En 2019, sur 280 000 décès par maladie hépatique en Europe, deux tiers étaient liés à une complication de l'hypertension portale. « Chez les patients avec une maladie du foie non décompensée, l'espérance de vie est supérieure à dix ans, alors qu’elle n'est que de deux ans environ en cas de décompensation. La décompensation représente donc un vrai tournant dans l'histoire de la maladie. Il faut tout faire pour la prévenir », note la Dr Laure Elkrief (CHU Tours). Traiter la cause de la maladie hépatique (hépatite virale, consommation excessive d'alcool ou obésité) est évidemment nécessaire, mais pas suffisant.
Des méthodes non invasives
Il faut dépister une cirrhose en présence de facteurs de risque, dont les deux principaux sont la consommation excessive d'alcool et l'obésité. La nouveauté est qu'il n'y a plus besoin de biopsie hépatique. « La mesure de la dureté hépatique par Fibroscan est la méthode la plus couramment utilisée au cours des maladies du foie, mais le plus souvent elle est réservée aux services d'hépatologie. Les alternatives sont les tests sanguins (réalisation d'un score FIB-4 à calculer à partir de l'âge, des plaquettes et des transaminases, ou FibroTest) et la mesure de la dureté du foie lors d'une échographie hépatique. Une dureté hépatique supérieure à 15 kPa permet de poser le diagnostic de maladie hépatique avancée, avec un risque avéré de complications. Par contre, si la dureté est en dessous de 10 kPa, le risque de complication, dans les trois ans qui suivent, est très faible. En cas de résultats anormaux, le patient doit être adressé à un hépatologue. Chez les patients avec une maladie hépatique avancée, un dépistage du cancer du foie est à réaliser tous les six mois », explique la Dr Elkrief.
Prescrire des bêtabloquants
Jusqu'à présent, une endoscopie digestive haute était réalisée afin de repérer des varices œsophagiennes (VO), auquel cas ces patients étaient mis sous bêtabloquants pour prévenir une hémorragie digestive par rupture de VO. Or, une étude espagnole, randomisée et contrôlée, a confirmé que l'administration de bêtabloquants diminuait les autres complications chez les patients n'ayant aucune (ou de très petites) VO, jusqu'à présent non-candidats à cette prophylaxie. Les nouvelles recommandations européennes préconisent donc d'élargir la prescription de bêtabloquants non cardiosélectifs (propranolol et carvédilol à doses usuelles ou basses) à tous les malades ayant une hypertension portale susceptible de décompenser (dureté hépatique > 25 kPa), quel que soit le statut des VO et sans fibroscopie digestive haute au préalable.
« Cette recommandation ne repose que sur une seule étude, réalisée de surcroît en majorité chez des patients ayant une hépatite C. Les hépatologues français estiment donc qu'elle demande d'abord confirmation, indique la Dr Elkrief. En revanche, en cas d'hépatite virale guérie (hépatite C) ou parfaitement contrôlée (hépatite B), l'hypertension portale peut régresser. Si la dureté est inférieure à 12 kPa au Fibroscan, il devient possible d'arrêter la surveillance de l'hypertension portale, même après plus de deux ans. Et si les VO ont disparu, les bêtabloquants peuvent aussi être arrêtés. En revanche, le dépistage du cancer du foie doit être poursuivi ».
TIPS et anticoagulants
Chez les malades présentant une rupture de VO, stabilisés par le traitement médical et endoscopique, il est désormais confirmé, en phase aiguë, que la mise en place d'un shunt intrahépatique par voie transjugulaire (TIPS) doit être envisagée en cas de maladie sévère. La pose du TIPS est associée à une réduction de la mortalité à moyen et long terme. Le TIPS a même trouvé sa place en prévention de l'ascite, à partir de trois ponctions nécessaires en une année, sans plus attendre désormais le stade d'ascite réfractaire.
Chez les candidats à une transplantation hépatique, la thrombose de la veine porte rend plus complexe l'intervention, avec de moins bons résultats. Maintenir une veine porte perméable est donc un enjeu majeur, nécessitant de proposer des anticoagulants, tels que des héparines de bas poids moléculaire ou des antivitamines K (INR augmenté chez les patients cirrhotiques). La nouveauté est qu’il est aussi possible de prescrire des anticoagulants oraux directs, sauf en cas de maladie décompensée. Des données suggèrent même que les anticoagulants seraient utiles chez les autres patients, en l'absence de contre-indications, car ils amélioreraient leur fonction hépatique et leur pronostic.
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