Le précédent consensus datait de 2011, une mise à jour s’imposait, « alors que de très gros progrès ont été faits pour l’exploration, le diagnostic préopératoire et le traitement des nodules thyroïdiens », explique la Pr Françoise Borson-Chazot, endocrinologue au CHU de Lyon et coordinatrice du consensus annuel de la Société française d’endocrinologie (SFE) consacré cette année à la question.
Seules les récentes recommandations (septembre 2021) de la Haute Autorité de santé (HAS) ont précisé l’imagerie dans les pathologies de la thyroïde. « La HAS a entériné le score échographique européen EU-TIRADS, élaboré par une équipe parisienne. Il permet de classer de 2 à 5 les nodules selon le risque croissant de malignité (le score 1 correspond à une thyroïde normale, NDLR) », salue la Pr Borson-Chazot. Une échographie bien faite apporte aujourd’hui une information extrêmement précise et permet de réduire les indications de ponction. « Pour cela, il faut des examens de qualité, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas, déplore-t-elle. Les médecins généralistes ont le réflexe échographie devant un nodule, ce qui est bien, mais les prescriptions restent trop nombreuses, car l’échographie est encore trop souvent utilisée comme outil de dépistage. »
La SFE à l’origine du projet s’est associée pour ce consensus avec les sociétés de chirurgie endocrinienne et de médecine nucléaire. Dix groupes de travail multidisciplinaires planchent sur le document, qui devrait être publié cet été et communiqué à l’automne à l’occasion du congrès de la société savante. « C’est un enjeu de santé publique, souligne l’endocrinologue. Les nodules thyroïdiens sont extrêmement fréquents, plus de 50 % des femmes en ont après l’âge de 50 ans. Ils sont à 90 % bénins et non évolutifs. Le dépistage ne sert à rien ». La surdétection des microcancers entraîne en effet des chirurgies et des complications inutiles. Or, il y a encore 35 000 opérations par an en France. « La stratégie déflationniste commence seulement à infléchir les chiffres, précise-t-elle. Mais à l’inverse, il est très important de savoir reconnaître ceux qui justifient d’être traités. Il a été montré que le respect des recommandations et l’implication d’un endocrinologue dans le parcours de soins améliorent la sélection préopératoire et réduit le risque de chirurgie inutile. »
En cas de TSH élevée, ponctionner ou surveiller
Devant une suspicion de nodule thyroïdien, deux examens s’imposent : le dosage de la TSH et l’échographie thyroïdienne. « Si la TSH est basse, il s’agit très probablement d’un adénome toxique, qu’on identifiera par la scintigraphie, rappelle la Pr Borson-Chazot. Ces nodules fonctionnels autonomes représentent moins de 5 % de l’ensemble. Certains vont conduire au fil du temps à une hyperthyroïdie, mais beaucoup n’entraînent que des hyperthyroïdies frustes. Toute la question est de savoir s’il faut surveiller, traiter par iode radioactif ou par chirurgie. »
Si la TSH est haute ou normale, il peut s’agir d’un cancer. En fonction des dimensions du nodule et du score EU-TIRADS, on pourra proposer une ponction ou surveiller. « Les nodules de moins de 10 mm ne sont pas à ponctionner, même s’ils sont très suspects à l’échographie (EU-TIRADS 5), précise l’endocrinologue. Il peut s’agir d’un microcancer papillaire pour lequel on n’est pas forcé d’intervenir. Seul un sur dix va évoluer. Au lieu d’opérer d’emblée, il est proposé une surveillance active si certains critères sont remplis (au milieu d’un lobe, à distance du nerf récurrent et de la trachée chez une personne de plus de 40 ans). Cette stratégie est adoptée au Japon, en Corée, aux États-Unis et commence à l’être en France. » Une autre approche se développe actuellement : l’ablation par radiofréquence. « C’est une alternative séduisante pour le médecin et le patient, qui devient courante pour les nodules bénins avec de bons résultats. On commence à l’envisager pour les microcancers, mais c’est encore très nouveau et on manque un peu de recul », note la spécialiste.
Personnaliser grâce à la biologie moléculaire
La prise en charge devient de plus en plus personnalisée et la biologie moléculaire ouvre des perspectives pour améliorer le diagnostic préopératoire. « Des tests multigènes, bien plus complets que ceux disponibles en France (BRAF, RAS), sont commercialisés aux États-Unis », signale la Pr Borson-Chazot. L’amélioration de ces tests moléculaires permettra dans le futur une bien meilleure sélection des indications opératoires. Par ailleurs, la classification de l’Organisation mondiale de la santé a mis à part en 2016 les tumeurs de bas grade NIFTP. Ces néoplasmes folliculaires thyroïdiens non invasifs étaient autrefois considérés comme des cancers encapsulés. « La question est : faut-il les surveiller et comment ? », interroge l’endocrinologue.
En chirurgie, plusieurs avancées changent la donne. Comment est-il possible de développer la chirurgie ambulatoire ? « Une hospitalisation était nécessaire jusque-là en raison du risque d’hématome suffocant dans les 24 heures, explique la Pr Borson-Chazot. Il est essentiel de déterminer les critères pour l’ambulatoire. » La chirurgie robotisée et des voies d’abord alternatives (rétro-auriculaire, transorale) se développent, ainsi que le monitoring perchirurgical des nerfs récurrents. « Toutes ces initiatives visent une chirurgie la moins traumatique possible », souligne-t-elle.
Un point est consacré à la femme enceinte et à l’enfant. « C’est assez compliqué pour la femme enceinte, rapporte la Pr Borson- Chazot. La grossesse peut favoriser l’apparition de nodules, mais ce n’est pas forcément dangereux. S’il faut opérer, il faut le faire au deuxième trimestre. Et dans beaucoup de situations, on hésite. » L’idée est de dédramatiser les nodules pendant la grossesse. « Le risque de cancer est de 5 % et s’il s’agit d’un cancer, c’est à 95 % un cancer papillaire », ajoute-t-elle. Quant aux enfants, les nodules sont beaucoup plus rares. « Mais les cancers peuvent être plus florides avec des adénopathies pas toujours indolentes, décrit l’endocrinologue. La stratégie actuelle est d’opérer facilement, mais il faudrait arriver à rationaliser la prise en charge. »
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