Des résultats positifs chez la souris

Une anti-ghréline contre la prise de poids

Publié le 19/11/2010
Article réservé aux abonnés

FACE à la croissance mondiale de l’obésité et de ses maladies associées, d’immenses efforts sont en cours pour éclaircir les interactions nutriments-hormones qui contribuent à la prise de poids.

Après la leptine, découverte en 1994, une série d’hormones qui influent sur la masse corporelle, par action centrale ou périphérique, ont été identifiées.

Parmi celles-ci, la ghréline, une hormone peptidique produite et sécrétée principalement par l’estomac et agissant dans le cerveau pour stimuler la faim, a reçu un intérêt considérable pour son rôle dans la prise de poids et la modulation de l’équilibre glycémique.

Plusieurs stratégies thérapeutiques ont été développées pour antagoniser la ghréline ; cependant aucune ne s’est encore montrée bénéfique sur le plan clinique.

Une molécule de synthèse qui antagonise l’enzyme GOAT.

Pour être active, la ghréline nécessite une octanoylation de la sérine en position 3, une modification post-traductionnelle inhabituelle qui est catalysée par l’enzyme ghréline O-acyltransférase (GOAT).

Une équipe dirigée par le Dr Pilip Cole (Johns Hopkins University School of Medicine, Baltimore) a synthétisé une molécule appelée GO-CoA-Tat qui antagonise l’enzyme GOAT.

La GO-CoA-Tat inhibe puissamment l’enzyme GOAT in vitro, dans des cellules humaines et chez la souris.

De plus, un traitement par GO-CoA-Tat (administré quotidiennement par voie intrapéritonéale) chez des souris soumises à un régime riche en graisse, pendant un mois, réduit la prise de poids en agissant sur la masse grasse, mais ne semble pas réduire la prise alimentaire, et améliore la tolérance au glucose.

Ces effets métaboliques bénéfiques résultent vraisemblablement de l’inhibition de l’enzyme GOAT, puisqu’ils ne sont pas observés chez des souris K. O. déficientes en ghréline.

« En plus de servir d’outil de recherche pour cartographier les actions de la ghréline, GO-CoA-Tat pourrait aider à ouvrir la voie pour cibler cliniquement l’enzyme GOAT dans les maladies métaboliques », concluent les chercheurs. « Nous avons montré que l’inhibition de la production de l’acyle ghréline par un composé synthétique peut prévenir la prise de poids et améliorer la glycémie chez des souris exposées à un régime riche en graisses », explique au quotidien le Dr Pilip Cole.

« Les effets sur la prise de poids viennent principalement de la prévention de l’augmentation de la masse grasse, plutôt que de la masse maigre. Par ailleurs, le composé semble être sûr et bien toléré. »

« Notre travail pointe vers de nouvelles directions thérapeutiques pour l’obésité et le diabète, un problème de santé publique mondial. Puisque nos résultats sont prometteurs chez la souris, nous espérons que dans les futures années, avec des études supplémentaires, nous pourrons découvrir des médicaments apparentés qui pourront aider à contrôler le diabète et le poids chez les individus. Notre prochain objectif sera de perfectionner les propriétés de notre composé synthétique et d’explorer l’innocuité et l’efficacité dans une série d’études animales. »

Cette approche qui cible directement la biosynthèse de l’hormone active, l’acyle ghréline, offre plusieurs avantages par rapport aux antagonistes du récepteur pour la ghréline, selon les chercheurs. Premièrement, ces inhibiteurs d’enzyme GOAT n’auraient pas besoin de passer la barrière hémato-encéphalique pour agir, à la différence des inhibiteurs de récepteurs. De plus, ces derniers pourraient entraîner en fait une production accrue de ghréline. Enfin, cibler une enzyme plutôt qu’un récepteur abondant pourrait être avantageux.

Sciencexpress 18 novembre 2010, Barnett et coll.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8859