Le plan Obésité accessible

Rendre plus lisible l’offre de soins

Publié le 24/11/2011
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Crédit photo : S Toubon

C’est un plan de santé publique ambitieux, construit sur le modèle du plan Alzheimer. Le plan Obésité (2010-2013) est lui aussi porté par le président de la République. Pour en assurer le pilotage, Nicolas Sarkozy a désigné le Pr Arnaud Basdevant, responsable du service de nutrition de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Ce plan est décliné autour de quatre grands axes : réorganisation de l’offre de soins et dépistage amélioré ; vulnérabilité et discrimination ; recherche transdisciplinaire ; prévention.

Un des premiers objectifs du plan sera donc d’agir sur l’organisation des soins en visant à rendre celle-ci plus lisible et accessible pour les patients qui, aujourd’hui, sont parfois un peu perdus. « Nous sommes partis de l’analyse de la chaîne de soins, du médecin traitant, aux médecins et chirurgiens spécialistes et aux centres spécialisés. Nous avons analysé ce qui faisait défaut à chaque étape », explique le Pr Basdevant, en ajoutant que des premières actions ont été conduites pour sensibiliser le public et les médecins de premier recours. « En ce qui concerne le public, il y a d’abord eu l’alerte forte de l’ANSES sur les dérives des régimes. De son côté, la Haute autorité de santé (HAS) a récemment présenté des recommandations de bonne pratique sur l’obésité pour aider les médecins traitants à réaliser les premières consultations et la prise en charge initiale ».

L’objectif du plan sera d’organiser l’offre de soins au niveau territorial. « Chaque Agence régionale de santé (ARS) a été chargée de reconnaître au niveau de son territoire de santé une ou plusieurs structures spécialisées capables d’assurer une prise en charge dans le domaine médical, chirurgical et des soins de suite et de réadaptation, pour les patients présentant des obésités sévères ou multicompliquées, indique le Pr Basdevant. Chacun de ces centres spécialisés devra être en mesure d’accueillir les formes les plus graves de la maladie avec toute l’expertise médicale et les équipements nécessaires (exemple lits, brancard, imagerie). Il devra collaborer avec un centre chirurgical qui devra lui aussi être en capacité d’accueillir des patients en situation clinique difficile avec tout l’équipement nécessaire, en particulier des tables d’opération pouvant accepter 200 ou 250 kg. Il faudra que ce centre soit en mesure de gérer le transport en urgence de ces patients obèses. Enfin, il devra être en lien avec des structures d’aval en mesure de prendre en charge les soins de suite et de réadaptation adaptés aux obésités importantes. ».

Ces centres spécialisés auront donc une mission d’animation territoriale de l’offre de soins, sous l’égide de l’ARS, en travaillant avec les médecins traitants, les médecins spécialistes de ville, les chirurgiens spécialisés en interventions bariatriques, les réseaux, le secteur-médico-social et les associations. « Ces centres pourront être publics ou privés, ou mixtes. Dans beaucoup de régions, le service de médecine sera vraisemblablement situé dans un CHR ou un CHU car il y a peu de structures d’accueil des patients atteints d’obésités sévères en secteur privé ; en chirurgie, près de 70 % de l’activité est en secteur privé, d’où l’intérêt de partenariats structurés. Cette mise en place doit s’appuyer sur l’existant et miser sur des collaborations innovantes, l’objectif est de fournir aux patients et aux associations un ensemble cohérent permettant une gradation pertinente des soins : très clairement la majorité des cas relève du premier recours, ; le recours spécialisé, médical ou chirurgical est essentiel pour les situations complexes ; le troisième recours est par définition fait pour les cas nécessitant des approches multiprofessionnelles intégrées et des équipements spécifiques », souligne le Pr Basdevant.

Vulnérabilité et discrimination.

L’appel d’offres pour la désignation de ces centres doit s’achever au 1er décembre. « À la mi-décembre, on devrait avoir identifié l’ensemble des centres qui seront au nombre de 36 au total. Dans chaque région, leur nombre va dépendre de la taille du territoire de santé concerné et de l’épidémiologie locale. Par exemple, dans le Nord où la prévalence de l’obésité est forte, il y aura quatre centres », précise le Pr Basdevant.

Le deuxième axe du plan concerne les problèmes de vulnérabilité et de discrimination liés à l’obésité. « On sait aujourd’hui qu’il y a des liens très forts entre la vulnérabilité sociale et cette maladie, constate le Pr Basdevant. Les centres spécialisés doivent être accessibles sans obstacle financier aux patients en situation économiquement difficile. Nous allons aussi prendre en compte le fait qu’il existe une forte relation entre l’obésité et le handicap ou la vie dans une institution. Nous allons donc développer des outils pour les professionnels qui travaillent auprès de ces publics plus exposés afin qu’ils fassent un travail de prévention. Enfin, nous allons agir pour renforcer l’accueil des jeunes patients qui ont une obésité liée à une maladie rare. Il s’agit de cas certes très peu nombreux, mais qui concernent des patients atteints d’une obésité grave avec des troubles du comportement importants ».

Pour une recherche transdisciplinaire.

Le troisième axe concerne la recherche qui devra être développée sur un mode transdisciplinaire. « On ne peut plus se contenter d’aborder la question de l’obésité sous l’angle purement biologique et génétique même s’il s’agit évidemment de paramètres majeurs. Il nous faut travailler sur les déterminants sociaux, sociologiques, économiques et géographiques de l’obésité. L’Agence nationale de la recherche, va mettre en place un atelier de réflexion prospective où des chercheurs en biologie, santé publique, sciences sociales et de l’environnement définiront de nouvelles perspectives pour la recherche transdisciplinaire », indique le Pr Basdevant.

Enfin, en matière de prévention, le plan Obésité va travailler en concertation avec les acteurs ministériels déjà engagés dans ce domaine. « Il existe déjà deux programmes majeurs de prévention en nutrition : le Programme national nutrition santé (PNNS) du ministère de la santé et le Programme national pour l’alimentation (PNA) du ministère de l’agriculture. Et nous allons travailler avec les responsables de ces deux programmes pour conduire une action coordonnée », indique le Pr Basdevant.

D’après un entretien avec le Pr Arnaud Basdevant (Pitié-Salpêtrière), en charge du pilotage du plan Obésité.

 Antoine Dalat

Source : Bilan spécialistes