C’est à une véritable plongée dans le profil multiomique de la stéatose hépatique non alcoolique que se sont livrés les chercheurs de la troisième université médicale militaire de Chongqing (province du Sichuan, République populaire de Chine) . À l’issue de ce travail minutieux, ils ont identifié trois sous-types de cette pathologie chronique dite MASLD (pour metabolic dysfunction-associated steatotic liver disease) ou anciennement NAFLD (pour non alcoholic fatty liver disease) : NAFLD-mSI, NAFLD-mSII, et NAFLD-mSIII.
Pour parvenir à ce résultat, les auteurs ont analysé LES biopsies hépatiques et prélèvements urinaires et sanguins de 10388individus atteints de MASLD, puis ont procédé à une analyse multiomique : séquençage du génome, analyse du protéome, du phosphoprotéome, des lipides, du sérum et des urines.
Selon leurs conclusions publiées dans Science Translational Medicine, cette distinction est pertinente d’un point de vue clinique car chaque sous-type est associé à un pronostic différent. Les patients atteints de NAFLD-mSI (33 % de la cohorte) présentent les symptômes les plus modérés, alors que la NAFLD-mSII (20 %) se caractérise par des infiltrations de macrophages M1 et M2 dans les tissus hépatiques et un risque accru de cirrhose. Enfin, la NAFLD-mSIII (44 %) est le sous-type associé au risque le plus élevé de carcinome hépatocellulaire (CHC). Une petite partie de la cohorte n’était classée dans aucune des trois catégories.
Des profils d’expression distincts
Ces résultats ont ensuite été confirmés à l’aide d’une cohorte de 92 patients recrutés dans trois hôpitaux chinois. Toutefois, les auteurs insistent sur le fait que cette nouvelle classification devra faire l’objet de nouvelles validations sur des effectifs plus vastes, et surtout plus variés en termes d’ethnicité. Dans cette cohorte de validation, 21 % des malades du groupe NAFLD-mSIII ne présentaient pas de fibrose lors de leur classification, mais certains d’entre eux ont tout de même vu leur état évoluer vers une stéatose et un CHC, même en l’absence de facteurs de risque tels que le diabète ou l’obésité.
Chacun de ces sous-types se distingue par son profil d’expression protéique. Par exemple, la NAFLD-mSI est celle pour laquelle les niveaux d’expressions des gènes codant pour CYP1A2 et CYP3A4 sont les plus forts. Les NFLD-mSII se caractérisent par une forte infiltration des macrophages à cause du CCL2 hépatique lipido-induit et de production de CRP. Enfin, le surrisque de cancer observé dans le sous-type NAFLD-mSIII serait causé par une augmentation de la transcription d’oncogènes régulés par les protéines CEBPB et ERCC3 à la suite de l’activation de la cascade EGF-EGFR/CHKA/PI3K-PDK1-AKT.
Prédire l’efficacité des traitements, et en trouver de nouveaux
La MASLD peut progressivement évaluer vers une Mash (anciennement Nash), puis une cirrhose, voire un cancer du foie. Il n’existe que peu d’options thérapeutiques : en mars, l’Agence américaine du médicament (FDA) a autorisé le premier traitement dédié, le resmetirom (laboratoire Madrigal), après les bons résultats de l’étude Maestro-Nash. En Europe, sa demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) est en cours d’étude par l’Agence européenne du médicament (EMA).
Toutefois, on estime que seulement 29,9 % des patients pourraient réellement tirer un bénéfice clinique de ce traitement, sans que l’on dispose encore de moyen fiable pour les sélectionner. Les auteurs espèrent que leur nouvelle classification pourrait jouer un rôle en ce sens.
De nouvelles pistes de traitement pourraient émerger de ces travaux. L’abondante présence de CYP1A2 et CYP3A4 dans le foie est associée à une diminution du taux sérique de triglycérides et à une diminution du score de stéatose hépatique. De plus, les chercheurs ont constaté que la sous-activation des récepteurs FRX et PPARα chez les patients NAFLD-mSII augmente l’accumulation de lipides, réduisant l’action antistéatosique de CYP1A2 et CYP3A4. Les auteurs en déduisent que le fénofibrate connu pour maintenir à un niveau élevé l’activation de FXR et PPARα pourrait bénéficier aux patients NAFLD-mSII.
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