PAR LE Pr SERGE HALIMI*
UNE RÉCENTE méta-analyse a bien montré que, partant d’une monothérapie metformine, toutes les bithérapies se valent (associations à la metformine), en terme de réduction de l’HbA1c, de -0,64 % à -0,97 %, sous condition de comparer des études ayant des HbA1c de départ similaires (1). En revanche, les effets indésirables diffèrent et il est vrai que la classe des gliptines offre un double avantage : pas de prise de poids ni d’hypoglycémie. Ce n’est pas pour autant qu’elles doivent être systématiquement préférées à d’autres associations avec la metformine comme avec la pioglitazone, la seule à agir spécifiquement sur l’insulino-résistance, ou avec les sulfamides hypoglycémiants de nouvelles générations ou glinides, avec l’acarbose et, enfin, avec les analogues du GLP1, mais ceux-ci nécessitent d’être injectés. Néanmoins, cette sécurité d’emploi qu’offre la bithérapie « gliptine + metformine » la fera probablement de plus en plus souvent choisir demain comme la bithérapie privilégiée. Il suffit pour cela d’observer ce que sont déjà les comportements de prescription des omnipraticiens.
Risques propres.
Par ailleurs, des données françaises récentes indiquent que 55 % des DT2 ont plus de 65 ans et 25 % plus de 75 ans. Pour les gérontologues, seuls ceux de plus de 75 ans peuvent être qualifiés d’âgés. Il est vrai que ce n’est qu’alors que leur mode de vie et la fragilité qui les caractérisent, vont orienter les choix thérapeutiques vers le meilleur compromis « efficacité - moindre iatrogénie ». Chez un sujet âgé, nombre de médications ont leurs risques propres : hypoglycémies sous sulfamides hypoglycémiants ou glinides, problèmes digestifs sous acarbose, risque d’insuffisance cardiaque sous glitazones (mais exclusivement si elle préexistait). En soi, la metformine elle-même n’est pas contre-indiquée à ces âges, mais par le simple fait du vieillissement, le débit de filtration glomérulaire (DFG) calculé (MDRD aujourd’hui) trouve rapidement des valeurs <60 ou 50 ml/min donc incitant à interrompre la metformine si l’on s’en tient à son AMM ! Pourtant, nombre de praticiens vous diront qu’ils en sont fort ennuyés car ces patients sont très bien sous metformine dont l’arrêt et le remplacement posent problème. Mais la plupart des nouveaux traitements n’ont pas fait l’objet d’étude chez le sujet âgé, la moyenne d’âge dans les études se situant en deçà de 65 ans. Ainsi, les gliptines comme les analogues du GLP-1 posent le problème de leur tolérance comme de leur efficacité chez le diabétique âgé. Il faut signaler que les traitements plus anciens n’avaient pas plus été évalués au-delà de 70 ans et qu’ils sont pourtant souvent utilisés !
Message entendu.
Notre première conclusion est qu’il faut inciter les groupes pharmaceutiques à entreprendre des études chez des DT2 « véritablement » âgés ou à fonction rénale réduite. Il semble que ce message ait été déjà entendu et que nombre d’études soient en cours sur ces populations. L’autre point délicat est celui de la typologie du diabétique âgé. S’agit-il d’un DT2 ancien ayant vieilli ou bien d’un DT2 de révélation tardive ? Dans le cas d’un diabète ancien, l’insulinopénie est souvent prédominante. Il s’ensuit un risque d’hyperglycémie sévère, doublé de celui de dénutrition. Cette situation fera préférer l’insulinothérapie à la fois efficace sur les glycémies, donc sécuritaire, et agissant comme l’anabolisant irremplaçable pour le maintien de la masse corporelle. Son véritable inconvénient est le risque hypoglycémique et la dépendance vis-à-vis des paramédicaux, mais il peut être limité si le patient est très bien pris en charge. Même si cette mise à l’insuline peu sembler aisée à nombre d’omnipraticiens grâce aux nouvelles insulines lentes, le bon résultat global (glycémies + autonomie versus effets indésirables) repose souvent sur l’implication d’un diabétologue accompagnée d’une éducation et d’un accompagnement volontiers paramédicaux, le recours à un réseau s’il existe.
Dans l’attente des résultats d’études en cours.
Chez les autres DT2 âgés moins anciennement diagnostiqués et sensibles aux ADOs, l’usage des glitpines est très attrayant. Mais les données sont peu nombreuses et l’indication parfois discutable en l’absence d’étude. Pour la vildaglitpine (Galvus ou Eucreas), on dispose de données qui montrent que les DT2 âgés de plus de 70 ans ayant un diabète relativement récent sont d’excellents répondeurs (encore meilleurs que les DT2 plus jeunes) et qu’il existerait ainsi de très bonnes indications de cet ADO chez eux (2). Reste alors la question de l’usage d’une bithérapie comprenant de la metformine si le DFG est ≤ à 50 ml/min. Nombre de consensus, mais pas l’AMM en France, proposent de réduire de moitié la dose de metformine (passer de 2 à 1 g/J) entre 50 et 30 ml/min de DFG.
En l’absence d’une réponse officielle des instances à ce propos, il faut attendre les résultats d’études en cours et demander ensuite aux autorités leur sentence ! Sinon nul doute que ces médications offrent un profil très favorable chez le DT2 âgé sans indications d’insulinothérapie. La venue prochaine d’une nouvelle gliptine à élimination totalement extra-rénale (linagliptine) peut aussi contribuer à son usage chez le sujet âgé. Comme pour toute nouvelle classe thérapeutique et après certaines déconvenues récentes, il convient, toutefois, de rester vigilant et de surveiller la réelle tolérance de cette classe thérapeutique en usage de masse et en condition de vraie vie, au-delà du constat pour l’instant rassurant des études réalisées en vue de la mise sur le marché.
*CHU de Grenoble.
1- Phung OJ et coll. Effect of noninsulin antidiabetic drugs added to metformin therapy on glycemic control, weight gain, and hypoglycemia in type 2 diabetes. JAMA 2010 14 ; 303 : 1410-8.
2- Halimi S et coll. Role of vildagliptin in managing type 2 diabetes mellitus in the elderly. Curr Med Res Opin 2010 ; 26 : 1647-56.
DCI : l’auteur déclare avoir ou avoir eu des relations professionnelles rémunérées avec la totalité des industriels impliquées dans le traitement du diabète, de ses complications ou des pathologies associées, l’auto-surveillance glycémique, ceci incluant l’ensemble des molécules et classes citées dans cet article.
2 âgés
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