« ALORS QUE la contraception orale a cinquante ans, elle est toujours vécue comme dangereuse par un certain nombre de médecins, en particuliers les endocrinologues. Trop souvent, ces derniers estiment qu’une contraception hormonale est définitivement contre-indiquée chez les femmes présentant des facteurs de risque vasculaires ou métaboliques. Si cette contre-indication est justifiée dans certains cas, globalement, le rapport bénéfice risque reste favorable », souligne le Pr Sophie Christin-Maitre, chef du service d’endocrinologie de l’hôpital Saint-Antoine à Paris. « Aujourd’hui, on constate que les endocrinologues n’abordent que très peu ce sujet de la contraception avec leurs patientes qui, de leur côté, pour en parler, s’adressent plus volontiers à leur gynécologue ou leur généraliste. Il faudrait donc sensibiliser les endocrinologues pour qu’ils abordent cette question avec leurs patientes », ajoute le Pr Christin-Maître, en précisant que ses confrères pourront utilement se reporter à un texte de consensus sur la contraception hormonale chez la femme à risque vasculaire et métabolique récemment publié par la Société française d’endocrinologie (SFE).
En 2010, la SFE a pris l’initiative de réunir un groupe d’experts pour élaborer, sous l’égide, du Pr Pierre Gourdy (INSERM, CHU de Toulouse) et du Pr Véronique Kerlan (CHU de Brest), un consensus guidant l’utilisation des méthodes contraceptives hormonales dans les situations de risque vasculaire ou métabolique, sur la base des données disponibles et des recommandations internationales publiées en 2009 par l’OMS. Volontairement limité à la contraception hormonale, ce texte (1) se présente comme un outil d’aide à la prescription dans des situations cliniques particulières telles que les antécédents familiaux ou personnels de maladie thromboembolique veineuse ou artérielle, ou l’existence de facteurs de risque cardio-vasculaire (hypertension artérielle, tabagisme, diabète, dyslipidémie, obésité).
Le premier constat du groupe d’expert (dont faisait partie le Pr Christin-Maître) est le fait que le recours aux méthodes contraceptives hormonales est très répandu en France, incluant principalement les pilules estroprogestatives, mais également les contraceptions estroprogestatives par voies non orales (patch, anneau vaginal) et les contraceptions progestatives par voie orale, implant ou dispositif intra-utérin. « Aujourd’hui, en France, plus de 7 millions de femmes utilisent une contraception hormonale, principalement la pilule (6,1 millions), plus rarement un implant sous-cutané ou un dispositif intra-utérin (DIU). Une large enquête menée en 2005 a montré que trois femmes de 15 à 49 ans sur quatre utilisent une contraception, médicalisée dans 82 % des cas. Mais malgré cette couverture contraceptive, les échecs restent élevés. Selon les études de Nathalie Bajos, on dénombre chaque année 350 000 grossesses non désirées, dont environ 200 000 se terminent par une interruption de grossesse », souligne le Pr Christin-Maitre.
Le risque vasculaire reste faible en valeur absolue.
Le texte de la SFE souligne l’importance d’établir un équilibre entre les bénéfices et les risques attachés à chaque méthode contraceptive afin de permettre un choix adapté à l’échelle individuelle. « L’utilisation de contraceptifs peut se révéler délétère dans certaines situations médicales, soit parce que la méthode contraceptive aggrave les pathologies sous-jacentes, soit parce que la pathologie et/ou son traitement réduit l’efficacité de la contraception. Tout particulièrement, l’augmentation rapide du nombre de femmes exposées aux différents facteurs de risque vasculaire alors qu’elles sont encore en âge de procréer pose de sérieux problèmes pour le choix des stratégies contraceptives. En effet, l’existence d’un risque cardio-vasculaire accru rend primordiale la mise en place d’une contraception efficace pour limiter les complications potentielles liées à la survenue d’une grossesse. Par ailleurs, choisir une méthode efficace, en particulier hormonale, est susceptible de majorer les risques vasculo-métaboliques, et en particulier de favoriser la survenue d’événements vasculaires », souligne le texte de consensus avant de passer en revue les différents choix de prescription d’une contraception hormonale en situation de risque vasculaire et/ou métabolique. « Le risque de thrombose veineuse est globalement multiplié par quatre, plus ou moins marqué en fonction de l’âge, des molécules utilisées et des autres facteurs de risque (notamment les thrombophilies biologiques, les antécédents personnels de thrombose) tandis que le risque d’événement artériel se trouve uniquement majoré chez les femmes présentant des facteurs de risque associés. Concernant les contraceptions progestatives, les données ne montrent pas de surrisque mais elles sont malheureusement nettement moins nombreuses », souligne le texte de consensus.
De son côté, le Pr Christin-Maitre précise que cette multiplication par quatre du risque du risque veineux concerne le risque relatif. « En valeur absolue, le risque de phlébite est de 4 pour 10 000. Le risque reste donc très faible. Il est même infime (1 pour 100 000) pour le risque artériel », indique-t-elle, en invitant les endocrinologues « à se saisir de cette question de la contraception hormonale et à ne plus hésiter à aborder le sujet avec leurs patientes ».
D’après un entretien avec Pr Sophie Christin-Maitre, chef du service d’endocrinologie, CHU Saint-Antoine, Paris.
(1) Le texte de consensus a été publié dans les Annales d’endocrinologie et peut être consulté sur le site de la SFE : sfendocrino.org.
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