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TOUT EST parti des corécepteurs des ostéoblastes – LRP5 – connus pour jouer un rôle chez l’homme, dans le cadre de deux maladies génétiques : le syndrome d’ostéoporose avec pseudogliome, lorsque la voie de LRP5 est inactivée, et le syndrome de masse osseuse haute, lorsque cette voie est activée en permanence. « La découverte de ces corécepteurs impliqués dans la formation osseuse a évidemment intéressé les chercheurs qui ont souhaité mieux comprendre quelles étaient les voies qui leur étaient associées. L’équipe du Pr Gérard Karsenty (Columbia University), l’une des plus investies dans l’amélioration de la connaissance des liens entre systèmes endocriniens et masse osseuse, a recherché sur des souris déficientes en corécepteurs LRP5, quels étaient les gènes modifiés (analyse d’expression génique). Et cette équipe en a trouvé un : le gène TPH1, qui code pour une enzyme appelée la tryptophane hydroxylase (sécrétée par les cellules du tube digestif). Or on a pu montrer depuis que la surexpression de la TPH1 conduit à une augmentation de la concentration en sérotonine d’origine digestive dans la circulation périphérique. D’autres recherches ont aussi montré que c’est l’inverse qui se produisait chez les patients ayant un syndrome de masse osseuse haute, avec une chute d’environ 50 % de la sérotonine circulante. Le lien entre sérotonine digestive et remodelage osseux était trouvé : l’entéro-ostéologie était née ! », explique le Dr Levasseur. Attention, il s’agit ici de sérotonine produite au niveau digestif, qui du fait de la barrière hémato-méningée, n’a rien à voir avec la sérotonine produite au niveau cérébral.
La sérotonine est un inhibiteur de la masse osseuse, en périphérie.
La voie LRP5 intéresse d’autant plus les chercheurs que l’on sait qu’elle est impliquée dans un grand nombre de pathologies en rhumatologie (ostéoporose, arthrose, tumeurs osseuses dont l’ostéoblastome, métastases osseuses, myélome, maladie de Paget, etc.) et que l’un de ses rôles est l’acquisition de la masse osseuse tout au long de la vie, avec un pic durant la petite enfance et l’adolescence. Savoir qu’elle est en quelque sorte dépendante de la sérotonine, a été une petite révolution. Il restait néanmoins à comprendre quels sont les mécanismes qui génèrent les liens entre systèmes digestifs et osseux, et arriver à diminuer la concentration en sérotonine périphérique dans l’espoir d’augmenter la masse osseuse. C’est d’ailleurs l’idée aujourd’hui suivie par les chercheurs. C’est pourquoi des équipes s’intéressent de près aux récepteurs de la sérotonine : « sur les quatorze récepteurs de la sérotonine retrouvés, trois sont exprimés sur les ostéoblastes. Et le récepteur HTR 1B, en particulier, joue un rôle dans les voies de signalisation impliquées dans la prolifération des ostéoblastes » précise le Dr Levasseur.
Encore bien des étapes avant d’arriver à des résultats en pratique courante.
Récemment, des molécules capables de diminuer la synthèse de sérotonine digestive ont été testées sur le modèle animal (chez le rongeur ovariectomisé) et un effet préventif sur la perte osseuse a pu être constaté. Les résultats obtenus sur la masse osseuse se révèlent similaires à ceux de la parathormone (molécule de référence). Parmi ces molécules, l’une d’elles – la LP533401 – est déjà évaluée dans la prise en charge du syndrome du côlon irritable et, surtout, il s’agit d’une molécule qui se prend par voie orale, ce qui offre un réel avantage.
Pour autant, même si ces molécules arrivent à passer l’ensemble des tests préalables à leur mise sur le marché, quelle sera leur place ? « Il n’est pas évident que leur efficacité antifracturaire soit plus puissante que celle des bisphosphonates qui donnent déjà de bons résultats dans cette indication. Il n’est pas certain non plus qu’elles fassent mieux que d’autres molécules également impliquées dans la voie LRP5 (mais de façon indépendante de la sérotonine) et qui sont des agents anaboliques extrêmement puissants. Des anti-SOST (sclérostine) en sont déjà au stade des essais cliniques. Si ces derniers confirment leurs bons résultats, la place réservée à de nouveaux traitements sera forcément limitée étant donné que ceux existants mettent déjà la "barre" très haut. Ils pourraient cependant permettre d’améliorer la personnalisation de la prise en charge de l’ostéoporose, en fonction des mécanismes physiopathologiques en cause » conclut le Dr Levasseur.
D’après un entretien avec le Dr Régis Levasseur, service de rhumatologie, CHU d’Angers.
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