On distingue trois types de LAP. Les ulcérations ano-rectales et les suppurations anopérinéales (abcès et fistules) sont les plus fréquentes. Elles peuvent évoluer, en cas de persistance prolongée, vers une troisième catégorie de lésions : les sténoses ano-rectales.
Un caractère inflammatoire
Les ulcérations anales sont des lésions inflammatoires spécifiques de la maladie de Crohn, d’aspect clinique polymorphe. Elles diffèrent d’une fissure anale classique par leur caractère inflammatoire, creusant à berges décollées, parfois associées à des marisques inflammatoires (3). Ces lésions dites « primaires » peuvent être douloureuses lorsqu’elles sont extensives, à l’origine de suppurations. Avec le temps, elles peuvent entraîner des dégâts sphinctériens ou une sténose anale. Le diagnostic différentiel n’est pas toujours facile entre une lésion crohnienne débutante et une fissure anale classique mécanique. Il faut donc rester prudent dans ce contexte et éviter les traitements chirurgicaux, qui pourraient provoquer un retard de cicatrisation ou exposer à un risque d’incontinence secondaire (4).
Quant aux suppurations anopérinéales, elles ont pour origine soit l'infection d’une glande pectinéale, soit une ulcération ano-rectale spécifique avec des trajets souvent complexes. Ce deuxième cas est plus fréquent dans la MC, avec une évolution spontanée chronique et récidivante. La complexité de ces trajets fistuleux rend souvent nécessaire la réalisation d’une cartographie des lésions par IRM, pour guider au mieux la chirurgie.
Deux phases de traitement
Le traitement a pour but de guérir la suppuration, tout en préservant la continence. Il comprend une phase chirurgicale, consistant à drainer les abcès et les trajets fistuleux par un séton (ou anse élastique) noué sans tension, pour éviter les douleurs et la section sphinctérienne. Puis, une phase médicale a pour objectif d’agir sur l’inflammation locale, et luminale le cas échéant. L’apparition d’une suppuration anopérinéale représente un élément péjoratif majeur dans l’évolution de la maladie. Il faut donc d’emblée traiter fortement, avec un anti-TNF, seul traitement médical ayant prouvé son efficacité à travers de solides études. Le plus souvent, cette biothérapie est utilisée en combothérapie, en association avec un immunosuppresseur (5-6).
Vers une nouvelle stratégie thérapeutique ?
Un nouveau concept de traitement de ces fistules anopérinéales est apparu ces dernières années : la thérapie cellulaire. Utilisant des cellules souches mésenchymateuses, elle a obtenu en 2019 une autorisation de mise sur le marché pour le traitement des fistules anales complexes drainées par séton, en cas d’échec de biothérapie. Mais, à ce jour, il faut souligner deux freins notables : le coût très élevé et la complexité de la technique. Ceci explique le nombre réduit de centres accrédités en France (7).
En somme, les LAP sont fréquentes au cours de l’évolution de la maladie de Crohn. Difficiles à traiter, elles affectent sévèrement le quotidien des patients. Leur histoire naturelle reste mal connue, mais il semblerait que les ulcérations fassent le lit des suppurations et des sténoses. L’intérêt de traiter vite et fort ces lésions, en faisant appel rapidement aux biothérapies et aux anti-TNF en première intention, semble aujourd’hui reconnu de tous. Les suppurations, LAP les plus fréquentes et les plus complexes à prendre en charge, nécessitent une approche médico-chirurgicale, idéalement en centres experts. L’exigence de critères radiologiques (IRM périnéale), pour mettre en place le traitement et estimer son efficacité, a remplacé ces dernières années la seule évaluation clinique. La thérapie cellulaire représente une arme supplémentaire, toute récente, dans cette prise en charge délicate. Mais une évaluation médico-chirurgicale solide est nécessaire, afin de déterminer la pertinence de ce traitement.
Service de proctologie, hôpital Bagatelle (Talence)
(1) Boudiaf R et al. Colorectal Dis. 2021 Jan;23(1):114-22.
(2) Mahadev S et al. Dis Colon Rectum. 2011 May;54(5):579-85.
(3) Horaist C et al. World J Gastroenterol. 2017 Aug 7;23(29):5371-8.
(4) Bouchard D et al. Tech Coloproctol. 2019 Apr;23(4):353-60.
(5) Bouchard D et al. Tech Coloproctol. 2018 Dec;22(12):905-17.
(6) Torres J et al. J Crohns Colitis. 2020 Jan 1;14(1):4-22.
(7) Bouchard D et al. Tech Coloproctol. 2022 Aug 21.
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