L’IMC ou Indice de masse corporelle, aussi appelé indice de Quetelet, du nom du statisticien belge qui en a eu l’idée dès 1835 (1), est un indicateur qui permet de mesurer la corpulence d’un adulte pour en estimer le risque de maladies chroniques, notamment métaboliques ou de dénutrition. Cet instrument a ainsi été initialement créé pour effectuer des statistiques. Il est toutefois peu à peu devenu un instrument normatif de diagnostic de la corpulence individuelle et a fini par être adopté par l’OMS en 1997 (2).
La prévalence de l’obésité est croissante et elle atteint les proportions d’une épidémie. Elle est associée à de nombreuses comorbidités, notamment les maladies cardiovasculaires (coronaropathie, insuffisance cardiaque ou encore troubles du rythme) et les perturbations métaboliques, en particulier le diabète, la dyslipidémie et l’hépatopathie métabolique. L’obésité est aussi un facteur de risque de mortalité générale bien démontré, notamment dans une étude européenne qui a porté sur 359 000 participants suivis 9 ans (3), dans une étude prospective réalisée aux États-Unis, dans laquelle plus d’un million d’adultes ont été suivis pendant quatorze ans (4), et dans une méta-analyse de dix-neuf études portant sur 1,46 million d’individus suivis pendant dix ans (5).
Le paradoxe de l’obésité.
Toutefois, des publications récentes et des méta-analyses ont souligné que les patients en surpoids ou obèses atteints d’insuffisance cardiaque ou d’une maladie coronaire avaient, contre toute attente, un pronostic moins sombre et une mortalité réduite par rapport aux patients de poids normal (6). Cette diminution inattendue de la mortalité constitue le paradoxe de l’obésité.
Pour préciser ce point, une étude a été réalisée dans le monde entier auprès de 54 285 patients à haut risque cardiovasculaire issus du registre international REACH (REduction of Atherothrombosis for Continued Health), un registre observationnel prospectif international chez des patients à très haut risque d’événements athérothrombotiques (7). Dans ce travail, l’incidence des décès et des accidents cardiovasculaires a été analysée en fonction de l’IMC (8). La durée du suivi des patients s’est prolongée jusqu’à 4 ans. Les critères principaux de jugement ont été la mortalité globale, la mortalité cardio-vasculaire et les événements cardio-vasculaires.
Ce travail a montré que le surpoids et l’obésité ne sont pas associés à une augmentation du risque de syndrome coronaire aigu ou d’AVC. Au contraire, l’excès de poids apparaît comme protecteur et la maigreur comme dangereuse. Le risque de décès, par rapport aux personnes de poids normal, est apparu en effet multiplié par 2 chez les personnes maigres alors qu’il était réduit de 22 % chez les personnes en surpoids, de 28 % chez les sujets modérément obèses et de 37 % en cas d’obésité sévère.
Il est intéressant de noter que dans le registre REACH, les patients obèses reçoivent, plus souvent que les autres, les traitements recommandés dans la prévention cardiovasculaire. Cette qualité de la prise en charge pharmacologique pourrait expliquer la diminution du risque chez ces sujets mieux protégés. Mais une analyse en sous-groupe a montré que le paradoxe de l’obésité persiste chez les patients recevant un traitement optimal. L’optimisation du traitement ne rend donc pas compte de la protection des sujets obèses.
L’IMC ne semble au total pas constituer un bon indicateur du risque cardio-vasculaire, en particulier chez des sujets ayant déjà des artères malades. C’est pourquoi un excès pondéral, même important, ne suffit pas pour faire considérer le risque cardio-vasculaire comme majoré. Réciproquement, un IMC normal ne doit pas rassurer à tort. L’IMC estime la quantité de graisses dans le corps mais également la masse corporelle musculaire et osseuse, et ne rend pas compte de la répartition de la masse grasse. Un IMC normal avec une perte musculaire et/ou une masse grasse anormalement localisée peut exposer à un risque de diabète ou de maladies cardiovasculaires accru.
(2) Kuczmarski RJ, Flegal KM. Criteria for definition of overweight in transition: background and recommendations for the United States. Am J Clin Nutr 2000; 72: 1074–1081.
(3) Pischon T, et coll. General and abdominal adiposity and risk of death in Europe. N Engl J Med 2008; 359: 2105–2120.
(4) Calle EE, et coll. Body-mass index and mortality in a prospective cohort of U.S. adults. N Engl J Med 1999; 341: 1097–1105.
(5) Berrington de Gonzalez A, et coll. Body-mass index and mortality among 1.46 million white adults. N Engl J Med 2010; 363: 2211–2219.
(6) Hainer V, Aldhoon-Hainerová I. Obesity paradox does exist. Diabetes Care 2013; 36 Suppl 2: S276–81.
(7) Ohman EM, et coll. The REduction of Atherothrombosis for Continued Health (REACH) Registry: an international, prospective, observational investigation in subjects at risk for atherothrombotic events-study design. Am Heart J 2006; 151: 786.e1–10.
(8) Hansel B, et coll. Cardiovascular risk in relation to body mass index and use of evidence-based preventive medications in patients with or at risk of atherothrombosis. Eur Heart J 2015 (doi: 10.1093/eurheartj/ehv347).
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