LA CHIRURGIE de l’obésité s’est développée depuis une dizaine d’années. Elle est maintenant, en phase d’expansion importante. Cette évolution dynamique est d’autant plus importante que les indications de la chirurgie digestive « se contractent » régulièrement depuis 20 ans. « Quelques chiffres sont très parlants : 1 800 personnes et 50 pays ont participé au congrès international de chirurgie de l’obésité à Paris en 2009. Cette année à Hambourg, le congrès a réuni 2 600 chirurgiens et 72 pays, souligne le Pr François Pattou (CHRU de Lille),ajoutant qu’il en est de même pour le congrès national de la SO.FF.CO.MM (Société Française et Francophone de Chirurgie de l’Obésité et des Maladies Métaboliques), qui a réuni plus de 350 personnes en juin 2011 à Lille et pour lequel nous attendons encore davantage de participants à Montpellier en 2012. »
Aujourd’hui, seuls les diabétiques obèses peuvent être opérés.
Selon les recommandations de la HAS (1), la chirurgie de l’obésité s’adresse aux obèses sévères ayant un indice de masse corporelle (IMC)› 40 kg/m2 ou à ceux cumulant un IMC› 35 kg/m2 et une comorbidité comme le diabète. Or, parmi les obèses opérés, 20 à 25 % de patients ont un diabète de type 2 (DT2). Chez certains de ces diabétiques opérés, une amélioration spectaculaire du diabète a été constatée après l’intervention. Dans de nombreux cas, une rémission complète a même été notée : « Deux ans après l’intervention, plus de 50 % des patients ne sont plus diabétiques. Cela n’avait jamais été observé avec un traitement médicamenteux, remarque le Pr Pattou. Il a même été nécessaire de redéfinir les critères de rémission du diabète. »
La chirurgie du diabète devrait ainsi considérablement se développer même si plus de la moitié des diabétiques ne répondent pas actuellement aux critères de la HAS. En effet, si les obèses sévères représentent 1 % de la population française, les diabétiques représentent 5 % de la population française, soit 3 millions de personnes en France et 300 millions dans le monde. Par ailleurs, du fait du vieillissement de la population, le nombre de diabétiques s’accroît régulièrement et devrait être multiplié par deux dans 20 ans. L’International Diabetes Federation a fait paraître, en juillet dernier, un consensus plaidant en faveur de l’élargissement des indications de la chirurgie bariatrique aux patients présentant un DT2. Ces recommandations suggèrent que, dans certaines circonstances, cette chirurgie soit appliquée à des patients ayant un IMC compris entre 30 et 35 kg/m2 (2). Il faut noter que la majeure partie des diabétiques de type 2 a un IMC entre 30 et 40 kg/m2 et que, aux États-Unis, 85 % des diabétiques de type 2 d’origine européenne sont en surpoids (IMC entre 25 et 30 kg/m2) (3).
Beaucoup de médicaments permettent une amélioration significative de l’HbA1c mais ils ont un effet plus modeste sur la survie. Ainsi, dans l’étude UKPDS, alors que le groupe recevant un traitement intensif presentait un meilleur équilibre glycémique, sa survie était à peine modifiée. ». Il faut aussi noter, point non négligeable, que plusieurs études de coût-efficacité ont montré que la chirurgie de l’obésité coutait moins cher sur le long terme qu’un traitement médicamenteux classique du diabète (4).
Des obstacles persistent.
Même si les résultats obtenus avec la chirurgie du diabète suscitent beaucoup d’enthousiasme, cela ne veut pas dire, bien sûr, que la chirurgie est « le traitement » du diabète. Des résultats spectaculaires sont observés chez certains patients obèses diabétiques, mais chez d’autres, l’intervention n’a que peu d’effet sur la glycémie. Par ailleurs, les études publiées dans la littérature sont insuffisantes, rarement contrôlées et exceptionnellement randomisées. Celles concluant à une rémission ne le font pas toujours sur les mêmes critères. Enfin, le bénéfice de l’intervention décroît avec le temps du fait de l’évolution naturelle de la maladie diabétique. Après une intervention par GBP (gastric bypass ou court-circuit gastro-jéjunal), chaque année, de 5 à 10 % des patients voient réapparaitre leur diabète.
