Si le diabète ne représente pas nécessairement un risque accru de contracter une infection au virus Sars-CoV-2, il est en revanche reconnu pour être associé à un surrisque de présenter une forme plus sévère de Covid-19, avec un taux de mortalité accru, que ce soit chez les patients diabétiques de type 1 ou de type 2 (1). Comme la plupart des études (2) se sont focalisées sur le diabète de type 2 (DT2), nous nous limiterons à ce seul groupe de patients, de loin le plus important.
Le critère de jugement le plus utilisé est la nécessité de transférer les patients hospitalisés en unités de soins intensifs pour une ventilation assistée et/ou un risque relatif accru de mortalité intra-hospitalière, soit dans les sept premiers jours, soit dans les 28 jours qui suivent l’admission, comme dans la grande étude multicentrique française Coronado (3). Il est cependant rapidement apparu que tous les patients DT2 n’ont pas le même risque d’issue défavorable (2, 4).
Dès lors, deux questions essentielles s’imposent aux cliniciens appelés à prendre en charge des patients diabétiques : quels sont les facteurs pronostiques qui peuvent être identifiés chez les patients DT2 admis à l’hôpital − dans l’optique de repérer rapidement ceux les plus à risque d’évolution péjorative ; quels sont les facteurs de risque qui peuvent être modifiés, afin d’améliorer le pronostic des patients DT2 hospitalisés ? Ce bref article tente d’apporter quelques réponses à ces deux questions, au vu des données de la littérature internationale (1, 2) et de la grande étude française Coronado (3, 4).
Identifier les facteurs de risque…
Il convient de discerner deux types de facteurs de risque, ceux généraux, retrouvés aussi dans la population générale, et ceux qui sont plus spécifiques aux patients DT2 (lire encadré).
Des facteurs généraux. Trois caractéristiques démographiques sont classiquement rapportées comme étant associées à un risque accru d’évolution péjorative et de mortalité en cas d’infection Covid-19 : l’âge avancé, le sexe masculin et la présence d’une surcharge pondérale ou d’une obésité (lire aussi p. 6). Ces trois facteurs de risque ont également été notifiés dans la population DT2 (1-4).
La présence de comorbidités, comme une hypertension artérielle, des pathologies cardiovasculaires (CV), une insuffisance rénale ou une stéatose hépatique, ont également été incriminées en population générale. Comme ces comorbidités sont beaucoup plus fréquentes chez les patients DT2, elles contribuent certainement, lorsqu’elles sont présentes, à aggraver leur pronostic face à une infection Covid-19, par rapport à ceux qui sont non diabétiques.
D’autres spécifiques au diabète. Outre la durée du diabète, le facteur de risque le plus typique du DT2 est le niveau du contrôle glycémique. Celui-ci peut être estimé soit par le taux d’hémoglobine glyquée (HbA1c) qui reflète la qualité de l’équilibration des 2-3 derniers mois, donc bien avant le décours de l’infection, soit par le niveau de la glycémie à l’admission à l’hôpital.
Les données concernant le taux d’HbA1c sont contradictoires. L’étude de cohorte anglaise, réalisée en ambulatoire, montre une relation avec le pronostic du Covid-19 (1), au contraire de l’étude française Coronado, réalisée à l’hôpital (3, 4).
En revanche, la plupart des études notent une relation positive entre le niveau de l’hyperglycémie à l’admission et l’évolution péjorative de l’infection. Mais cette hyperglycémie ponctuelle est d’interprétation délicate. Certes, elle peut être indicative, sans doute de façon bien imparfaite, de l’équilibration du DT2 au long cours, mais aussi − et sans doute surtout − elle est directement influencée par l’infection et ses conséquences immédiates (pyrexie avec orage cytokinique, hypoxie avec stimulation sympathique, stress, traitement anti-hyperglycémiant mal géré juste avant l’hospitalisation, etc.), voire par une atteinte toxique des cellules-béta pancréatiques par le Sars-CoV2, pouvant induire un diabète de novo (lire ci-contre). Ainsi, une franche hyperglycémie à l’admission pourrait indiquer que la situation est déjà critique et donc être considérée davantage comme un marqueur de risque que comme un facteur de risque proprement dit (2, 4).
… Et les moduler
Comme cela a été fait classiquement pour la prévention des maladies CV, on peut séparer les facteurs de risque modifiables, ou non.
Ne sont pas modifiables, bien entendu, les caractéristiques démographiques − âge, sexe et indice de masse corporelle − la durée du diabète, la prédisposition génétique, l’ethnicité et le statut socio-économique. Si elles existent, les comorbiditiés associées au DT2 − en particulier les complications CV ou rénales − ne peuvent pas non plus être gommées, et influencent le pronostic.
Les traitements proposés pour limiter les risques liés aux thromboses (anticoagulants), à l’orage cytokinique (dexaméthasone) et aux complications CV (statines) dans la population générale sont également d’application dans la population DT2.
Finalement, le seul facteur de risque modulable spécifique à la population DT2 est la qualité du contrôle glycémique susceptible d’être obtenue dans le décours de l’hospitalisation, et éventuellement le choix des agents anti-hyperglycémiants (2). Ces paramètres n’ont pas été étudiés spécifiquement dans l’étude Coronado, si ce n’est l’effet positif de la metformine (3) [lire aussi p. 8].
Il a été suggéré qu’une bonne équilibration du DT2, dès l’admission et pendant toute l’hospitalisation, était susceptible d’améliorer le pronostic du Covid-19. Cette hypothèse a cependant été mal étayée par des données factuelles solides (5). Il s’agit donc, jusqu’à présent, d’une opinion d’experts, qui mériterait d’être vérifiée dans des études contrôlées dédiées à cet effet.
Exergue 1 : Il est rapidement apparu que tous les patients DT2 n’ont pas le même risque d’issue défavorable
Exergue 2 :Le contrôle glycémique est un facteur de risque modifiable sur lequel les cliniciens pourraient agir pour améliorer le pronostic.
Liège Université, CHU Liège, Belgique
(1) Holman N et al. Lancet Diabetes Endocrinol 2020;8:823-33
(2) Apicella M et al. Lancet Diabetes Endocrinol 2020;8:782-92
(3) Cariou B et al. Diabetologia 2020;63:1500-15
(4) Scheen AJ et al. Diabetes Metab. 2020;46:265-71
(5) Bornstein SR et al. Lancet Diabetes Endocrinol 2020;8:546-50
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