L’immunothérapie avait convaincu de sa supériorité en termes de survie globale (SG) en seconde ou troisième ligne de traitement du COG au stade avancé ou métastatique. Après l’étude Keynote-059 évaluant le pembrolizumab en monothérapie dans les adénocarcinomes (ADC) gastriques ou de la jonction œsogastrique (JOG) récidivants ou métastatiques prétraités (1), Attraction-3 a montré l’intérêt du nivolumab par rapport à la chimiothérapie dans les cancers épidermoïdes (CE) de l’œsophage (2). Néanmoins, cet essai n’a pas permis l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne, la quasi-totalité de la population étant asiatique. Puis Keynote-181 a confirmé le bénéfice du pembrolizumab par rapport à la chimiothérapie, dans les deux types histologiques (3), chez des patients de différentes origines, amenant à une AMM aux États-Unis et en Chine mais pas en Europe. Une analyse, très récemment publiée (4), a montré le maintien de la qualité de vie sous pembrolizumab chez les patients avec un CE, un score d'expression de PDL1 CPS ≥ 10 ou un CE avec CPS ≥ 10.
Depuis un peu plus d’un an, une étape supplémentaire a été franchie avec l’instauration de ces traitements en première ligne des cancers avancés ou métastatiques.
Des résultats spectaculaires dans les tumeurs épidermoïdes
Présentée au congrès européen d’oncologie (ESMO) 2020, l’étude Keynote-590 a permis au pembrolizumab d’obtenir l’AMM en première ligne dans les COG avancés auprès de la Food and Drug Administration (FDA) et de l’agence européenne du médicament (uniquement pour les CPS ≥ 10). L’association du pembrolizumab à la chimiothérapie dans les CE (73 % des cas) et les ADC de l’œsophage montrait un bénéfice sur tous les critères (encore plus marqué dans les CE) : SG, survie sans progression (SSP) et réponse globale (5). « Les options thérapeutiques sont pauvres dans le COG avancé, tout particulièrement dans les épidermoïdes, et Keynote-590 ayant inclus à parts égales asiatiques et caucasiens, il ne devrait plus y avoir d’obstacle à faire bénéficier ces patients de cet anti-PD1 », souligne le Pr Jean-Philippe Metges (CHU de Brest).
L’essai CheckMate-648 a montré dans les CE que les associations chimiothérapie-nivolumab et nivolumab-ipilimumab augmentent significativement la SG après au moins 13 mois de suivi, quel que soit le statut PDL1 (6). Le bénéfice sur la SSP est significatif chez les patients exprimant le PDL1, mais pas dans la cohorte globale, et l’association nivolumab-ipilimumab n’atteint pas l’objectif sur la SSP.
Deux autres études chinoises menées avec des anti-PDL1 propres aux Asiatiques sont venues confirmer le bien-fondé de cette stratégie lors du dernier ESMO. Dans Orient-15, le sintilimab associé à la chimiothérapie améliore significativement la SG des CE de l’œsophage et des ADC gastriques ou de la jonction œsogastrique (JOG), quel que soit le statut PDL1, ainsi que la SSP dans toute la cohorte et pour les tumeurs exprimant PD-L1 (7). Dans Jupiter-6, le toripalimab associé à la chimiothérapie prolonge la SG et la SSP dans les CE métastatiques de l’œsophage (8).
Des avancées dans les adénocarcinomes
Divulguées à l’ESMO 2021, les données à plus long terme de CheckMate-649 concernaient les ADC gastriques (70 %), de la JOG (17,8 %) ou œsophagiens (12,5 %), avancés ou métastatiques (9). Elles confirment que l’ajout du nivolumab à la chimiothérapie améliore significativement à un an la SSP et la SG, quel que soit le statut PDL1 ou la présence d’une instabilité des microsatellites. Par contre, les résultats sur l’association nivolumab-ipilimumab ne sont pas concluants. En Europe, le nivolumab, associé à la chimiothérapie vient d’être approuvé en première ligne pour les cancers à un stade avancé ou métastatique et devrait devenir le nouveau standard thérapeutique.
En première ligne de traitement des ADC œsogastriques avancés ou métastatiques exprimant HER2, le bénéfice de l’association nivolumab-trastuzumab-Folfox a été mis en évidence sur la réponse thérapeutique, par rapport au trastuzumab-Folfox. Sur le même terrain, Keynote-811 montre clairement que l’adjonction du pembrolizumab à la combinaison trastuzumab-chimiothérapie augmente significativement le taux de réponse objective (10). La FDA a donc approuvé cette association sur les résultats intermédiaires dans les ADC gastriques et de la JOG. Les résultats sur la SG sont très attendus et devraient consacrer cette triple association comme le nouveau traitement de référence.
« Toutes ces études se conjuguent pour que les autorités de tutelles accordent rapidement un accès à l’immunothérapie, et l’argument d’études exclusivement asiatiques ne tient plus, conclut le Pr Metges. C’est pratiquement une urgence pour ces patients qui ne disposent actuellement que de très peu d’options thérapeutiques ».
Et en adjuvant ?
Dans les cancers œsophagiens ou de la JOG opérés et traités en néoadjuvant par chimioradiothérapie, l’essai CheckMate 577 (11) a montré que le nivolumab administré en adjuvant double la survie sans maladie (22,4 versus 11 mois sous placebo, p < 0,001) et diminue de 31 % le risque de récidive ou de décès. Avec son AMM en Europe, cette stratégie représente un nouveau standard thérapeutique.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Philippe METGES (CHU de Brest)
(1) Chao J et al. JAMA Oncol. 2021;7(6):895–902
(2) Takahashi M. et al. Esophagus 2021 Jan;18(1):90-99
(3) Kojima T et al. J Clin Oncol. 2020 Dec 10;38(35):4138-4148
(4) Adenis A et al. J Clin Oncol. 2021 Nov 3
(5) Sun JM et al. Lancet. 2021 Aug 28;398(10302):759-771
(6) Chau I et al. ASCO 2021, abst LBA4001
(7) Shen L et al. ESMO 2021, Abst LBA52
(8) Xu R-H et al. ESMO 2021, abst 1373M0
(9) Janjigian Y et al. ESMO 2021, abstr LBA7
(10) Janjigian Y et al. ASCO 2021, abst 4013
(11) Kelly RJ et al. N Engl J Med 2021; 384:1191-1203
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