Par le Pr Fabrice Bonnet*
LE REIN joue un rôle important dans le contrôle de l’homéostasie glucidique. Le cotransporteur sodium glucose de type 2 (SGLT2), qui est exprimé dans la bordure en brosse épithéliale, régule la réabsorption rénale du glucose (1). Il a été décrit au moins trois isoformes de récepteurs SGLT : SGLT1, SGLT2 et SGLT3. L’expression du récepteur SGLT2 est essentiellement rénale, au niveau du tube proximal. Les patients qui présentent des mutations du gène de SGLT2 ont ainsi une glycosurie permanente (2). Ceci a conduit au développement d’inhibiteurs de SGLT2, avec pour objectif d’inhiber partiellement la réabsorption tubulaire du glucose et ainsi de diminuer la glycémie par augmentation de l’excrétion urinaire du glucose.
Le premier inhibiteur connu du récepteur SGLT2 a été la phlorizine qui avait été isolée de l’écorce d’un pommier au XIXe siècle. La phlorizine avait démontré un effet antidiabétique avéré mais n’a cependant pas été développée comme médicament en raison d’une mauvaise absorption intestinale et d’un catabolisme trop rapide. Cependant, tous les inhibiteurs de SGLT2 actuellement en développement sont des glycosides de structure dérivée de celle de la phlorizine.
La dapagliflozine
La dapagliflozine découverte par Bristol-Myers Squibb, en co-développement avec AstraZeneca est l’inhibiteur de SGLT2 dont le programme de développement clinique est le plus avancé. La dapagliflozine diminue la réabsorption tubulaire du glucose sans avoir d’effets sur la réabsorption intestinale du glucose qui est liée à SGLT1. Par rapport à la phlorizine, l’effet inhibiteur est plus important sur le SGLT2 humain. Les études dans des modèles animaux ont montré que la dapagliflozine augmente de manière dose-dépendante l’excrétion urinaire du glucose, induit une diminution significative de la glycémie à jeun et postprandiale de l’HbA1c et améliore la tolérance au glucose (3). De plus, la dapagliflozine augmente l’utilisation périphérique du glucose évaluée à l’aide du clamp euglycémique-hyperinsulinique et diminue la production hépatique de glucose.
Les inhibiteurs de SGLT2 diminuent l’hyperglycémie, à la fois dans des modèles expérimentaux de diabète de type 1 (rats après injection de streptozotocine) et dans des modèles de diabète de type2.
Études chez l’homme
Les études chez des patients diabétiques de type 2 ont montré une inhibition dose-dépendante de la réabsorption du glucose (de 20 à 44 %) avec en parallèle, une diminution significative, dose-dépendante, de la glycémie à jeun ainsi que de la glycémie post-charge(4).
Une étude multicentrique de phase 2 a montré chez 389 patients ayant un DT2 (taux d’HbA1c entre 7.5 et 8.0 %), naïfs de tout traitement antidiabétique une réduction de l’HbA1c à 12 semaines sous doses croissantes de dapagliflozine en monothérapie de -0,55 % à -0,90 % vs -0,73 % (sous metformine) et -0,18 % (sous placebo) (5).
Une réduction pondérale sous dapagliflozine était observée à 3 mois (de 1,3 à 2,0 kg en moyenne vs placebo avec une réduction associée du tour de taille sans modification de l’appétit.
Les hypoglycémies n'étaient pas plus fréquentes sous dapagliflozine que sous placebo ou metformine. La tolérance de la dapagliflozine était bonne mais l’événement indésirable le plus fréquemment rapporté sous dapagliflozine était des infections urinaires (5 à 12 % des patients) et des infections génitales (2 à 7 % des patients). Une baisse de 2,6 à 6,4 mm Hg de la pression artérielle systolique a été observée sous dapagliflozine, sans relation évidente avec la dose. L’effet diurétique de la dapagliflozine est modéré avec une augmentation modérée, dose dépendante, du volume urinaire correspondant à une augmentation moyenne de 0,3 à 1,5 mictions par jour, sans modification de la créatininémie ou des lipides plasmatiques.
D’autres études de tolérance testant les interactions potentielles avec les bloqueurs du système rénine-angiotensine sont terminées et de nombreuses études de pharmacodynamie en monothérapie, en association avec les antidiabétiques oraux ou l’insuline sont en cours.
Enfin, d'autres inhibiteurs du SGLT2 sont en développement mais pour lesquels les données précliniques ou cliniques chez l'homme n'ont pas encore été publiées : remogliflozine étabonate (Kissei et GlaxoSmithKline) ; AVE2268 (Sanofi-Aventis) ; BI-10773 et BI-44847 (Boehringer-Ingelheim) ; TA-7284 (Mitsubishi Tanabe).
Conclusion
Les inhibiteurs de SGLT2 apparaissent donc comme une nouvelle classe thérapeutique prometteuse au mécanisme d'action original sans induction d'hypoglycémies, au moins en monothérapie. L'intérêt des inhibiteurs de SGLT2 est de pouvoir potentiellement être associé à d'autres antidiabétiques, y compris l'insuline ou les analogues du GLP-1 et surtout d'être a priori efficace à la fois dans le diabète de type 1 et dans le type 2. Cependant, des études cliniques prolongées ainsi que des études spécifiques sont encore nécessaires afin de répondre aux interrogations concernant la tolérance clinique et les éventuelles modifications métaboliques et/ou structurales, potentiellement délétères, susceptibles d’apparaître en utilisation à long terme de ces traitements. Une classe à suivre donc avec attention…
*Service d'endocrinologie-diabétologie et Nutrition, Hôpital Anne de Bretagne, CHU de Rennes, France.
Conflits d'intérêt :
Le Dr F Bonnet a perçu des honoraires en tant que consultant pour les Laboratoires Bristol-Myers Squibb qui développent un inhibiteur de SGLT2. Les laboratoires Bristol-Myers Squibb n’ont pas été impliqués et ne sont pas intervenus dans la rédaction de cet article.
Références
1. Wright EM, Hirayama BA, Loo DF. Active sugar transport in health and disease. J Intern Med 2 007 ;261:32-43.
2. Van den Heuvel LP, Assink K, Willemsen M, Monnens L. Autosomal recessive renal glucosuria attributable to a mutation in the sodium glucose cotransporter (SGLT2). Hum Genet 2 002 ; 111 : 544-7.
3. Han S, Hagan DL, Taylor JR, et al. Dapagliflozin, a selective SGLT2 inhibitor, improves glucose homeostasis in normal and diabetic rats. Diabetes 2008 ; 57 : 1723-9.
4. Meng W, Ellsworth BA, Nirschl AA, et al. Discovery of dapagliflozin : a potent, selective renal sodium-dependent glucose cotransporter 2 (SGLT2) inhibitor for the treatment of type 2 diabetes. J Med Chem 2008 ; 51 : 1145-9.
5. List JF, Woo V, Morales E, Tang W, Fiedorek FT. Sodium-glucose co-transport inhibition with dapagliflozin in type 2 diabetes mellitus. Diabetes Care 2009;32
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