Les tests génétiques dans les tumeurs endocrines

Une information préalable très complète

Publié le 04/12/2012
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« DEPUIS une dizaine d’années, le conseil génétique s’est largement développé et surtout structuré dans le domaine des tumeurs endocrines. Dans le cadre du plan cancer, des procédures ont été mises en place ainsi qu’une labellisation d’un certain nombre de consultations d’oncogénétique », explique le Pr Anne-Paule Gimenez-Roqueplo, professeur en génétique, endocrinologue de formation, et responsable de la consultation multidisciplinaire d’oncogénétique dédiée aux tumeurs endocrines de l’Hôpital Européen Georges Pompidou à Paris. Aujourd’hui, il existe plusieurs centres experts nationaux de référence des cancers rares prenant en charge les tumeurs endocrines, labellisés par l’Institut national du cancer (InCA) : le réseau INCA-COMETE pour les cancers de la surrénale, le réseau RENATEN pour les tumeurs neuroendocrines, le réseau PREDIR pour la maladie de Von Hippel-Lindau et le réseau TUTHYREF pour les cancers de la thyroïde. « Ces réseaux fonctionnent avec des centres experts nationaux de référence et des centres de compétence régionaux », précise-t-elle.

Il existe deux types de tests génétiques : les tests diagnostiques et les tests présymptomatiques. « Dans les deux cas, la personne doit être parfaitement informée de la nature du test proposé, de la maladie et des conséquences potentielles d’un test positif ou négatif. Et dans les deux cas, la réglementation impose de réaliser ces tests dans le cadre de consultations dédiées à cette activité durant lesquelles le praticien devra prendre le temps nécessaire pour répondre à toutes les questions du patient », explique le Pr Anne-Paule Gimenez-Roqueplo

Le test génétique diagnostique est réalisé chez un patient symptomatique pour confirmer ou infirmer l’existence d’une cause génétique à sa maladie. Le test génétique présymptomatique est, quant à lui, mené chez des proches (parents, enfants, frères, sœurs…) d’un patient déjà identifié comme étant porteur d’une mutation génétique. « Le test présymptomatique a lieu dans une consultation multidisciplinaire agréée et déclarée auprès de l’Agence de la biomédecine. Cette consultation peut regrouper des spécialistes de la maladie, des généticiens, des conseillers en génétiques, des psychiatres et des psychologues. Toutes sortes de questions très concrètes se posent aux personnes à qui on va proposer le test : Suis-je ou non porteur de la mutation qui a rendu malade mon parent ? Est-ce que je veux avoir cette information, et à quel moment ? En cas de résultat positif, quelles mesures thérapeutiques ou de surveillance pourra-t-on me proposer ? Quelles peuvent être les conséquences psychologiques d’une telle annonce ? C’est très important de pouvoir susciter ce questionnement préalablement à la pratique du test et de répondre en amont à toutes ces questions, afin que la personne puisse faire le choix de faire ou non le test en connaissance de cause », explique le Pr Anne-Paule Gimenez-Roqueplo.

Dans l’immense majorité des cas où le test est proposé dans le cadre d’une prédisposition héréditaire aux tumeurs endocrines, les personnes décident de faire ce test présymptomatique, qui débouchera sur une surveillance du risque tumoral en cas de positivité. « En fait, la nature de la réponse va souvent dépendre du temps passé par le médecin pour expliquer la démarche et les objectifs recherchés. En général, quand on prend son temps, les réticences restent rares. Parfois, il peut simplement arriver que des personnes aient besoin d’un délai de réflexion, vous disent qu’ils sont prêts à faire le test mais pas tout de suite parce qu’ils estiment que ce n’est pas la priorité à ce moment de leur vie. Certains patients, aussi, font le test mais viennent chercher le résultat plus tard. L’essentiel, c’est que la personne soit prête pour ce qui, à ses yeux, est le bon moment », souligne le Pr Anne-Paule Gimenez-Roqueplo.

Ce test présymptomatique peut, dans certains cas, être réalisé chez des enfants. « Dès lors qu’il s’agit de mineurs, la législation est encore plus stricte. Le test ne peut être proposé que s’il existe un bénéfice médical immédiat à sa réalisation. Les enfants doivent être associés à la démarche même si ce sont, bien sûr, les parents qui prendront la responsabilité de demander la recherche de la mutation familiale chez leur enfant. Là encore, il faut savoir prendre le temps nécessaire pour que la décision soit prise par les deux parents qui, parfois, ne sont pas d’accord au départ », souligne le Pr Anne-Paule Gimenez-Roqueplo, en insistant sur cette notion de bénéfice réel et immédiat pour l’enfant. « Si on sait que la maladie ne va se développer qu’à l’âge adulte, il conviendra d’attendre que l’enfant grandisse pour être en mesure, une fois adulte, de faire lui-même son choix », explique le Pr Anne-Paule Gimenez-Roqueplo, qui évoque ensuite le cas particulier de la néoplasie endocrinienne multiple de type 2 (NEM2) qui prédispose en premier au risque de carcinome médullaire de la thyroïde.

« Dans cette pathologie, les mutations sont classées en grade de gravités différentes (D, C, B, A). Et l’âge auquel on va recommander le diagnostic va dépendre de la gravité de la mutation dans la famille. Par exemple dans le cas de la NEM2B (mutations de grade D), maladie très agressive où il est possible d’avoir une forme métastatique de carcinome médullaire de la thyroïde après la première année de vie, il est légitime de proposer le test dès la naissance car, s’il est positif la thyroïdectomie prophylactique, qui aura un bénéfice réel et immédiat pour l’enfant, doit être faite très précocement. S’il s’agit d’une mutation classée C, on devra faire le test avant l’âge de 5 ans pour être en mesure de proposer une thyroïdectomie prophylactique. Pour d’autres pathologies telles que le paragangliome et le phéochromocytome héréditaires, l’âge minimum pour réaliser le test est de 6 ans. En cas de positivité, la mise en place d’une surveillance par IRM sera organisée », explique le Pr Anne-Paule Gimenez-Roqueplo.

Dans tous les cas, les praticiens devront recevoir l’enfant avec ses parents pour l’informer de ce qui va se passer et répondre à ses questions. « L’enfant doit être associé à la démarche et il n’est pas question de faire un test à son insu. Car ensuite, il sera très compliqué de lui annoncer le résultat de ce test, surtout s’il est positif ».

D’après un entretien avec le Pr Anne-Paule Gimenez-Roqueplo, service de génétique, hôpital européen Georges Pompidou & INSERM U970 centre de recherche cardio-vasculaire, Paris.

Antoine DALAT

Source : Bilan spécialistes