Contre les infections entériques

Une nouvelle protéine pour de meilleurs probiotiques

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Publié le 29/09/2016
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Bactérie

Bactérie
Crédit photo : PHANIE

« Nous avons découvert que la protéine SagA (secreted antigen A) sécrétée par E. fæcium est suffisante pour améliorer la fonction de la barrière épithéliale intestinale et la tolérance aux organismes pathogènes à la fois chez le ver C. elegans et chez la souris. Ce qui pourrait être exploité pour majorer l’activité protectrice des probiotiques vis-à-vis d’organismes pathogènes comme Salmonella typhimurium et Clostridium difficile, explique au « Quotidien » le Pr Howard Hang, de la Rockefeller University à New York.

Nous cherchons maintenant à construire des souches encore plus actives de L. plantarum-SagA pour les futurs essais cliniques. » Si du chemin reste à faire avant ces essais, l’équipe de la Rockefeller University a d’ores et déjà déposé un brevet.

Améliorer la tolérance

Notre intestin héberge une communauté de bactéries commensales qui exercent diverses fonctions clé pour notre santé. Un déséquilibre de cet écosystème (dysbiose), provoqué par exemple par des antibiothérapies, est associé aux maladies métaboliques, aux maladies inflammatoires intestinales et à une susceptibilité accrue aux infections entériques. On sait maintenant que des métabolites bactériens peuvent améliorer la tolérance aux organismes pathogènes et la fonction immune, mais il reste encore beaucoup à apprendre sur les espèces bactériennes protectrices et leurs mécanismes.

Pedicord, Rangan et coll. ont élucidé comment Enterococcus fæcium, une bactérie commensale de l’intestin, peut protéger l’hôte contre des infections entériques. Cette bactérie intestinale, retrouvée aussi bien chez les insectes que les poissons, les oiseaux ou les mammifères, est utilisée comme probiotique pour le bétail. Cependant son potentiel pathogène chez l’homme en limite l’usage, d’où l’intérêt de découvrir son mécanisme protecteur pour l’exploiter.

Augmentation des mucines

Étudiant des souris sans germes ou traitées par antibiotiques, afin de favoriser leur colonisation par E. fæcium et éliminer les interférences bactériennes, l’équipe montre que la colonisation par E. fæcium diminue la pathogenèse de Salmonella typhimurium en renforçant la barrière intestinale.
Il lui suffit pour cela de sécréter une enzyme : SagA. Celle-ci active des voies du système immunitaire inné (myD88 et NOD2) dans les cellules épithéliales intestinales de l’hôte, conduisant à l’augmentation des mucines - les composants du mucus - et des peptides antimicrobiens qui distancient les mauvaises bactéries de l’épithélium. Ces protéines empêchent ainsi les bactéries pathogènes d’aller envahir l’épithélium et d’infecter d’autres organes comme le foie. Une étude parallèle chez le ver C. elegans a confirmé cette protection par SagA et E. fæcium.

Les chercheurs ont dès lors exploité cette découverte en transférant la SagA dans Lactobacillus plantarum, un probiotique connu, non pathogène mais aussi non protecteur. L’administration du L. plantarum-SagA (sécrétant SagA) à des souris, avant leur infection intestinale par S. typhimurium ou C. difficile, a conféré une nette protection, avec meilleure récupération et survie.

Chaque année aux États-Unis, 500 000 nouveaux cas d’infections à C. difficile sont recensés, potentiellement graves et mortels, et 20 % récidivent au moins une fois. Le traitement le plus efficace pour ces récidives est la restauration d’un microbiote sain par transplantation fécale. Ce nouveau probiotique pourra-t-il être utile ? La chercheuse Virginia Pedicord l’espère. « C’est inspirant d’envisager un futur où les patients pourront simplement manger un yaourt SagA pendant une semaine après leur antibiothérapie, afin de prévenir l’infection C. Difficile », confie-t-elle au « Quotidien ».

Science Immunology, Pedicord et coll. ; Science, Rangan et coll.

Dr Veronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin: 9521