Depuis le début des années 2000, l’activité quotidienne des gastroentérologues est rythmée par la prise en charge de patients qui consultent, souvent effrayés, pour lésions kystiques pancréatiques (LKP). Cette découverte est généralement fortuite et les lésions sont de petite taille (infracentrimétriques). Dans une étude de cohorte d'origine allemande regroupant plus de 1600 patients suivis pendant plus de cinq ans, la prévalence des lésions kystiques en population générale (adulte) était extrêmement élevée, estimée à 46 % pour des lésions de plus de 2 mm de grand axe. Dans 93 % des cas, ces lésions étaient infracentimétriques. Le seul facteur de risque de lésion kystique mis en évidence était un indice de masse corporelle élevé (1).
La prévalence des LKP semble donc très élevée mais se pose la question de la pertinence des anomalies trouvées, notamment la taille à partir de laquelle on peut considérer la LKP comme une entité non physiologique, c’est-à-dire avec des caractéristiques histologiques différentes du tissu pancréatique normal. Faut-il toujours s’en inquiéter et faire des investigations complémentaires ?
Plus de 90 % de TIPMP parmi les lésions kystiques de découverte fortuite
Le spectre des LKP est vaste mais est largement dominé par les tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP) qui représentent en pratique clinique plus de 90 % des motifs de consultation pour lésion kystique pancréatique. Les autres LKP sont par ordre de fréquence, les cystadénomes séreux et mucineux qui représentent 7-8 % des LKP, puis plus rarement les tumeurs neuroendocrines kystiques, les tumeurs pseudo-papillaires et solides (TPPS - ou tumeur de Frantz), la transformation kystique des acini, les lymphangiomes kystiques, les kystes lymphoépithéliaux…
Quelles lésions surveiller ?
Parmi les LKP, deux entités sont des lésions précancéreuses, les TIPMP et les cystadénomes mucineux, avec un risque réel d’adénocarcinome du pancréas au cours de l’histoire naturelle. Seule une très faible partie d’entre elles seront évolutives et potentiellement invasives. Cependant, trois raisons principales nous obligent à proposer une politique de surveillance et parfois de résection préventive :
1/ l’absence d’outils diagnostiques sensibles et spécifiques quant au grade de dysplasie de ces lésions,
2/ le taux de mortalité du cancer du pancréas (survie toujours < 20 % à 5 ans, tous stades confondus),
3/ le manque de connaissances quant au (x) facteur(s) prédictif(s) de cancer, sensible(s) et spécifique(s) au cours des TIPMP et des cystadénomes mucineux.
Très débattu, ce suivi est coûteux, potentiellement invasif (en cas d’usage répété de l’échoendoscopie nécessitant une anesthésie générale) et imparfait (risque d’apparition de cancer d’intervalle entre deux examens de surveillance).
Parmi les autres LKP, certaines sont a priori bénignes mais de description très récente et avec une histoire naturelle méconnue. Cela nous incite à en proposer une surveillance dans l’attente de meilleures connaissances. L’exemple typique est la transformation kystique des acini. A contrario, certaines sont potentiellement malignes en raison soit d’un risque de métastases en cas de rupture capsulaire de la lésion (comme les TPPS), soit de leur grande taille (telles que les tumeurs neuroendocrines kystiques).
Un diagnostic déterminant
Il est donc primordial de porter un diagnostic précis pour proposer une attitude adaptée. Il faut savoir coupler les différents types d’imagerie afin de faire un diagnostic exact et proposer le traitement ou la surveillance ad hoc. La scanographie et l’IRM (avec séquence de Wirsungo-IRM) sont les examens de première intention. La qualité des examens est essentielle pour une bonne interprétation. Pour la scanographie, les coupes doivent être fines, centrées sur le pancréas, avec des temps d’injection artérielle, portale et dans l’idéal pancréatique. Pour l’IRM, il est essentiel de demander un examen avec injection de produit de contraste, des séquences de Wirsungo-IRM et de diffusion. En cas de doute diagnostique persistant, une échoendoscopie doit être envisagée, plus ou moins associée à une ponction selon la nature de kyste suspecté.
En fonction du diagnostic, il sera proposé une résection, une surveillance annuelle ou aucun suivi. Il est important de demander l’avis auprès d’un gastroentérologue pour s’assurer de l’attitude la plus adaptée.
Service de pancréatologie et gastroentérologie, Centre de Référence des Maladies Rares du Pancréas (PaRaDis), Hôpital BEAUJON (Clichy)
1) Kromrey ML, Bülow R, Hübner J, et al. Prospective study on the incidence, prevalence and 5-year pancreatic-related mortality of pancreatic cysts in a population-based study. Gut. 2018 Jan;67(1):138-145.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024