La prise en charge du syndrome de l’intestin irritable (SII) se fonde désormais sur une approche à multiples facettes. « Les bénéfices de certaines recommandations diététiques – notamment la limitation de l'apport en fibres et la réduction de l’apport en FODMAPs, sucres fermentescibles - sont aujourd'hui bien admis, souligne le Pr Philippe Ducrotté. De même, l'intérêt en deuxième intention des antidépresseurs à faible dose pour traiter l'hypersensibilité est reconnu avant tout dans les formes diarrhéiques ». La piste des probiotiques fait toujours l'objet de recherches. Différentes souches ont été testées, avec succès pour certaines mais il n'y a pour l'instant pas de souche candidate clairement identifiée. Enfin, la place de méthodes non médicamenteuses comme l'hypnose est de moins en moins discutée.
Des modes d'action originaux
L'arsenal thérapeutique pharmacologique devrait bientôt s'élargir avec l'arrivée de deux molécules aux modes d’actions originaux par rapport aux médicaments actuellement disponibles.
La première, le linaclotide, qui a une AMM européenne, devrait avoir une place dans le SII avec constipation. Cet agoniste de la guanylate cyclase-C favorise la sécrétion chlorée dans la lumière intestinale ce qui améliore l'hydratation du contenu endoluminal et facilite le transit. Il agit également sur les afférences sensitives du système nerveux entérique ce qui permet d’agir sur la sensibilité viscérale. « Son efficacité à la posologie d’une prise unique 290 µg/jour a été démontrée dans 2 grands essais de phase III, d'une durée de 12 à 26 semaines et concernant plus de 1 600 malades avec des critères de jugement stricts demandant à la fois une amélioration de la douleur et du transit », rapporte le Pr Ducrotté. « Le gain thérapeutique, en termes de répondeurs par rapport au placebo, a été supérieur à 10 %, respectivement 13,6 et 19,8 %. Un essai ouvert mené sur 1 an a confirmé la sécurité d’utilisation du linaclotide » (1).
La deuxième molécule, l'eluxadoline, déjà reconnue comme une option thérapeutique aux États-Unis et qui a reçu en juillet dernier un avis favorable pour l'octroi d'une AMM du Comité des médicaments à usage humain de l'Agence européenne des médicaments, est, elle, destinée au SII avec diarrhée. Elle agit sur les récepteurs opioïdes digestifs avec un double effet, agoniste sur les récepteurs mu et kappa et antagoniste sur les récepteurs delta. Les résultats de deux grandes études randomisées (plus de 2 400 patients) ont été publiés cette année (2). Dans les deux études, étaient considérés comme répondeurs les patients dont les deux symptômes, douleur et diarrhée, s’amélioraient le même jour de plus de 30 % pendant au moins 50 % de la période de traitement. « Le caractère strict du critère de jugement explique d'ailleurs le faible effet placebo dans ces études, de l'ordre de 20 % contre 35 à 40 % habituellement », précise le Pr Ducrotté. Les deux doses testées (75 et 100 mg) se sont montrées supérieures au placebo, la posologie la plus élevée ayant été la plus efficace. Une des interrogations avec ce produit concernait le risque potentiel de spasme du sphincter d'Oddi, qui peut être à l'origine d'une pancréatite aiguë. Quelques cas de pancréatite ont été rapportés dans ces essais, mais non imputables à un spasme du sphincter d'Oddi.
« Compte tenu de leur mode d'action et de leur coût, ces médicaments seront très probablement réservés aux formes les plus sévères, en deuxième intention. Leur prescription sera donc du ressort du gastro-entérologue », estime le Pr Ducrotté.
D'autres molécules pourraient dans un avenir plus ou moins lointain enrichir encore notre éventail thérapeutique. La rifaximine, un antibiotique peu absorbé a fait la preuve de son intérêt dans les formes diarrhéiques, notamment en cas de pullulation bactérienne endoluminale. La lubiprostone, développée initialement dans la constipation, favorise le transit en agissant sur les canaux chlore. Elle paraît également intéressante dans le SII avec constipation.
Enfin, le ramosétron, antagoniste des récepteurs de type 3 de la sérotonine, actuellement développé au Japon, semble donner de bons résultats dans le SII avec diarrhée à la fois chez l’homme et la femme. Il ne paraît pas avoir les effets secondaires observés avec une autre molécule de cette classe thérapeutique (l’alosétron) qui avait conduit à son retrait du marché. Ce dernier médicament ne saurait être disponible avant plusieurs années.
D'après un entretien avec le Pr Philippe Ducrotté, CHU Rouen
(1) Corsetti M. United European Gastroenterol J 2013;1:7-20
(2) Lembo AJ et al. N Engl J Med 2016;374:242-53
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