« ÇA VA PIQUER, mais c’est moins douloureux qu’une prise de sang », prévient Johann Volant, chargé de mission à SOS Hépatite, avant de faire perler une goute de sang sur le doigt de la coordinatrice action de prévention VIH Hépatites, IST et Tuberculose de MDM, le Dr Marie-Dominique Pauti, portée volontaire pour la démonstration. Il mélange l’échantillon à une solution dans laquelle il plonge ensuite le test « Oraquick » VHC (au marquage CE). Vingt minutes après, un premier signal s’allume devant la lettre C (contrôle) : le test a fonctionné. Il ne s’allume pas devant la lettre T : la personne dépistée n’a pas été en contact avec le virus de l’hépatite C. Si le test positif avait été positif (présence d’anticorps anti VHC), la personne aurait été redirigée vers un centre de dépistage pour déterminer l’activité du virus, le TROD renseignant uniquement sur un contact ancien ou récent, dans une fenêtre sérologique de 3 mois.
Selon le Dr Marie-Dominique Pauti, ce TROD pourrait être destiné aux usagers de drogues, injectables ou snifables, chez qui le taux de prévalence des hépatites est de 60 %, et qui se pensent, pour la plupart, séronégatifs. Il pourrait également être utilisé auprès des populations précaires, qui ont 3,5 fois plus de risque d’être atteints par une hépatite, des détenus (prévalence 5 fois plus importante) ou des migrants (10 fois), autant de personnes qui ne vont pas se faire dépister même lorsqu’ils possèdent une ordonnance autorisant un remboursement. « Ils sont trop anxieux. Grâce aux TROD VIH et hépatites, on gère avec eux leur angoisse », explique le Dr Pascal Melin, président de SOS Hépatites. « Nous accompagnons ces personnes en amont, on leur explique la maladie dont ils n’ont jamais entendu parler. Si le test est positif, nous leur prenons rendez-vous dans des centres de dépistages anonymes et gratuits ou des hôpitaux avec qui nous avons des accords. Ils s’y rendent car ils ont compris les enjeux. Si le test est négatif, nous les alertons sur les comportements à risque qu’ils doivent éviter », précise Catherine Bouviala, de la mission prévention de MDM, qui travaille dans le centre d’Accueil, de Soins et d’Orientation (CASO) de la Plaine Saint-Denis.
TROD non grata.
Mais ces paroles sont (encore) à mettre au conditionnel. En France, seul le TROD VIH est autorisé depuis un arrêté du 9 novembre 2010. Les TROD hépatites ne sont utilisés qu’à l’étranger, par exemple dans les missions MDM en Afghanistan, en Birmanie, et en Tanzanie, où ils sont légaux. L’équipe du CASO de la Plaine Saint-Denis a même décidé de ne pas utiliser le TROD VIH s’il n’est pas couplé à ceux des hépatites. « Une personne séronégative au VIH pourrait s’imaginer saine, alors que les hépatites sont très fréquentes », argumente Catherine Bouviala. En France 500 000 personnes seraient atteintes d’une hépatite. Soit 3 fois plus que le nombre de séropositifs. La moitié s’ignorent malades.
Pourquoi les TROD Hépatites sont-ils illégaux ? Haussement d’épaules de la part des médecins et associatifs. « Aujourd’hui, on peut guérir les 2/3 des patients souffrant d’une hépatite C. L’argument consistant à dire : on ne dépiste pas car aucune possibilité de soins n’existe ne tient donc pas », lance le Dr Melin. « Les TROD ont été testés à l’étranger. La FDA (Food and drug administration) a, par exemple, validé celui pour le VHC. Mais la logique française veut qu’on refasse les études en France, ce qui prend du temps et de l’argent, même si nous ne nions pas les arguments scientifiques », poursuit-il.
L’argent ? Un TROD VIH coûte 2 euros. Le VHC s’élève à 15 euros, mais certains laboratoires devraient en sortir à 4 euros. Parce que ce ne sont pas des dépistages, ils ne sont pas remboursés. Mais les associations sont déterminées à trouver des financements.
Pour le président de SOS Hépatites, les explications sont complexes, non-dites. Peur de la démédicalisation ? Pression des laboratoires ? Fiabilité scientifique ? Certainement aussi un manque de volonté politique. « Lors de la journée nationale des Hépatites B et C de 2011, Nora Berra* nous a demandé d’être patients. Nous ne pouvons pas attendre », répond le Dr Melin. Cette année, cette journée de mai est passée à la trappe du calendrier politique. MDM et SOS Hépatites préviennent : ils sont prêts à proposer les TROD hépatites illégalement, notamment à Cayenne, où ils avaient déjà expérimenté pendant 6 mois le TROD VIH avant son autorisation.
* L’AFSSAPS (aujourd’hui ANSM) et la HAS ont été saisies pour évaluer les performances des tests rapides et définir une stratégie d’utilisation.
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