1) Péjoratif
L’apparition d’une ascite est généralement un signe péjoratif.
1.1) C’est le plus souvent un signe d’aggravation de la fonction hépatique.
1.1.1) L’ascite est en effet secondaire à l’hypertension portale et à l’insuffisance hépatique.
1.1.2) L’ascite est souvent révélatrice de la cirrhose sous-jacente.
1.2) Cependant d’autres causes peuvent être à l’origine de l’ascite : carcinose péritonéale, insuffisance cardiaque, tuberculose…
1.3) L’ascite marque une étape importante dans la progression de la cirrhose.
1.3.1) Elle s’observe chez 30 % des cirrhotiques.
1.3.2) Après un premier épisode d’ascite la survie est de 50 % à 1 an et 20 % à 5 ans (2).
2) Comment traiter une poussée d’ascite ?
2.1) Les principes de la prise en charge initiale d’une ascite sont indiqués dans l’encadré 1.
2.2) Le traitement repose sur les diurétiques et un régime désodé.
2.2.1) Il convient de lutter contre la rétention hydrosodée par un régime modérément désodé (< 2 à 5 g/j de NaCl) associé à des diurétiques. Une restriction sodée trop sévère n’est pas recommandée, car elle expose à la dénutrition.
2.2.2) En l’absence de contre-indication il est recommandé d’utiliser :
- un anti-minéralocorticoïde (spironolactone) en monothérapie,
- si besoin associé à un diurétique de l’anse (furosémide),
- à une posologie graduellement croissante et sous couvert d’une surveillance (encadré 2).
2.2.3) Une restriction hydrique n’est pas recommandée, sauf en cas d’hyponatrémie (généralement de dilution) < 130 mmol/L : limitation à 1 000 ml/j. Cette hyponatrémie est habituellement secondaire à une hypersécrétion de vasopressine qui stimule la réabsorption d’eau au niveau du tube collecteur. Des antagonistes (les vaptans) sont en cours de développement.
2.3) Quelle est la place des ponctions évacuatrices ?
2.3.1) La ponction évacuatrice est indiquée dans les situations suivantes :
2.3.1.1) gêne fonctionnelle (dyspnée),
2.3.1.2) résistance ou intolérance au traitement de base (régime et diurétiques).
2.3.2) Une « compensation » par une expansion volémique (albumine humaine à 20 %, 7 à
8 g par litre d’ascite soustrait) est recommandée dans les situations suivantes :
2.3.2.1) au-delà de 5 litres soustraits (l’expansion par albumine augmente la survie),,
2.3.2.2) entre 3 et 5 litres soustraits,
2.3.2.3) en dessous de 3 litres l’expansion par perfusion d’albumine est laissée à l’appréciation du médecin.
3) Prévenir l’infection
Comment prévenir l’infection du liquide d’ascite (ILA) ?
3.1) Les bactéries responsables d’une ILA sont souvent d’origine intestinale (par translocation à travers la paroi intestinale vers les ganglions mésentériques puis ensemencement hématogène : deux tiers de bacilles Gram (-) et principalement Escherichia coli). Les principaux facteurs de survenue d’une ILA sont :
3.1.1) une concentration basse de protides dans l’ascite < 10-15 g/L (elle est associée à une concentration basse en opsonines et à une phagocytose défectueuse),
3.1.2) une hémorragie digestive,
3.1.3) une insuffisance hépatocellulaire sévère (Child-Pugh de classe C);
3.1.4) c’est une complication fréquente : environ 20 % des cirrhotiques ascitiques.
3.2) En cas d’ascite pauvre en protides (< 15 g/L) une antibiothérapie par norfloxacine (400 mg/j per os) est recommandée.
3.3) Après guérison d’un premier épisode d’ILA, le taux de récidive en l’absence d’antibioprophylaxie (norfloxacine) est de 40 % à 70 % à 1 an.
4) Diagnostic d’infection
Comment faire le diagnostic d’infection du liquide d’ascite ?
4.1) Fièvre (ou hypothermie) et hyperleucocytose manquent souvent et il est recommandé de réaliser une ponction exploratrice avec examen cytobactériologique en urgence chez tout cirrhotique hospitalisé pour ascite (en dehors des ponctions itératives en ambulatoire pour ascite réfractaire chez des malades asymptomatiques).
4.2) Une ponction exploratrice avec recherche d’ILA doit être réalisée dans les situations indiquées dans l’encadré 3.
4.3) Outre les méthodes de référence pour le diagnostic d’ILA (encadré 3) que penser de l’usage des bandelettes urinaires ?
4.3.1) Leur utilisation permet de diagnostiquer rapidement une ILA avec une bonne spécificité,
4.3.2) mais la sensibilité et la valeur prédictive négative sont insuffisantes et il faut privilégier le résultat de l’analyse du liquide d’ascite (surtout s’il existe des signes locaux ou généraux d’infection).
5) Traiter
Comment traiter une infection du liquide d’ascite ?
5.1) L’ILA est une urgence thérapeutique.
5.1.1) Une antibiothérapie (AB) probabiliste doit être débutée rapidement, sans attendre les résultats de la culture d’ascite. L’AB sera éventuellement adaptée ultérieurement selon les résultats d’un antibiogramme.
5.1.2) L’AB probabiliste comporte une des molécules suivantes : céfotaxime I.V., ou amoxicilline-acide clavulanique IV, ou ofloxacine per os, ou ciprofloxacine I.V.).
5.2) Le traitement associe AB et perfusion d’albumine. Celle-ci se fait au 1er et 3e jours. Elle diminue le risque d’insuffisance rénale et la mortalité chez les malades fragiles (bilirubine › 70 µmol/L ou créatinine › 90 µmol/L).
5.3) La durée totale de l’AB est de quinze jours.
5.4) L’utilisation d’aminosides est contre-indiquée (risque d’insuffisance rénale).
5.5) Après guérison d’une 1ère ILA, une antibioprophylaxie au long cours est recommandée (norfloxacine, 400 mg/j per os).
L’ascite réfractaire et le syndrome hépatorénal seront abordés dans un prochain article.
Réponse
L’assertion 5.3) est inexacte. En effet, la durée totale d’antibiothérapie recommandée est de 5 jours (pour la cefotaxime) à 7 jours pour les autres antibiotiques proposés et non de 15 jours.
Pour en savoir plus
1) Haute Autorité de Santé. Prise en charge des complications chez les malades atteints de cirrhose. www.has-sante.fr Toutes nos publications.
2) Guidelines for the management of complications in patients with cirrhosis. Bismuth M et al. Gastroenterol Clin Biol 2008 ; 32 : 887-897.
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