L’œsophagite à éosinophiles (OE) est une maladie chronique de l’œsophage d’origine allergique, qui provoque une inflammation caractérisée par la présence de polynucléaires éosinophiles dans la muqueuse œsophagienne. « Il s’agit d’une maladie récente, décrite pour la première fois en 1993, souligne la Pr Sabine Roman. Mais on manque encore de recul pour mieux connaître son histoire naturelle ». Son incidence, estimée à 50 cas pour 100 000 habitants, est en augmentation depuis quelques années. Cependant, on ne sait pas si cela est dû à l’apparition plus fréquente de la maladie, ou à sa meilleure reconnaissance grâce à la généralisation de la pratique des biopsies œsophagiennes en cas de dysphagie. L’OE touche majoritairement les enfants et les jeunes adultes de sexe masculin (ratio de deux hommes pour une femme), avec des antécédents d’allergie.
Dysphagie et terrain atopique
La symptomatologie est dominée par la dysphagie (95 % des cas), pouvant se compliquer d’impaction alimentaire. « Il existe souvent un retard de diagnostic car les symptômes sont intermittents. De plus, le patient les minore car il met en place des stratégies d’éviction des aliments sources de dysphagie aiguë, comme la viande… La physiopathologie de l’OE n’est pas encore clairement élucidée, reconnaît la Pr Roman. La maladie a été d’abord décrite en Europe et en Amérique du Nord. Dans d’autres pays, d’Asie par exemple, elle est très rare. Existe-t-il un problème de conditions de vie ou d’alimentation à l’origine de la maladie ? » Il y a souvent un terrain allergique chez les patients avec des antécédents d’asthme ou d’atopie, mais les tests allergiques sont souvent négatifs chez les sujets atteints d’OE. « Ainsi, en pratique, on ne recherche pas forcément l’allergène, sauf bien sûr en cas de manifestations allergiques immédiates nettes », précise la Pr Roman. Le diagnostic est histologique, reposant sur la réalisation de biopsies œsophagiennes multiples et étagées. L’endoscopie digestive haute peut être normale.
Des IPP à la corticothérapie
Il existe trois possibilités de traitement. En première intention, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont recommandés. Connus pour limiter le reflux gastro-œsophagien, ils possèdent également des propriétés anti-inflammatoires au niveau de la muqueuse œsophagienne. Néanmoins, ils n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans cette indication. Ils sont efficaces dans un cas sur deux.
En cas d’inefficacité des IPP, la corticothérapie locale est alors recommandée. Les corticoïdes topiques prescrits jusqu’à présent, en spray ou en solution visqueuse à déglutir (principalement le fluticasone et le budésonide), étaient également utilisés hors AMM. « Tout récemment, depuis avril dernier, le budésonide en comprimés orodispersibles (Jorveza) est disponible. Il est le seul médicament à disposer d’une AMM en France dans le traitement l’OE. Selon le libellé de son indication, ce traitement doit être prescrit après échec des IPP utilisés hors AMM… Un paradoxe ! », relève la spécialiste. Le budésonide, sous forme de comprimés orodispersibles, possède un taux de réponse supérieur à 80 %, maintenu dans le temps. La posologie est d’un milligramme deux fois par jour en traitement d’attaque, pendant 6 à 12 semaines.
La stratégie de l’éviction
La troisième possibilité de traitement est l’éviction de l’allergène alimentaire suspecté. « Généralement, cette éviction se fait de façon empirique. En première intention, on élimine le blé et les produits laitiers. Ce régime est efficace dans 50 % des cas, affirme la Pr Roman. Nous ne disposons pas de données permettant d’évaluer si l’association des trois traitements est plus efficace. En cas d’échec de ces trois stratégies thérapeutiques, on peut se poser la question des biothérapies… Mais aucune molécule n’a encore d’AMM en France. Il n’y a pas de place pour la chirurgie ».
De même, l’utilité d’un traitement d’entretien, pour éviter l’évolution vers une fibrose et/ou la sténose œsophagienne, n’est pas démontrée. Cependant, plus le diagnostic est tardif et plus il existe un risque de fibrose. « De plus, si on arrête le traitement choisi, quel qu’il soit, des récidives apparaissent plus ou moins rapidement. Ainsi, un traitement d’entretien est instauré pour maintenir la réponse clinique et histologique, conclut la Pr Roman. On a encore beaucoup de choses à apprendre sur la maladie ».
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