L’HYPERCORTISOLÉMIE associée à ces tumeurs bénignes difficiles à visualiser en raison de leur petite taille prédispose à plusieurs pathologies (diabète, HTA, ostéoporose, obésité, morbidité cardio-vasculaire) et répond mal aux traitements classiques tels que la résection transphénoïdale de la tumeur hypophysaire, avec un taux important de récidives. La recherche d’une approche pharmacologique ciblant directement la croissance de la tumeur corticotrope est donc une avenue prometteuse. Les inhibiteurs de la CDK (cyclin-dependent kinase) sont potentiellement intéressants en s’opposant aux aberrations neuroendocrines induites par ces kinases. Mais, en l’absence de modèle expérimental reproduisant l’hypercorticisme de l’adénome hypophysaire, il est difficile d’identifier ceux des inhibiteurs de la CDK qui seront efficaces.
Les caractéristiques de l’adénome corticotrope.
Les auteurs se sont intéressés au poisson zèbre parce que les séquences du gène PTTG (Pituitary Tumor Transforming Gene), qui commande la synthèse de sécurine (rôle dans la ségrégation chromosomique) et qui est surexprimé dans 90 % des tumeurs hypophysaires (y compris les adénomes corticotropes), sont fortement conservées chez cet animal. Les Américains ont élaboré une lignée cellulaire surexprimant le PTTG ciblant la pro-opiomélanocortine adéno-hypophysaire (POMC). L’évaluation de cette lignée met en évidence sa capacité à reproduire les caractères spécifiques de l’adénome corticotrope. Les poissons adultes Pomc-Pttg développent des adénomes très proches de la tumeur humaine, avec régulation positive de la cycline E (liée à un mauvais pronostic des tumeurs chez l’homme) et objectivant les perturbations métaboliques associées à la maladie de Cushing.
Ce modèle a donc été utilisé pour tester plusieurs inhibiteurs de la CDK. L’un d’eux, la R-roscovitine (un inhibiteur CDK2/cycline E), induit, chez les embryons Pomc-Pttg traités par cette molécule, une puissante réduction (de 40 %) de l’expression de la POMC et inverse l’activité corticotrope. L’efficacité de la R-roscovitine (seliciclib ; CYC202) a alors été évaluée dans un modèle murin d’adénome hypophysaire sécréteur d’ACTH. L’équipe de Shlomo Melmed montre que le traitement par cet inhibiteur de la CDK s’oppose à la croissance cellulaire tout en réduisant l’expression de la cycline E.
Des tests concluants chez des souris.
L’activité anti-tumorale corticotrope a enfin été testée in vivo après l’injection, à des souris athymiques de 6 à 8 semaines, de cellules de tumeurs corticotropes AtT20. Vingt-neuf des 30 animaux ayant développé des tumeurs ont été soumis à un traitement par la R-roscovitine (150 mg/kg) ou par un placebo. Les chercheurs observent, trois semaines plus tard, que l’inhibiteur de la CDK induit une réduction d’environ 50 % du poids tumoral. Par ailleurs, les souris traitées présentent une diminution de plus de 50 % des taux sériques d’ACTH (596 vs 1 256 pg/ml, p < 0,01) et une réduction d’ordre comparable des concentrations plasmatiques de corticostérone.
Le développement, par les Américains, d’une lignée germinale surexprimant le gène PTTG et reproduisant l’hypercorticisme inaugure un modèle vertébré de la maladie de Cushing. Cette avancée ouvre aussi la perspective de traitements pharmacologiques sélectifs, comme le suggère l’identification d’un inhibiteur de la CDK à activité anti-corticotrope et anti-tumorale et, qui plus est, réduit l’expression de la cycline E, un caractère distinctif des adénomes corticotropes chez l’homme.
N-A Liu, S Melmed et coll. Targeting zebrafish and murine pituitary corticotroph tumors with a cyclin-dependent kinase (CDK) inhibitor. Proc Ntl Acad Sci USA (2011) Publié en ligne.
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