Un mécanisme d’action encore mal connu.
« Bien sûr, la perte de poids induite par la chirurgie bariatrique joue un rôle sur l’évolution de la glycémie et un patient qui maigrit a plus de chances d’améliorer sa glycémie. Cependant, il est clair, estime François Pattou, que ce n’est pas uniquement la perte de poids qui améliore la glycémie. Nous voyons des patients qui améliorent leur glycémie avant leur sortie de l’hôpital et avant d’avoir perdu du poids. » Les différentes interventions de chirurgie bariatrique : anneau gastrique (AG), GBP, gastrectomie longitudinale, dérivation bilio-pancréatique… ont toutes un effet sur le poids. Cependant, elles ont des mécanismes d’action différents et n’ont pas le même effet sur la glycémie. « Ainsi, rapporte François Pattou, dans un essai, nous avons mis en place un AG ou un GBP chez des patients DT2. Lorsque les patients ont eu une même perte de poids, la prise d’un repas test standardisé n’a induit de restauration de l’insulinosécrétion que dans le groupe GBP. »
Le GBP semble la technique la plus efficace chez les patients ayant un DT2. C’est une intervention complexe qui, contrairement aux traitements médicamenteux, agit par des mécanismes multiples. En plus d’affecter la sécrétion et la sensibilité à l’insuline, le GBP modifie la sensation de faim ainsi que la qualité et la quantité d’aliments consommés. La diminution d’appétence pour le gras et le sucré pourrait faire intervenir des communications entre, d’une part, l’intestin et le cerveau [nerf vague et libération d’hormone orexigène (ghréline) ou anorexigène (PPY)] et, d’autre part, entre l’intestin et le pancréas (le GLP1 est augmenté après GBP). Pour François Pattou, « il est important de connaitre le mode d’action du GBP car les diabétologues ont besoin de comprendre son fonctionnement avant d’orienter leurs patients vers la chirurgie. De plus, nous devons comprendre pourquoi seuls certains patients s’améliorent. Cela nous permettra de personnaliser l’indication la chirurgie. Un autre élément important est que, en disséquant les différentes composantes de l’intervention, nous verrons celles qui sont importantes et nous pourrons les reproduire avec une chirurgie simplifiée moins invasive, voire même avec des médicaments ».
Que reste-t-il à faire ?
Il reste à démontrer l’intérêt clinique de cette technique. Le GBP améliore la glycémie, mais a-t-il un effet positif sur les complications du diabète : néphropathie, rétinopathie, neuropathie ? Améliore-t-il la survie des diabétiques ? « Ce dernier point fait l’objet d’un essai multicentrique français sur 500 patients qui a commencé cet été et qui implique des chirurgiens et des diabétologues. Son objectif est de comparer GBP et traitement médicamenteux, le critère de jugement principal étant la survie à 10 ans. Il ne faut pas oublier, rappelle François Pattou, que même si la chirurgie de l’obésité semble améliorer la survie des obèses sévères, ce n’est pas une intervention bénigne, elle génère des carences vitaminiques, augmente le risque d’ostéoporose et peut induire des morts accidentelles. La chirurgie du diabète devrait avoir sa place dans la prise en charge du diabète de type 2, mais les conséquences à long terme de ce traitement doivent encore être précisées»
D’après un entretien avec le Pr François Pattou, service de chirurgie générale et endocrinienne, CHRU de Lille.
(1) HAS Recommandations. Obésité : prise en charge chirurgicale chez l’adulte. Janvier 2009
(2) Dixon JB et coll. Bariatric surgery : an IDF statement for obese Type 2 diabetes. Diabet Med 2011;28:628-42.
(3) Gregg EW, et coll. The relative contributions of different levels of overweight and obesity to the increased prevalence of diabetes in the United States: 1976–2004. Prev Med 2007; 45:348–52.
(4) Keating CL et coll. Cost-effectiveness of surgically induced weight loss for the management of type 2 diabetes: modeled lifetime analysis. Diabetes Care 2009;32(4):567-74.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024