Dès les premières publications chinoises puis italiennes, des groupes de sujets à risque de présenter des formes sévères, conduisant en réanimation de Covid-19 ont été identifiés, avec en corollaire une létalité plus importante. Les critères péjoratifs sont principalement l’âge et le sexe masculin, l’hypertension artérielle (HTA), les maladies cardiovasculaires et le diabète. Mais nous disposions jusqu’ici de peu de détails quant aux caractéristiques de ces patients (traitements reçus, type de diabète, complications diverses et indice de masse corporelle [IMC]). Certes, on sait que les diabétiques et les obèses sont moins nombreux en Chine qu’en Europe, sans parler des États-Unis. On a d’ailleurs pu voir apparaître assez tôt de fortes inquiétudes dans ce pays, dont la population est plus à risque que partout ailleurs : l’obésité y touche en effet un tiers de la population, un autre tiers étant en surpoids ; 16 % des Américains sont atteints de diabète de type 2. Sans compter que des groupes ethniques, comme les africains-américains et les hispaniques, sont bien plus touchés encore et leur situation socio-économique ne peut qu’augmenter les inquiétudes. Ainsi, on avait pu remarquer dès les premières données américaines publiées (1) que l’IMC des patients semblait jouer un rôle important dans l’admission en soins intensifs. Une étude française (Lilloise) vient d’être publiée et apporte un éclairage très utile sur cette question (2).
Un risque 7 fois plus élevé de mise sous ventilation mécanique
Les auteurs ont comparé les patients admis dans le service de réanimation de leur hôpital pour troubles respiratoires graves en lien confirmé avec le Covid-19 (n = 125) à 306 sujets servant de contrôles (une série historique de patients admis dans cette unité précédemment à l’épidémie). Parmi ces patients Covid-19 en réanimation, on retient un IMC moyen 29,6 kg/m2, 23 % de diabètes et 49 % d’HTA. Mais, surtout, parmi les patients ayant nécessité un besoin de ventilation invasive mécanique (VIM) les auteurs ont relevé une surreprésentation de patients les plus obèses, et aussi plus de diabètes et d’HTA que ceux n’en ayant pas nécessité. Le facteur le plus déterminant du besoin de VIM est l’IMC, avec une corrélation forte par degré d’obésité comparé à un IMC inférieur à 25 kg/m2. Le diabète et l’HTA ne sont pas, quant à eux, autant corrélés à la gravité en réanimation. Ainsi dans cette série l’obésité est un facteur de risque, surtout au-delà de 35 kg/m2 (OR = 7, 36 [1,63-33,14] par comparaison avec un IMC ≤ 25), indépendamment de l’âge, du diabète et de l’hypertension.
Comparés au groupe servant de contrôle, on constate une surreprésentation des patients obèses admis en réanimation pour problèmes respiratoires graves. Pour les auteurs, l’obésité est en cause à la fois via une hypoventilation des bases pulmonaires et comme source d’inflammation chronique de bas grade, avec sécrétions massives d’adipokines et de cytokines comme le TNF-alpha et l’interféron.
Nul doute que les données européennes, et surtout Nord-américaines, vont nous apporter des données importantes puisque ce continent est aujourd’hui largement touché par l’épidémie et par l’obésité et le diabète.
Professeur émérite, Université Grenoble-Alpes
(1) Bhatraju PK, Ghassemieh BJ, Nichols M, et al. Covid-19 in Critically Ill Patients I the Seattle Region - Case Series. N Engl J Med. 2020 Mar 30. doi:10.1056/NEJMoa2004500
(2) Simonnet A, Chetboun M, Poissy Jet al. Lille Intensive Care Covid-19 and Obesity study group. High prevalence of obesity in severe acute respiratory syndrome coronavirus-2 (SARS-CoV-2) requiring invasive mechanical ventilation. Obesity (Silver Spring). 2020 Apr 9. doi: 10.1002/oby.22831
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