Les recherches sur les perturbateurs endocriniens environnementaux (PEE) sont pendant longtemps restées centrées sur les pathologies de la reproduction, après la mise en évidence, d’abord chez l’animal puis chez l’humain, d’un possible lien entre l’exposition à certains produits chimiques et la survenue d’anomalies du tractus génital. C’est dans ce domaine que les données sont les plus riches, avec notamment l’observation du syndrome de dysgénésie testiculaire en cas d’exposition fœtale à des PEE à activité œstrogénique ou anti-androgénique, ou l’augmentation d’incidence des pubertés précoces et du syndrome des ovaires polykystiques.
Mais l’impact délétère des PEE est loin de se limiter au système reproductif et ils sont également mis en cause dans des maladies thyroïdiennes, des maladies neuropsychiatriques et neurodégénératives, des cancers hormonodépendants et des pathologies métaboliques.
La nette augmentation de la prévalence du diabète de type 2 et de l’obésité, observée sur tous les continents depuis une trentaine d’années, découle probablement d’une interaction entre des facteurs génétiques et environnementaux, comme la sédentarité et la suralimentation, mais aussi les PEE.
Chez l’humain, un lien direct a été retrouvé entre une exposition accidentelle à certains polluants organiques (dioxine après l’accident de Seveso ou agent Orange chez les vétérans du Vietnam) et la survenue ultérieure d’un diabète de type 2 ou d’un syndrome métabolique. Des études épidémiologiques longitudinales, notamment celles menées dans le cadre du programme NHANES aux États-Unis, ont mis en évidence des concentrations plus élevées de PEE chez les sujets obèses et/ou diabétiques. Et de nombreux arguments convergent aujourd’hui pour souligner le rôle des polluants organiques persistants dans la survenue d’une insulinorésistance et d’un défaut d’insulinosécrétion.
Cette implication de l’exposition chronique à certains composés chimiques dans la genèse de l’obésité et du diabète de type 2 a été validée par le National Institute of Environmental Health Sciences aux États-Unis, puis par l’Union européenne. Les coûts de santé qui en découlent sont estimés à de 18 à 29 milliards d’euros chaque année. À elle seule, l’exposition prénatale au bisphénol A serait directement responsable de 42 000 cas d’obésité infantile chaque année, avec pour conséquence un surcoût annuel pour les systèmes de soins de 1,5 milliard d’euros.
Médecins, engageons-nous !
« Il faut aujourd’hui une action collective, mais aussi que la communauté médicale s’empare du problème des PEE, jusqu’alors surtout pointé du doigt par le public, estime le Pr Nicolas Chevalier (Nice). Les conséquences de l’exposition aux PEE vont au-delà de la fertilité, avec un effet de programmation fœtale qui va déterminer un phénotype métabolique 20 à 30 ans plus tard, sans compter l’effet transgénérationnel, à l’instar de ce qui s’est passé avec le Distilbène ».
« En dehors de tout engagement politique ou écologique, les médecins ne doivent pas être réfractaires à cette thématique et doivent au contraire apprendre à connaître ces molécules et leurs effets, afin de répondre aux demandes des patients, notamment des couples ayant un désir de grossesse et des jeunes parents », poursuit le Pr Chevalier.
De leur côté, les tutelles se sont emparées depuis quelques années de cette question. Un rapport de l’IGAS, publié en décembre 2017 et rendu public en février 2018, souligne les avancées dans ce domaine mais pointe aussi les difficultés dans la mise en œuvre des actions définies dans le cadre de la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, initiée en 2014. Notamment, des progrès doivent être faits pour la recherche, qui manque de financement en France, et améliorer la formation des professionnels de santé.
Entretien avec le Pr Nicolas Chevalier, CHU hôpital de l’Archet, Nice
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