Recueillir, d'ici à 2027, 100 000 échantillons fécaux couplés à des informations nutritionnelles et cliniques précises, tel est l'ambitieux objectif du projet French Gut porté par l'Inrae et mené en partenariat avec l'AP-HP, l'Inserm et AgroParisTech, rassemblés dans un consortium ad hoc. Une première phase pilote a été officiellement lancée ce 15 septembre, afin de recueillir les 3 000 premiers échantillons et tester la viabilité des dispositifs.
Un des enjeux de cette phase pilote sera d'automatiser les procédures d'analyse de MetaGenoPolis, l'unité Inrae spécialisée dans l'extraction et le séquençage d'ADN, la bio-informatique et l'analyse de données biologiques, véritable cheville ouvrière du projet. « Notre pipeline est semi-automatisé, explique son directeur, Alexandre Cavezza. Il va falloir nous automatiser complètement car nous envisageons une multiplication par 10 de nos capacités pour ce projet. »
Explorer les microbiotes en bonne santé
« En 2021, nous disposions de la caractérisation de 3 000 microbiotes humains, tous obtenus dans un contexte d'analyse pathologique, explique Joël Doré, directeur de recherche Inrae et directeur scientifique du projet. Ce qui nous manque aujourd'hui, c'est la connaissance des microbiotes en bonne santé. » Sur les 100 000 microbiotes visés par le French Gut, les auteurs espèrent que la moitié proviendra de volontaires en bonne santé, recrutés en dehors du cadre hospitalier.
Le French Gut s'articule autour de trois axes de recherche : cartographier le microbiote intestinal des Français ; modéliser et prévoir les changements du microbiote intestinal associés aux maladies chroniques, aux troubles neurodéveloppementaux et aux maladies neurodégénératives ; et décrire les variations du microbiote intestinal associées à la présence et au développement de ces maladies.
Ce projet français fait partie du « Million Microbiote of Humans Project » porté depuis 2019 par des instituts de recherches estoniens, suédois, chinois, danois et français. L'Estonie est pour l'instant le membre du club le plus avancé, avec plus de 10 000 microbiotes caractérisés.
La base de données du French Gut est aussi alimentée par les données de l'Assurance-maladie. De cette manière, les chercheurs espèrent pouvoir coupler la composition du microbiote avec l'état de santé des participants. « Le questionnaire renseigne aussi sur la symptomatologie digestive complète », précise le Pr Robert Benamouzig, chef du service de gastro-entérologie de l'hôpital Avicenne (AP-HP). « Grâce à la participation de l'Assurance-maladie, nous allons suivre la totalité de ces 100 000 personnes jusqu'à leur décès. Aucun d'entre nous ne sera là pour voir la fin de ce projet, c'est un peu ce qui en fait sa beauté », plaisante-t-il.
Questionnaire et kit de prélèvement
Les volontaires peuvent s'inscrire sur le site mis en ligne ce 15 septembre où ils répondront à un questionnaire très complet sur leurs habitudes alimentaires. Ils recevront ensuite un kit de prélèvement très similaire à celui utilisé dans le cadre du dépistage organisé du cancer colorectal : une notice d'information, un dispositif de recueil des selles, un tube de prélèvement, un gant et une enveloppe de retour.
« Une fois dans le tube, le liquide stabilisateur permet de conserver les micro-organismes intacts pendant 7 jours, explique Joël Doré. Il est possible de congeler le tube tel quel pour les garder plus longtemps. » Selon le directeur scientifique, en l'état des connaissances, les chercheurs ne savent pas comment cultiver 80 % des micro-organismes qui composent le microbiote, ces derniers étant trop spécifiques du milieu intestinal. « Nous ne nous interdisons pas de décongeler les échantillons du French Gut le jour où de nouvelles technologies permettront de cultiver d'avantages de bactéries », espère-t-il.
Joël Doré et le Pr Benamouzig promettent un suivi longitudinal, avec des prélèvements réguliers et de nouveaux questionnaires soumis aux participants, bien que le protocole de suivi nécessite la conclusion de la phase pilote pour être défini. Seuls les adultes sont admis pour l'instant, mais les membres du consortium ne ferment pas la porte à une ouverture à l'inclusion d'enfants.
32 millions d'euros
Le projet est financé à hauteur de 32 millions sur 5 ans, dont une dizaine de millions versés par l'État. Le reste du financement provient de dons (il est possible de contribuer via le site) et des 11 partenaires privés du consortium : Biocodex, Biofortis, Danone Nutricia Research, GMT Science, Gnosis by Lesaffre, Institut Pasteur, Lallemand Health Solutions, Greentech, Nahibu, Nexbiome Therapeutics, AdareBiome.
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