Alors que se tient ce 14 novembre la journée mondiale du diabète, la Fédération française des diabétiques a lancé une pétition pour dire « stop aux métiers interdits ». En raison de réglementations datant des années 1950 mais toujours en vigueur, les personnes diabétiques se voient en effet interdire l'accès à certains métiers, comme conducteur de train, pilote d'avion, policier ou steward/hôtesse de l'air. Le Pr Gérard Lasfargues, diabétologue et professeur expert de médecine et de santé au travail à l'Université Paris-Est Créteil, explique pourquoi certaines restrictions systématiques n'ont plus lieu d'être et devraient laisser place en grande partie à des aménagements au cas par cas.
LE QUOTIDIEN : Pourquoi ces mesures restrictives sont-elles obsolètes ?
Deux choses ont changé depuis les années 1950. D'une part, ces interdictions ne correspondent plus à la réalité médicale en raison des nombreux progrès médicaux. Les technologies à la disposition des diabétiques, comme les dispositifs d'autosurveillance et les pompes à insuline, permettent à la plupart des patients de mieux maîtriser leur équilibre glycémique et de mieux anticiper et prévenir les complications comme les hypoglycémies.
En parallèle, les métiers et le travail en lui-même ont aussi beaucoup évolué. Les mutations technologiques font par exemple que les situations isolées au travail sans possibilité d’aide sont exceptionnelles : des dispositifs de secours connectés peuvent être fournis.
Le regard de la société sur le diabète comme sur les maladies chroniques en général doit changer, à l’instar de la vision anglo-saxonne beaucoup plus positive et qui a permis, sur la base d’expérimentations pratiques, de lever dans plusieurs pays des interdictions systématiques de métiers auparavant non accessibles aux diabétiques.
Qu'est-ce qui justifiait l'interdiction de ces métiers ?
À l'époque, la prise en charge était différente. La peur du risque d'hypoglycémie a conduit à interdire ou déconseiller certains métiers, comme les métiers de la Marine nationale ou de l'Armée. Certains ont été interdits car il supposait d'avoir un permis de conduire spécifique pour conduire par exemple une ambulance, un taxi ou un poids lourd. Des métiers d’inspection et de contrôle dans différents secteurs (sécurité sociale…) ont été interdits, car il s'agissait de métiers où les personnes pouvaient se retrouver en situation isolée. Tous ces métiers ont considérablement changé.
Une même profession peut par ailleurs correspondre en réalité à des situations professionnelles très différentes, avec, suivant les cas, la possibilité de proposer les mêmes activités à une personne diabétique qu’à une personne non malade, ou de proposer des restrictions de certaines activités plutôt qu’une inaptitude complète et définitive.
À noter qu'il n'existe pas de texte général avec une liste exhaustive des métiers interdits, les réglementations dépendent des institutions.
Que faudrait-il préconiser aujourd'hui ?
Il est tout à fait possible d'envisager que certains métiers interdits ne le soient plus systématiquement. Simplement, il faut mettre en place les conditions d’une bonne évaluation des situations de travail sur la base de « guidelines » réfléchies et négociées afin de proposer des projets professionnels appropriés aux diabétiques. Cela suppose une coordination efficace des acteurs du soin, des acteurs sociaux et de ceux de la santé au travail pour que la sécurité des personnes mais aussi la qualité de vie au travail du diabétique et de son entourage professionnel puissent être assurées au mieux. En pratique, ce type d’action se développe même si cela reste encore insuffisant.
Les progrès de la médecine conjugués au vieillissement de la population active vont amener de plus en plus de personnes atteintes de maladies chroniques à être confrontées à des difficultés et à des discriminations éventuelles dans le maintien dans l’emploi comme dans l’insertion professionnelle. Plus que jamais il est nécessaire d’anticiper ces situations par des actions globales permettant de fournir les ressources, le pouvoir d’agir aux malades chroniques et à leur entourage professionnel.
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