La vitamine D

Une hormone à part entière

Publié le 25/11/2010
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PAR LE Pr ANNE LIENHARDT-ROUSSIE*

LA VITAMINE D est une vieille dame dont l’histoire remonte au XVIIe siècle avec les premières descriptions cliniques du rachitisme et de ses déformations osseuses chez les enfants des villes industrialisées du nord de l’Europe. Peu à peu elle dévoilera ses mystères : sa présence dans l’huile de foie de morue (XIXe siècle), son rôle préventif sur les signes de rachitisme, sa synthèse sous l’influence des rayons ultraviolets, puis sa formule chimique (XXe siècle). Enfin viendra la preuve irréfutable qu’elle est une hormone stéroïde et non une vitamine (1960). Son métabolisme propre et son action dans la régulation du métabolisme phosphocalcique sont désormais bien connus. La vitamine D stimule l’absorption intestinale des ions calcium et phosphate ; selon les situations, favorise la minéralisation osseuse ou recrute le calcium intra-osseux ; réprime la synthèse de PTH pour en limiter l’effet néfaste sur l’os ; stimule celle de FGF 23, facteur hypophosphatémiant. Depuis une vingtaine d’années, la vitamine D a réussi à nous surprendre avec la confirmation de multiples fonctions hors métabolisme phosphocalcique.

Immmunomodulation.

Il y a 25 ans, le rôle immuno-modulateur de la vitamine D a été suspecté et depuis confirmé que ce soit par action endocrine ou paracrine de son métabolite actif. Ainsi, elle inhibe la prolifération des lymphocytes T, particulièrement celle des T helpers (Th1) producteurs de cytokines (interféron γ et interleukine IL2) et des th17, mais favorise la différenciation vers les Th2 régulateurs et la production de d’IL4, 5 ou 10. Elle régule la synthèse des immunoglobulines. Son rôle dans la régulation de l’auto-immunité en modulant la présentation des antigènes est donc primordial : certaines pathologies auto-immunes étant plus fréquentes en cas de carence en vitamine D (sclérose en plaques, Crohn, diabète de type 1) ou dans les pays de faible ensoleillement. Elle favorise la destruction des mycobactéries, voire de nombreux autres agents infectieux en induisant la synthèse de cathelicidine par les macrophages, après fixation de l’agent pathogène sur un récepteur spécifique, fixation qui stimule la 1αhydoxylase et donc la synthèse locale de vitamine D active [Bilke, JCEM, 2009].

Un rôle dans la survenue d’un diabète de type 1, mais aussi de type 2.

Plusieurs études mettent en évidence l’importance de la carence en vitamine D dans la survenue du diabète de type 1, vraisemblablement parle biais d’une modulation de l’immunité. Celui-ci est plus fréquent dans les pays moins ensoleillés [Mohr, Diabetologia, 2008]. Une large étude finlandaise a montré que la carence en vitamine D durant la toute petite enfance (avant 2 ans) majorait le risque de survenue de diabète de type 1 de 200 % avant l’âge de 15 ans [Hypponene, Lancet, 2001]. Enfin, une métanalyse européenne, l’étude EURODIAB 1999, a démontré que la survenue d’un diabète de type 1 était, chez l’enfant, significativement associée à la carence en vitamine D [Zipitis, Arch Dis Child, 2008] ; des résultats similaires sont publiés pour la population adulte. En cas de diabète de type 2, la vitamine D intervient également en modulant cette fois-ci la sécrétion d’insuline par modulation des stocks de calcium intracellulaire. À indice de masse corporelle (IMC) égal, les adolescentes carencées en vitamine D ont une insulinorésistance plus importante. Il faut donc veiller au capital vitaminique D des patients obèses, ce d’autant plus qu’ils sont encore plus à risque de carence, à la fois par leurs habitudes alimentaires et par rétention de la vitamine D dans le tissu adipeux qui devient alors inaccessible donc inefficace [Ashraf, JCEM, 2009]. vitamin

La production locale de vitamine D contrôle l’expression de certains gènes régulateurs de la prolifération cellulaire (p21 et p27), de proto-oncogènes (ßcatenin) ou de gènes suppresseurs de tumeur (E Catherin) contrôlant ainsi prolifération cellulaire, angiogénèse et apoptose [Palmer, J Cell Biol, 2001]. La survenue de cancers colique, rénal, prostatique ou mammaire est accrue en présence de carence en vitamine D [Gorham, J Steroid Biochem Mol, 2005]. Des études interventionnelles de supplémentation en vitamine D sont en cours.

Une grande étude épidémiologique, la NHANES III, a mis en évidence un risque accru de mortalité globale chez l’adulte, essentiellement par majoration des facteurs de risque cardiovasculaire (43 % des décès observés chez les patients carencés) ; les adolescents carencés ont déjà des chiffres tensionnels significativement plus élevés [Melamed, Arch Intern Med, 2008 ; Reis, Pediatrics, 2009]. Des études animales ont montré que la vitamine D contrôlait la tension artérielle via le système rénine angiotensine, cela reste à démontrer chez l’homme [Li, JCI, 2002].

Enfin, de nouvelles molécules thérapeutiques sont en développement : les analogues de la Vitamine D. Elles permettent une action ciblée de la vitamine D. L’efficacité de ces analogues est reconnue dans le traitement local du psoriasis et en cours d’évaluation pour le traitement de certains cancers, des hyperparathyroidies secondaires à une insuffisance rénale et de la minéralisation osseuse [Brandi, Nephrol Dial Transplant, 2002 ; Masuda, Mol Cancer Ther, 2006 ; O’Neil, Drugs Today, 2010].

Ainsi, la supplémentation en vitamine D doit être prescrite non seulement aux jeunes enfants mais poursuivie durant l’adolescence puis la vie adulte ; la dose recommandée est de 400 UI/jour surtout durant la période hivernale et nous en sommes loin.

*Endocrinologie pédiatrique, Centre de référence maladies rares du métabolisme Phosphocalcique, hôpital de la mère et de l’enfant, Limoges.


Source : Bilan spécialistes