Pas loin de 100 000 cas annuels seraient dénombrés en France et plusieurs millions en Chine. Le chiffre de 10 % des grossesses, une approximation souvent citée, est probablement sous-estimé : certaines régions culminent à près de 20 % y compris en France. Cette augmentation a plusieurs raisons. Malheureusement, les femmes présentent de plus en plus de surpoids, voire d'obésité, un facteur favorisant le diabète gestationnel. Autre constatation, l'âge de plus en plus tardif des grossesses, or le risque de faire un diabète gestationnel est très augmenté dès l'âge de 35 ans. Enfin, les critères diagnostiques changent : la baisse des valeurs seuils permettant d’établir le diagnostic a fait augmenter le nombre de cas. Une autre raison est le dépistage de plus en plus universel du diabète gestationnel. En effet, la majorité des recommandations suggèrent de le rechercher uniquement en cas de facteur de risque : âge, surpoids et antécédents familiaux de diabète de type 2. Comme beaucoup de femmes présentent au moins un de ces facteurs et que dans 30 % des cas il n’existe aucun facteur de risque connu, de plus en plus d'auteurs recherchent systématiquement le diabète gestationnel et passent du dépistage ciblé au dépistage universel.
Dépistage, physiopathologie et prise en charge
Au niveau du dépistage, une étude italienne regrette que seulement moitié des femmes bénéficie d'un dépistage malgré des facteurs de risques avérés et qu'inversement il soit pratiqué chez des femmes non éligibles en théorie pour le dépistage. Par contre, la Suisse montre une multiplication par 6 en 10 ans du nombre de diabètes gestationnels détectés avec l'application des nouvelles recommandations.
Concernant la corrélation entre le poids et le risque de diabète gestationnel, une étude bulgare s'est intéressée à l'indice de masse corporelle avant grossesse comparé à la prise de poids pendant cette dernière. De façon attendue, tenter de lutter contre ces deux anomalies, améliore, de façon proche, le pronostic des complications fœtomaternelles y compris le risque de diabète gestationnel. Inversement, une étude hongroise a étudié la prise de poids en début de grossesse et le risque de diabète gestationnel sans montrer de lien. Ainsi, les conseils diététiques précoces à des femmes à risque n'auraient pas d'efficacité.
Quant à la glycémie, un essai espagnol a étudié la physiologie de l'augmentation de la glycémie plutôt à jeun ou plutôt après le repas. Tout un sous-groupe d'acides gras serait en cause et en particulier l'activité augmentée de la phospholipase D. Ces tests coûteux ne peuvent être réalisés de façon routinière.
Au niveau physiopathologique, une étude française a évalué l'effet de l'obésité indépendamment du diabète gestationnel sur l'éventuelle macrosomie fœtale. Indépendamment d'un diabète gestationnel (traité ou non) et de la prise de poids, l'obésité maternelle seule ne serait pas un facteur de macrosomie, avec néanmoins une adiposité accrue uniquement chez les nouveau-nés de sexe féminin.
Concernant le diagnostic, l'équipe hongroise a comparé deux critères diagnostiques différents afin de tester l'efficacité de critères diagnostiques moins sévères que les recommandations usuelles, avec des taux glycémiques « pathologiques » plus élevés. Sur l'aboutissement de la grossesse, des différences défavorables sont constatées avec les valeurs diagnostiques plus élevées. Ces différences seraient surtout liées à la prise de poids.
Le rôle du suivi a été l’objet d’une étude allemande. Celle-ci tentait d'introduire une intensification systématique du suivi qui n’a néanmoins touché qu'une petite moitié des patientes atteintes et s’est révélé sans effet sur la pathologie.
La diversité des pays, donc des cohortes présentées aboutit à des résultats qui ne vont pas tous dans le même sens, ne permettant pas à ce stade, par exemple, de sélectionner les patientes devant bénéficier de la recherche du diabète gestationnel.
Biomarqueurs et prédicteurs du diabète gestationnel
De nombreux biomarqueurs et prédicteurs ont été évalués dans différents pays. Ainsi, dans une étude chinoise, les acides biliaires totaux ont été étudiés pendant le premier trimestre. Au moins dans cette population, ce taux serait lié à l'insulinorésistance qui conduit au diabète gestationnel. Il permettrait de détecter les femmes à risque de développer la pathologie.
