Le cancer anal est peu fréquent (1 600 à 1 700 nouveaux cas/an en France) mais son incidence augmente depuis les années 1980. Il concerne deux populations, les femmes non infectées par le VIH avec un pic d’incidence vers 60 ans et des personnes VIH+ de la quarantaine, en forte augmentation, notamment chez les homosexuels masculins. Dans plus de 90 % des cas, ce cancer est HPV-induit. L’infection semble apparaître très tôt dans la vie sexuelle et l’anus constituerait un réservoir important pour ce virus. En population générale, le taux d’infection anale par HPV varie entre 12 et 40 % et s’élève jusque 95 % chez les pvVIH. Les anti-retroviraux ne semblent pas toujours permettre l’élimination de l’HPV, ce qui peut amener, chez des patients jeunes à recourir à des thérapeutiques délabrantes s’ils ne sont pas dépistés à temps, alors que traité tôt, ce cancer est de bon pronostic.
Des facteurs de risque connus
Certains facteurs favorisent la persistance du virus au niveau des muqueuses anales, en particulier dans les couches profondes, condition nécessaire au développement de lésions dysplasiques puis cancéreuses. Au niveau du canal anal, il s’agit surtout de l’immunodépression, en particulier chez les pvVIH surtout lorsque le taux de CD4 est bas, les transplantés (risque de développer un cancer 5 à 80 fois plus élevé), les personnes traitées par biothérapie, mais aussi les antécédents de condylomes, les relations sexuelles anales et/ou avec partenaires multiples et le tabagisme (qui diminue la clearance du virus). Il existe une association forte entre les différentes localisations de l’HPV : en cas d’antécédent de cancer ou de dysplasie sévère du col de l’utérus, le risque de développer un condylome et/ou un cancer de l’anus est de 2 à 6 fois plus élevé.
Un dépistage à la traîne
Actuellement le dépistage n’est recommandé que chez les pvVIH+, par un examen proctologique avec anuscopie chez les homosexuels masculins et chez tous les patient(e)s avec antécédent de condylome anogénital ou de dysplasie du col. La Haute Autorité de santé (HAS) le préconise aussi en cas de symptôme anal (saignement, douleur, démangeaisons). Mais cet examen proctologique recommandé n’est finalement pas toujours fait, vu le faible nombre de proctologues et la fréquente réticence des patients.
« Nous souhaiterions que les recommandations existantes en cas de VIH puissent être appliquées, mais aussi disposer de recommandations claires pour un dépistage ciblé centré sur les facteurs de risque, avec au moins une consultation de base puis une surveillance régulière. La présence de cancers ou de dysplasies sévères du col utérin devrait aussi amener à une consultation de proctologie ainsi que la présence de condylomes génitaux », détaille le Dr Gaël Goujon.
Il n’est actuellement pas préconisé de réaliser des frottis à la recherche de l’HPV et surtout des sérotypes 16 (très impliqué dans les dysplasies anales sévères ou les cancers) ou 18, comme cela se fait au niveau du col. L’identification du sérotype est actuellement du domaine de la recherche, mais s’il entrait dans la pratique, l’absence de sérotype 16 ou 18 dans un condylome pourrait faire poser la question d’une vaccination.
Un examen avec anuscopie
L’examen proctologique doit comporter une anuscopie, l’examen seul de la marge anale n’est pas suffisant. Une étude (5) menée chez un peu plus de 1 200 patients VIH+ a ainsi montré que chez les 25 % atteints de condylomes, la moitié se situait dans le canal anal. C’est la biopsie/histologie des lésions visibles qui va permettre de connaître leur virulence et le degré de dysplasie afin d’orienter la prise en charge. « Mais toutes les dysplasies anales sévères ne vont pas évoluer vers le cancer, et on manque d’arguments prédictifs. Les données de la cohorte nationale d’AIN3 (dysplasie anale sévère) nous permettront peut-être de comprendre les modalités d'évolution », conclut le Dr Goujon.
D’après un entretien avec le Dr Gaël Goujon, médecin référent en cancérologie digestive, avec nos remerciements aux Dr Laurent Abramowitz, responsable de l'activité de proctologie et Hakim Bécheur, chef du service d'hépato-gastroentérologie et de cancérologie digestive (hôpital Bichat, Paris).
(1) Vuitton L et al. Clin Gastroenterol hepatol 2018;16:1768-76.
(2) Piketty C et al. Ann Intern Med. 2003 Mar 18;138(6):453-9.
(3) Machalec JM et al. Lancet Oncol 2012;13:487-500.
(4) Abramowitz L et al. PLoS ONE 13(9): e0202564.
(5) Abramowitz L et al. Colorectal Dis. 2016 Feb 20. doi: 10.1111/codi.13304. PMID: 26896041.
(6) Luostarinen T et al. Int J Cancer. 26 Dec 2017
(7) Palefsky JM et al. N Engl J Med. 2011 Oct 27;365(17):1576-85.
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