EN FRANCE, sur les 350 000 grossesses non désirées dénombrées chaque année, quelque 200 000 donnent lieu à une interruption volontaire de grossesse. Or ce problème de contraception concerne particulièrement les femmes dites à risque vasculaire, qui sont aussi bien souvent celles exposées à des grossesses à risque. C’est en partie ce constat qui a conduit la Société Française d’Endocrinologie à établir un consensus sur la contraception hormonale chez les femmes à risque métabolique et vasculaire. Ces recommandations, qui seront publiées dans les Annales d’Endocrinologie courant 2011, ont tenu compte de la publication récente de l’Organisation Mondiale de la Santé en matière de contraception.
La contraception estroprogestative est associée à un risque veineux multiplié par un facteur proche de 4, qui varie cependant en fonction de la dose d’éthinylestradiol (au-delà de 30 microg), du type de progestatif (le risque est plus élevé avec les progestatifs de 3e génération, la drospirénone et l’acétate de cyprotérone), de l’âge et de la durée d’administration, le risque étant plus élevé au cours de la première année où sont généralement révélées les thrombophilies méconnues. L’hémostase est également modifiée lorsque la contraception EP est administrée par voie non orale. Ainsi, ce qui est vrai pour la « pilule » l’est aussi pour le patch et l’anneau vaginal.
Au niveau artériel, l’augmentation du risque de maladie coronaire ou d’accident vasculaire cérébral reste très modeste, sauf chez la fumeuse) et l’hypertendue. « En pratique, en l’absence d’autre facteur de risque, on peut laisser une contraception EP chez une fumeuse de moins de 35 ans. Au-delà de cet âge, nous sommes très réticents, a fortiori si la consommation dépasse 15 cigarettes par jour. Pour mémoire, la migraine avec aura est une contre-indication absolue à la contraception EP ».
La contraception EP a peu d’impact sur les lipides, à l’exception des hypertriglycéridémies qu’elle peut démasquer. Chez une femme ayant une hypercholestérolémie traitée et bien contrôlée dans son objectif de LDL – une contraception EP faiblement dosée est autorisée. En revanche, l’hypertriglycéridémie, même traitée, du fait de son caractère volontiers instable, fait contre-indiquer la contraception EP. « Les experts rappellent par ailleurs que la découverte d’une hypercholestérolémie totale lors du premier bilan lipidique sous pilule ne doit pas conduire à interrompre la contraception – avec pour corollaire le risque de grossesse - sans demander auparavant les fractions, car i l s’agit souvent d’une élévation isolée des particules HDL ».
Chez les diabétiques.
Les données sur le métabolisme glucidique montrent que la contraception EP n’aggrave pas le diabète et n’augmente pas le risque de devenir diabétique.
Chez la femme diabétique de type 1, la présence d’une seule complication (néphropathie, rétinopathie grave, pathologie cardiovasculaire, neuropathie) ou d’un seul facteur de risque (dyslipidémie, HTA, tabagisme, diabète évoluant depuis plus de 20 ans) constitue une contre-indication à la contraception EP.
En l’absence de l’une de ces complications ou facteur de risque, ce qui est le plus souvent le cas chez les adolescentes, ce type de contraception peut être prescrit.
Chez la femme diabétique de type 2, le choix en première intention se porte plutôt sur une contraception progestative. Les progestatifs ne semblent a priori pas avoir d’impact vasculaire dans ce contexte, mais les données scientifiques font cruellement défaut. Les données sont également parcellaires pour le risque thrombo-embolique, qui n’est toutefois pas augmenté avec l’acétate de chlormadinone, les microprogestatifs et le SIU. Une contraception EP peut éventuellement être envisagée si l’IMC s’avère inférieur à 30 kg/m2, en l’absence de complication et de facteur de risque associé.
En cas de diabète gestationnel, dont la prise en charge fait l’objet d’un consensus qui sera présenté lors du congrès de la Société Française de gynécologie-obstétrique en décembre, il est recommandé comme pour toutes les femmes, de ne pas prescrire de contraception EP juste après l’accouchement, du fait du risque veineux. Ainsi, en post-partum immédiat, la femme peut bénéficier d’une contraception progestative, qui pourra être relayée après 6 semaines par un EP, le risque de diabète ultérieur n’étant pas majoré par la prise d’un estroprogestatif et à condition d’avoir éliminé un facteur de risque vasculaire, fréquent dans cette population et qui inciterait à prescrire une contraception sans impact vasculaire
L’hypertension, qui majore le risque d’AVC, est assez fréquente, même chez la femme jeune. Au-delà de l’importance de la prise de la pression artérielle en consultation, le consensus recommande de ne pas prescrire de contraception EP en première intention en cas d’HTA. Elle pourra néanmoins être discutée chez une femme de moins de 35 ans, dont la PA est bien contrôlée par le traitement, en particulier si les autres méthodes de contraception sont contre-indiquées ou refusées. Tous les progestatifs peuvent par contre être utilisés. Il faut noter que les antécédents d’HTA gravidique ne posent pas de problème particulier.
Le cas de l’obésité est particulier, puisque les femmes ayant un IMC › 35 kg/m2 sont quatre fois plus exposées aux grossesses non désirées et aux IVG. La contraception hormonale est moins efficace chez ces femmes, du fait d’une diffusion différente.
Les experts estiment qu’aucune méthode hormonale n’est contre-indiquée en cas d’obésité isolée chez une femme de moins de 35 ans ; le risque de phlébite est certes augmenté, mais la balance bénéfice/risque plaide en faveur de la contraception. Par ailleurs, chez ces femmes, on n’observe pas de prise de poids supplémentaire liée à la pilule.
La chirurgie bariatrique est une situation doublement à risque. Risque de grossesse, du fait de la perte de poids brutale et de l’augmentation de la fertilité qui en découle. Risque d’accident thromboembolique, qui fait contre-indiquer tout type de contraception EP en péri-opératoire. Il est donc important d’anticiper et de modifier la contraception au moins un mois avant la chirurgie, en optant par exemple pour un microprogestatif. Après chirurgie de type bypass, entraînant une malabsorption digestive, toutes les contraceptions hormonales orales sont à éviter pour un risque d’inefficacité.
Dans tous les cas, la méthode de contraception doit être choisie de façon individualisée, en parfait accord avec la patiente.
D’après un entretien avec le Pr Véronique Kerlan, CHU, Brest et le Pr Pierre Gourdy, CHU Toulouse.
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