D’autre part, une étude de prédiction suédoise s’intéressait à la relaxine-2 et au C-peptide. Le taux des deux paramètres serait plus élevé dès le début de la grossesse avec diabète gestationnel ultérieur. Ceci était déjà connu dans la grossesse du diabète de type 1, mais pas dans le diabète de type 2. Cette augmentation pourrait être un effet compensateur à l'insulinorésistance qui accompagne le diabète gestationnel.
L'adiponectine était l’objet d’une étude italienne. Comme la leptine, elle présente des taux anomaux en relation avec l'insulinorésistance. L'adiponectine est plus basse, la leptine plus élevée. Les auteurs précisent néanmoins que ces anomalies ne sont pas capables de prédire formellement la survenue ou non d'un diabète gestationnel.
D’après une étude tchèque, le même type d’anomalies était retrouvé sur les récepteurs du goût, en présence ou non de diabète gestationnel, dans le diabète de type 2. Ces anomalies pourraient entraîner les femmes à une consommation alimentaire éventuellement nocive. Néanmoins, aucun allèle ne serait corrélé à un surpoids chez la mère, chez le nouveau-né ou à des anomalies des tests de glycémie. Même si ce résultat est rassurant, il ne valide pas la candidature de ces paramètres à une prédiction efficace.
Un autre essai chinois portait sur les micro-RNA. En présence ou non d'un diabète gestationnel, les résultats ne sont pas les mêmes dans une courte cohorte de quelques dizaines de patientes. Plusieurs groupes de micro-RNA étaient diminués dans le diabète gestationnel sans que les auteurs puissent conclure à un marqueur spécifique ou sensible. De même, d’autres micro-RNA ont été étudiés par une équipe allemande. Une dysrégulation de ces micro-RNA, probablement liée à l'inflammation, était mise en évidence.
Parallèlement, une équipe hongroise s’est intéressée au polymorphisme d'un nucléotide de 77 bases. Cette méthode coûteuse n’est ni assez sensible, ni assez spécifique (entre 40 et 80 %). Ce prédicteur ne permettra pas non plus de sélectionner les patientes devant bénéficier du test diagnostique classique d'hyperglycémie provoquée par voie orale.
La composition du microbiote intestinal chez les femmes en surpoids était l’objet d’un essai finlandais. Parmi tous les microbes étudiés, des anomalies liées à la concentration sérique de zonuline ont été observées. Dans cette étude très préliminaire, le lien avec le diabète gestationnel reste hypothétique.
Enfin, l’équipe suédoise a rapporté une curieuse association avec l'augmentation de la température. Le diabète gestationnel serait-il plus fréquent l'été ?
La découverte d’un marqueur prédictif fiable du diabète gestationnel permettrait la rationalisation du dépistage. De même, un marqueur annonciateur de la nécessité d'insuline orienterait les efforts sur cette population. Cependant, le rêve de disposer de disposer de tels marqueurs n'est pas encore une réalité…
Que se passe-t-il après un diabète gestationnel ?
Concernant le suivi post-diabète gestationnel, une étude belge retrouve les résultats habituels : plus de la moitié des femmes ne viennent pas aux consultations post accouchement. De plus, il s'agit des femmes les plus à risque (fumeuses, en surpoids ou appartenant à une minorité ethnique exposée). Aucune solution n’est proposée.
Selon une étude réalisée sur des patientes coréennes, les glycémies de milieu de grossesse et post-grossesse ne seraient pas liées. Les anomalies prégrossesse ne prédisent pas celles post-grossesse, d'où la recommandation répétée de continuer la prise en charge même après la fin de la grossesse.
Parfois considérée comme une débauche d'énergie, la prise en charge du diabète gestationnel est amplement justifié par ses possibles conséquences. En effet, au moins 1/3 des mamans vont présenter dans les 10 ans qui suivent un diabète de type 2 permanent. Les enfants sont exposés à un sur-risque d'obésité précoce, de troubles métaboliques glucidiques et lipidiques. Encore faut-il mettre en place des programmes de prise en charge (activité physique et diététique) pour cette population à risque.
D’après les présentations des Dr Heinemann (Allemagne), Lencioni (Italie), Savopol (Suisse), Boyadzhieva (Bulgarie), Szili-Janicsek (Hongrie), Ciborowski (Espagne), Jacqueminet (France), Kun (Hongrie), Hou (Chine), Dereke (Suéde), Bozkurt (Italie), Kuricova (Tchéquie), Huang (Chine), Stirm (Allemagne), Rosta (Hongrie), Ronnemaa (Finlande), Katsarou (Suède), Jevers (Belgique) et Mitanchez (France)
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