché en tant que tel », souligne le CCNE. Le comité insiste sur la nécessité pour la société de réfléchir à la place qu’elle accorde au handicap, physique ou psychique et à la différence.
Au-delà du test de dépistage de la trisomie 21, la possibilité d’un séquençage entier du génome fœtal qui dans un avenir proche sera techniquement plus simple et peut-être moins onéreux que le séquençage ciblé, pose la question de la détection d’un nombre croissant d’altérations chromosomiques et de mutations associées à une maladie génétique. « La question est davantage d’estimer à quelles conditions de tels tests pourraient être utilisés que d’imaginer qu’ils ne pourraient pas l’être », explique le CCNE. Cela justifiera-t-il la lecture intégrale des gènes du futur bébé ? Faudra-t-il restituer l’information à la mère ou aux parents dans sa totalité ou de manière sélective ?
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