L'incidentalome surrénalien est une situation fréquente en clinique mais pas si simple à gérer. « Environ 5 % de la population présente un incidentalome après l'âge de 60 ans, qui est le plus souvent un adénome bénin de la glande surrénalienne, explique le Pr Jérôme Bertherat de l'hôpital Cochin (AP-HP). L'incidentalome correspond à la découverte fortuite à l'imagerie d'une lésion surrénalienne, sans qu'il y ait de signes cliniques francs. »
En cas d'incidentalome, le consensus européen de 2016 recommande de rechercher une sécrétion autonome (test de freinage au dectancyl) mais aussi un phéochromocytome (dosage des dérivés méthoxylés). « Cela doit être systématique et peut se faire facilement en ville », indique le spécialiste.
Souvent, une sécrétion autonome de cortisol modeste sur adénome bénin peut exister chez ces patients. Dans ce cadre sans syndrome de Cushing franc, se pose la question de l'association à un diabète, à une hypertension artérielle et à une dyslipidémie. « Deux travaux de recherche européens publiés cette année, dont l'un chez plus de 3 000 patients (1,2), apportent un éclairage nouveau, rapporte l'endocrinologue. Environ 15 à 30 % des incidentalomes ont une sécrétion autonome de cortisol. Dans ce cas, malgré l'absence de Cushing franc, le risque cardiovasculaire est augmenté avec davantage d'accidents cardiovasculaires et une surmortalité, surtout chez les femmes de moins de 65 ans. »
Faut-il traiter, puisque le risque cardiovasculaire est augmenté ? Pour le moment, il n'y a pas de preuve formelle. « Il est raisonnable de tenir compte de l'existence de comorbidités, estime le Pr Bertherat. Si c'est le cas, la tendance est d'être plus interventionniste, c'est-à-dire opérer un adénome ou prescrire des anticortisoniques en cas de nodules bilatéraux. A minima, il est nécessaire de surveiller plus attentivement. » Un essai européen est en cours, les résultats sont attendus l'an prochain.
La testostérone, une piste dans le cancer surrénalien ?
Pourquoi le cancer de la glande surrénale est-il plus fréquent chez les femmes que chez les hommes ? Pourquoi le pronostic est-il plus mauvais pour les premières que pour les seconds ? La testostérone pourrait protéger du cancer des surrénales. C'est ce que suggère une équipe de Clermont-Ferrand (3) sur des modèles murins.
Les chercheurs français montrent que les macrophages sont davantage mobilisés chez les souris mâles que chez les femelles et que le recrutement de ces cellules immunitaires dépend de la testostérone. Les phénotypes sont moins sévères chez les souris mâles que femelles et un simple traitement des souris femelles avec cette hormone a permis d’entraîner un recrutement de ces cellules capables d’éliminer les cellules tumorales. Sur des tissus humains, les scientifiques ont retrouvé la même différence de recrutement de macrophages entre les hommes et les femmes. « Si la testostérone se révélait vraiment pertinente chez l'homme, cela pourrait ouvrir des pistes de traitement, non pas en administrant directement l’hormone, mais en ciblant des mécanismes moléculaires d’intérêt », estime le Pr Bertherat.
Le cancer de la surrénale est rare, les tumeurs de la glande étant le plus souvent bénignes. Mais en cas de récidive après la chirurgie, « on est très démunis », rapporte le spécialiste. Plusieurs pistes ont été testées jusque-là mais sans progrès majeurs. La survie est de 30 à 40 % à cinq ans.
Génétique de l'hyperaldostéronisme primaire
Plusieurs travaux de génétique ont été publiés au cours de l’année écoulée dans les trois hypersécrétions surrénaliennes, l’hyperaldostéronisme primaire, la maladie de Cushing et le phéochromocytome. À chaque fois, des équipes françaises ont été impliquées.
Dans l'hyperaldostéronisme primaire, une étude d'association sur génome entier (Gwas pour Genome-Wide Association Study) a été menée par l'équipe Inserm de Maria-Christina Zennaro. « Cela n'avait jamais été décrit auparavant, souligne le Pr Bertherat. L'étude a mis en évidence deux locus prédisposants sur le chromosome 1 et sur le 13. »
L’hyperaldostéronisme primaire est assez fréquent puisqu’il touche entre 5 et 10 % des hypertendus. L'hyperaldostéronisme primaire représente la première cause d'hypertension artérielle (HTA) secondaire, avec une prévalence d'environ 6 % de toutes les HTA. « Ce n'est pas suffisamment recherché en médecine générale, rapporte-t-il. Il faut savoir y penser devant une hypokaliémie et/ou une HTA résistante, en particulier chez le sujet jeune. Le dépistage se fait en ville sur le dosage sanguin de l'aldostérone et la rénine. Puis il faut adresser à un centre expert ou à un endocrinologue travaillant en lien avec un centre expert. » Les mécanismes primaires à l'origine d’un adénome de Conn et/ou d'une hyperplasie surrénalienne secrétant un excès d'aldostérone sont inconnus mais, ces dernières années, des gènes mutés sur le tissu surrénalien (mutations somatiques) ont été identifiés.
Pour le syndrome de Cushing, la tumeur bilatérale bénigne, dite hyperplasie macronodulaire, en est une cause très particulière, où, chez certains patients, le cortisol augmente à chaque fois lors des repas. Cela a été décrit il y a 30 ans par une équipe franco-canadienne dans « The New England Journal of Medicine », rappelle le Pr Bertherat. Cette année, la cause génétique en a été décrite par deux équipes françaises différentes. « La description physiopathologique est originale, précise-t-il. Cela s'explique par une expression ectopique surrénalienne du récepteur du GIP, dont l'expression est habituellement pancréatique et qui est stimulé par le GIP sécrété lors du repas. Le gène KDM1 a été retrouvé muté chez ces patients, entraînant ainsi l'expression du récepteur du GIP dans la surrénale. »
Quant au phéochromocytome, c'est une cause plus rare d'HTA secondaire. Plusieurs gènes de susceptibilité sont connus depuis longtemps, il est nécessaire de suivre les patients porteurs des gènes SDHx (terme qui regroupe quatre gènes). « Un consensus international publié fin 2021 a été piloté par la Pr Laurence Amar de l'hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP), souligne le Pr Bertherat. Le protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) a aussi été publié par la Haute Autorité de santé en septembre. »
Dans l'hyperplasie congénitale des surrénales, dépistée en France à la naissance par la recherche du déficit en 21-hydroxylase, deux études de cohorte - une scandinave et surtout une chinoise totalisant un effectif 10 fois plus important (600 participants) - ont identifié les trois causes génétiques les plus fréquentes à l'aide de l’analyse des stéroïdes surrénaliens par spectrométrie de masse. « Ces résultats illustrent la puissance de cette technique qui est en train de diffuser en routine », explique l’endocrinologue.
D'après le congrès de la Société française d'endocrinologie du 12 au 15 octobre 2022 à Nantes
(1) T. Deutschbein et al, Lancet Diabetes Endocrinol, mai 2022. doi.org/10.1016/S2213-8587(22)00100-0
(2) A. Prete et al, Ann Intern Med, janvier 2022. doi:10.7326/M21-1737
(3) J. J. Wilmouth et al, Science Advances, octobre 2022. doi/10.1126/sciadv.add0422
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