Diabète gestationnel

Pense-t-on suffisamment aux diabètes MODY ?

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Publié le 14/11/2016
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Le MODY 2 (défaut de la glucokinase) représente 22 % de l’ensemble des MODY, contre 66 % par mutation d’un facteur de transcription nucléaire dont 61 % par HFN1A (MODY 1 + MODY 3). Le nombre de femmes ayant un DG à tester n’est que de 2,7 pour identifier un cas de MODY 2 (sensibilité 68 %, spécificité 96 %). Ainsi sur ces 2 seuls critères, 37 % des femmes minces avec DG sont des MODY 2. Cependant, faut-il les traiter si leur régulation glycémique est naturellement adaptative autour de 6 voire 7 mmol/l ? En effet, ces patientes présentent une régulation glycémique à un niveau naturellement plus élevé que le sujet normal, des symptômes d’hypoglycémie, une riposte adrénergique et du glucagon à des niveaux glycémiques plus élevés (3,6-3,8 au lieu de 2,6-2,8 mmol/l).

Conséquences d’une insulinothérapie pour la mère gestante et le fœtus

Pour la mère, le principal risque est de tenter de traiter son hyperglycémie alors que celle-ci est adaptative, avec des risques iatrogènes en cas d’insulinothérapie. Dans l’étude britannique de Andrew Hattersley, une jeune femme de 21 ans, primipare, avec un IMC de 19 kg/m2 et des critères de DG (6,8 mmol/l à jeun et 8 mmol/l à 2 heures), présentait un MODY 2 ignoré. Traitée par insuline devant l’inefficacité de la diététique à normaliser ses glycémies, les doses avaient été augmentées jusque 160 U/J, avec des épisodes d’hypoglycémies répétés allant parfois jusqu’au coma… Par contre, lors de la seconde grossesse de cette jeune femme, l’hyperglycémie n’a pas été traitée. Seule une surveillance régulière échographique et une alimentation saine ont été préconisées, débouchant sur un accouchement normal (à terme) et un nouveau-né normopondéral.

Dans un travail publié en 2009, cette équipe montrait que tout dépend du génotype de l’enfant. S’il est porteur de la mutation (50 % de chance), le traitement de la mère par insuline aboutit à une hypotrophie fœtale en générant des glycémies beaucoup trop basses pour l’enfant. S’il n’en est pas porteur, l’hyperglycémie de la mère induit systématiquement une macrosomie que la mère ait reçue de l’insuline ou non (voir figure).

Identifier les patientes pour une diabétologie sur mesure…

Dans l’étude danoise, Torben Hansen a suivi 10 années après leur accouchement, 380 femmes ayant précédemment présenté un DG (dont 354 GAD négatives). Il a pu identifier que 5,7 % d’entre elles avaient une des mutations MODY. Ainsi, 15 MODY étaient retrouvés parmi les 120 femmes ayant développé un diabète durant les 10 années de suivi, soit environ 11 %. En somme, si cette situation semble assez rare dans la population générale des DG, elle est assez fréquente dès que certains phénotypes sont identifiés (identification souvent simple à pratiquer). D’une manière plus générale, la diabétologie prend du retard sur d’autres disciplines comme l’oncologie par exemple. Elle devrait désormais acquérir plus de rigueur dans la démarche de caractérisation des patients (surtout un peu atypiques) afin qu’ils reçoivent le traitement approprié. Or, les MODY ne sont pas si rares. Il ne s’agit plus d’une nouveauté ou d’une curiosité.

La première identification de diabètes monogéniques (MODY = Tattersall) remonte à 1974. Et, 40 années plus tard, la diabétologie peine à considérer ces entités comme de la médecine praticienne courante malgré de possibles conséquences fâcheuses pour les patientes, inutilement traitées par insuline dès la prime enfance (dans les 50 % de formes néonatales liées à une des mutations du canal potassique ou en cas de MODY 2 avec DG). Phénotyper, voire parfois génotyper les patients, ouvre sur des choix thérapeutiques suivant une physiopathologie précise et souvent sur une meilleure qualité de vie.

L’équipe britannique a même mis au point une application sur smartphone permettant de suspecter rapidement ces formes de diabètes. À terme, ceci peut déboucher sur des dépistages familiaux et des prises en charge précoces… sur mesure. Bien au-delà même du diabète gestationnel, la diabétologie doit franchir cette étape, encore lointaine comparée à d’autres disciplines.

D’après les présentations orales de
(1)  Andrew Hattersley (Université d’Exeter, Grande-Bretagne) #S13.1
(2)  Torben Hansen (Danemark) #S09.3 

Pr Serge Halimi
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Source : Congrès Spécialiste