Le chaos a été découvert, par hasard, par Henri Poincaré en 1889, qui étudiait la stabilité du système solaire. Les caractéristiques principales des phénomènes chaotiques sont d’une part leur sensibilité aux conditions initiales et d’autre part leur imprédictibilité sur le long terme. Elles ont été mises en évidence par Edward Norton Lorenz (scientifique du Massachusetts Institute of Technology) en 1963. La première est le célèbre « effet papillon », introduit par Lorenz en 1972 lors d’une conférence intitulée « Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? ». La seconde est le temps au bout duquel il n’est plus possible de prédire l’évolution du phénomène. Par exemple, en météorologie, on ne peut prédire le temps qu’il fera que sur une durée maximale de sept jours environ. « Au-delà d’une semaine, la météorologie devient un phénomène chaotique : quelques dixièmes de degré de plus ou de moins en un lieu sur la terre peuvent générer une météo complètement différente de ce que l’on espérait avoir », explique Jean-Marc Ginoux, maître de conférences (HDR) et docteur en mathématiques appliquées à l’université de Toulon, docteur en histoire des sciences à l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris 6e).
Le chaos est omniprésent
Depuis cette découverte, les scientifiques ont cherché le chaos à peu près partout : dans la nature — les écosystèmes notamment (Robert May) — dans le corps humain, en particulier au niveau du cœur. Dans les années 80, Leon Glass et Daniel Kaplan ont ainsi démontré, en analysant des données d’électrocardiogrammes, que le cœur bat toujours de façon légèrement irrégulière. Concernant le diabète, les médecins savent depuis longtemps que l’évolution de la glycémie est chaotique, mais personne ne l’avait démontré. « Tout simplement parce que les mesures classiques de la glycémie (goutte de sang analysée par un lecteur de glycémie) ne permettaient pas de disposer de données suffisantes et continues pour étudier le chaos. La révolution en matière de mesure de la glycémie est la mesure continue du glucose, notamment grâce à un nouveau dispositif remboursé depuis juin 2017 : le FreeStyle Libre d’Abbott, souligne Jean-Marc Ginoux. Grâce à ce système, nous avons accès à des données de glycémie du patient toutes les minutes pendant quinze jours d’affilée. Ce qui nous fournit un nombre suffisant de données pour analyser la chaoticité du phénomène glycémique des patients diabétiques. Nous savons, aujourd’hui, que pour pouvoir étudier le chaos, nous avons besoin d’analyser au moins 15 000 données pour un patient. »
Ce nombre minimal de données permet d’étudier l’évolution de la glycémie d’un patient par son propre métabolisme en excluant le « bruit », c’est-à-dire tous les facteurs extérieurs (stress, alimentation, activité professionnelle et physique…) qui pourraient modifier la glycémie.
Le rêve rend la glycémie chaotique
« Pour exclure le bruit, nous avons mené notre étude sur l’évolution de la glycémie la nuit (période où le patient est supposé dormir) auprès de dix patients diabétiques de type 1. Nous avons utilisé un logiciel très puissant capable d’analyser les données de glycémie fournies grâce au FreeStyle Libre et de calculer le temps au bout duquel il n’est plus possible de prédire l’évolution d’un phénomène (ce temps est appelé horizon de Liapounov). Nous avons eu la bonne surprise de constater que le temps au bout duquel la glycémie évolue de façon imprédictible est exactement égal à 45 minutes, soit la moitié d’un cycle de sommeil », précise Jean-Marc Ginoux. Ainsi, pendant 45 minutes, le patient plonge progressivement en sommeil profond, puis, au bout de 90 minutes, quand il commence à rêver, il n’est plus possible de prédire sa glycémie : celle-ci devient chaotique.
Vers de nouvelles perspectives
« Il s’agit là d’un résultat intéressant dans le sens où l’on fait un lien entre la glycémie et le sommeil. La plupart des patients que nous avons recrutés pour l’étude ont tendance à trop charger l’insuline le soir, avant de se coucher. Ils anticipent ainsi le fait que, pendant six ou sept heures d’affilée, ils ne vont pas pouvoir s’injecter de l’insuline. L’analyse des corrélations entre leurs rêves et leurs variations de glycémie pourrait ouvrir de nouvelles perspectives. Nous allons recruter des patients au CHU de Marseille, en collaboration avec le Dr Marc Rey, pour travailler dans ce sens. Les personnes diabétiques devront effectuer des polysomnographies. Cela nous permettra d’obtenir leurs données de sommeil afin d’analyser précisément leur glycémie selon leurs cycles de sommeil », indique Jean-Marc Ginoux. Cette étude aura pour objectif de démontrer que rêve et diabète sont forcément liés.
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