LE QUOTIDIEN. L’immunothérapie a fait son entrée dans le CHC. Quelles leçons tirer un an après ?
Pr JEAN-FREDERIC BLANC. La combinaison atezolizumab et bevacizumab est devenue, depuis un an, le traitement de première ligne de référence. Elle bénéficie d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) dans le traitement du CHC avancé non accessible à un traitement curateur par chirurgie ou chimio-embolisation, chez des patients à fonction hépatique conservée et en bon état général. Cette association a une efficacité nettement supérieure au sorafenib, qui constituait jusqu’ici le « gold standard », avec un bon profil de tolérance et le maintien de la qualité de vie des patients. Avec un recul d’un an, les résultats observés dans la vraie vie sont similaires à ceux des études cliniques.
Ces nouveaux traitements étant administrés par perfusion, le parcours de soins a été quelque peu modifié et nous ont amenés à réorganiser les hospitalisations de jour (1).
On devrait disposer à court terme d’autres associations combinant deux immunothérapies, ou associant une immunothérapie à un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK), dont les résultats sont encourageants.
Comment choisir au sein d'un arsenal thérapeutique en plein essor ?
Avec les différentes possibilités thérapeutiques (ITK, combinaisons à base d’immunothérapie actuelles ou futures), la décision se complique. En effet, on ne connaît ni la séquence thérapeutique idéale, ni les facteurs prédictifs de réponse aux traitements. Ainsi, seuls 15 % des patients répondent bien aux immunothérapies, mais on ne sait toujours pas identifier les bons répondeurs.
Il reste tout un travail académique à mener pour rechercher sur des biopsies des éléments permettant de mieux orienter ces traitements, ce qui suppose de disposer du matériel histologique. La mise à jour des recommandations françaises pour la prise en charge du CHC insiste donc sur la nécessité de réaliser des prélèvements pour progresser dans ce domaine (2).
Existe-t-il un profil « français » pour l’hépatocarcinome et quelles en sont les conséquences ?
En France, les CHC sont moins liés à l’hépatite virale que dans d’autres pays, et ils se développent essentiellement sur des cirrhoses liées à l’alcool ou au syndrome métabolique. Or, les nouveaux traitements comme l’immunothérapie s’adressent à des patients avec des tumeurs avancées mais gardant une bonne fonction hépatique. Les bases de données françaises montrent que du fait de leur terrain, plus de la moitié des patients atteints de CHC ne peuvent accéder qu’à des soins palliatifs au moment du diagnostic. Il est donc essentiel de dépister la cirrhose et le CHC beaucoup plus tôt si on veut pouvoir gagner en survie avec les nouveaux traitements. Il faut pratiquer une échographie chez tous les patients atteints de cirrhose, mais aussi chez tous ceux ayant un ou des éléments constitutifs du syndrome métabolique (responsable d’au moins un tiers des CHC en France, seul ou en association). Les bilans sanguins hépatiques peuvent maintenant donner les résultats du test non invasif de fibrose, et ainsi permettre d'orienter le patient vers un hépatologue.
Actuellement, la cohorte française, CHIEF (3), inclut prospectivement des CHC dans plusieurs centres publics ou privés, afin d’établir une base de données clinique, épidémiologique, biologique, histologique... Cette cartographie de la population de CHC française est essentielle pour en déterminer les causes, et vérifier si l’efficacité des nouveaux traitements est la même sur les terrains alcooliques ou métaboliques que lorsque le CHC est lié à l’hépatite virale. Les résultats préliminaires de l’étude ELITor, portant sur les 367 patients de la cohorte CHIEF (sur 1 154) atteints de CHC non résécables (88 % d'hommes), ont été présentés lors du congrès de l’International Liver Cancer Association (ILCA) en septembre 2021 (4). L’étiologie principale du CHC se révèle être l’alcool seul (29 %) ou associé (26,9 %), puis les troubles métaboliques seuls (15,4 %) et les infections virales uniquement (15,1 %). Chez les 79 % de patients ayant reçu au moins un traitement systémique palliatif de première intention, 73,4 % ont reçu un ITK et 28,6 % une immunothérapie (principalement l'atézolizumab). Concernant les 53 patients traités en première ligne par l’association atezolizumab-bevacizumab, les premières données montrent que l’étiologie était davantage uniquement virale que chez les autres sujets (30 %), et un peu moins souvent d’origine alcoolique (seule ou associée 38 %).
(1) Jean-Frédéric Blanc. Hépato-Gastro & Oncologie Digestive. 2021;28(1):9-22.
(2) https://www.snfge.org/content/7-carcinome-hepatocellulaire-cancer-primi…
(3) https://www.chu-amiens.fr/wp-content/uploads/2018/12/CHU-Amiens-Picardi…
(4) Nguyen-Khac Eric et al, congrès ILCA, Abstract O-09
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